Après avoir fait paraître son premier album Femmes de légendes, la pianiste maskoutaine Élisabeth Pion nommée Révélation Radio-Canada 2024-2025 en musique classique, met de nouveau l’ouvrage de compositrices au centre de sa démarche artistique. Son deuxième album est dédié à une grande dame du piano français, Hélène de Montgeroult, qu’elle oppose à Mozart. Rare aristocrate à avoir été épargnée par la Révolution et seule femme à être reçue au concours comme professeure des premières classes de piano du Conservatoire de musique de Paris, le langage musical de Montgeroult est empreint de la palette du classicisme mozartien, mais avec quelques expérimentations qui appellent au début du romantisme. Cette patine est perceptible dans le Concerto pour pianoforte no 1 en mi bémol majeur (d’après Giovanni Battista Viotti). Le premier mouvement, énergique, rappelle la vivacité de Mozart dans ses lignes et son orchestration. On retrouve dans le deuxième mouvement un contour mélodique d’un très grand lyrisme évoquant Chopin, sans pour autant être dans les grandes envolées mélancoliques des Préludes ou des Nocturnes alors que le troisième mouvement est résolument beethovénien dans son caractère avec ses cordes sautillantes et la place qu’il laisse au piano comme dans L’Empereur.
La mise en exergue prend tout son sens quand on écoute après coup Concerto pour pianoforte no 24 de Mozart, composé à peu près en même temps que celui de Montgeroult. Cela permet de comparer les deux langages et de constater la versatilité et l’étendue du langage de cette dernière. Les éléments du langage de celles que ces admirateurs et admiratrices appelaient « L’Impératrice » sont exposés d’une manière musicalement incarnée par Élisabeth Pion qui maîtrise les dynamiques et l’architecture sonore du répertoire avec dextérité, notamment dans les études tirées de l’importante œuvre pédagogique de Montgeroult rendant compte de la technicité de son écriture. Jouant sur un forte-piano Broadwood 1826, un prêt du mécène Jacques Marchand, la sonorité plus boisée et moins résonnante que sur les pianos modernes permet une plus grande agilité qu’un clavecin et renforce l’esprit « historiquement informé » qui traverse l’album. À chaque instant, le toucher délicat et vif et le jeu agile et senti d’Élisabeth Pion se marient au timbre résonnant de l’orchestre dirigé par Mathieu Lussier pour livrer un opus royal.