Emphatic Now est un voyage. Un voyage dans l’impro organisée, dans la réflexion spontanée sur le monde et dans un engagement créatif envers la signifiance de l’art. Douglas R. Ewart (bois, didjeridoo, percus, voix et textes), Christian Asplund (alto et piano) et Steven Ricks (trombone et électronique), improvisent librement, mais en demeurant bien collés aux propos soutenus, souvent mais pas exclusivement, par les textes de Ewart. Que les thèmes soient politiques/environnementaux, émotionnels (l’amour) ou humanistes (le sort des femmes dans les pays en sous-développement), Ewart leur donne beaucoup de force sur fond de jaillissements sonores, de cris ou de bribes de mélodies créés par ses deux compagnons. Quelques exemples :
‘’Don’t create the crisis, and then… cry’’
“Is love something we find or something we cultivate, or isit manifold?”
‘’Love is never blind, it sees with the clarity and wiseness of an owl’’
“Ever had to carry water?”
Dans Call to Attention, première plage de l’album, on a parfois l’impression d’être dans un monde à la George Crumb, avec des fulgurances onomatopéiques, vaguements exotiques, et des éclats sonores presque tactiles. Des aspérités spontanément exécutées apparaissent, parfois violentes, mais souvent, aussi, presque lyriques, en tout cas très évocatrices de beaux et intrigants tableaux. Le style est résolument contemporain dans son architecture éclatée, mais les diverses particules motiviques et thématiques, voire dans certains passages de véritables mélodies, orbitent autour de centres tonaux bien définis, bien que continuellement en état de métamorphose. Tout cela crée un sentiment de cohérence plus attrayant qu’une démarche purement abstraite et expérimentale.
Dans The Isness of Love, le bourdon créé par le didjeridoo évoque (peut-être?) l’obsession du questionnement que nous avons tous et toutes sur l’amour. Ewart récite sa propre impro textuelle sur le sujet, dans un accord ‘’inaccordé’’ avec ses collègues.
Je ne décrirai pas chacune des autres pièces, sinon pour dire que le restant du programme se fait plus typiquement avant-gardiste dans son pointraitisme structurel et/ou son jazz très libre, mais l’énergie dégagée par les interventions instinctives des trois musiciens est fortement communicatrice, en plus d’imposer une urgence de l’écoute et une intensité de la concentration auditive qui détonnent heureusement dans un monde musical qui nous écrase de son swiftisme et autres vides facilités.
Pas pour les oreilles et les sensibilités fragilisées par une certaine superficialité pop commerciale, mais une aventure mémorable pour qui s’y lancera avec ouverture et réceptivité audacieuse.
Douglas R. Ewart – instruments à vent (bois), didgeridoo,
percussion, voix, textes
Christian Asplund – alto et piano
Steven Ricks – trombone et électronique