Lorsque les chamans de pacotille du psychédélique de Taipei ont sorti leur album Pán il y a deux ans, ils ont confondu et ravi les auditeurs du monde entier avec leur emploi d’éléments rituels bruts du passé complexe (réel et imaginaire) de Taïwan. Il est à noter que les frères Hom Yu et Jiun Chi de la formation de doom-funk ésotérique Mong Tong font partie de ce quintet à deux batteurs. Les deux groupes explorent leurs racines taïwanaises, mais Prairie WWWW le fait avec plus de légèreté, bien que de façon plus étrange, avec la poésie comme élément-clé.
L’automne dernier, Prairie WWWW a participé à l’hilarante et hyperactive Sugarfoot sur l’album de Juice B Crypts du groupe Battles, aux côtés de… Jon Anderson. Lui-même ! Tous ont d’ailleurs dû bien s’amuser là-dessus. Toujours est-il que Formosan Dream est son enregistrement le plus décent et le plus discipliné. Avec ses synthés lourds et ses rythmes dance déconstruits, c’est aussi son album le plus numérique, les zéros et les uns enfilés comme les grains d’un chapelet remontant le cours de la culture pop obsolète, de l’histoire, du folklore et des mythes fondateurs, jusqu’à quelque endroit primitif et préhumain, sur l’inquiétant intermède Whales’ Bones.
Ces échos du passé se manifestent sous forme de clins d’œil, d’allusions et de fragments. Il s’agit d’une archéologie expressionniste qui, à bien des égards, renvoie davantage à l’avenir, une recherche de pistes pour une nation insulaire pittoresque et culturellement encombrée aux prises avec une tenace incertitude existentielle. Une chose est sûre cependant (il ne manque que la date exacte), c’est la sortie prochaine d’une vidéo d’une séance d’enregistrement live. Compte tenu du trophée de la meilleure performance live remporté par le groupe à l’occasion des Golden Indie Music Awards l’année dernière à Taïwan, ça promet !