Le violoniste et compositeur David Handler est aussi le cofondateur, en 2008, du cabaret new yorkais Le Poisson Rouge, sur Bleecker Street, un endroit qui reçoit sur une base régulière tout ce qu’il y a de plus champ gauche dans la faune musicale de la grosse pomme (et d’ailleurs). C’est dire que le gars en a entendu des airs bizarres et des musiques tordues. Alors quand il nous dit dans le livret que ce qu’il y a sur ce disque « est la bande sonore de ma psyché », ce n’est pas forcément rassurant. Il poursuit en disant que cette musique n’est pas faite pour servir de fond sonore, mais bien pour prendre toute la place et ne pas permettre à la personne qui écoute de faire quoi que ce soit d’autre. Qu’on se le tienne pour dit.
La musique de David Handler mêle le beau et le laid indistinctement, comme si le compositeur cherchait à inventer une troisième voie qui soit plus grande que la somme des parties. Ça ne marche pas toujours, mais ça vaut bien le coup d’essayer. Dans les deux premières pièces, des membres de l’Ensemble LPR (Le Poisson Rouge) se joignent au compositeur. Dans Ever After, un célesta joue une mélodie apaisante, à laquelle se joint une harpe, mais leur dialogue prend rapidement une tournure plus corsée ; dans Solstice, ce sont des fragments mélodiques de cordes qui se heurtent et sont traversées de grésillements de cordes frottées durement, à la Xenakis. La pièce titre (dont l’intitulé complet est Life Like Violence ca. 2003, or: Untitled Caprice) est un collage électroacoustique qui mélange des enregistrements de guitare espagnole, de voix parlée et d’exclamations d’ordre sexuel. Étrange. Le pièce Lullaby For Piano & Electronics joue sur l’idée d’un sommeil plutôt agité, qui débute par une brume angoissée. Ce n’est qu’à la moitié de la pièce qu’arrive le piano, et sa berceuse n’est pas forcément endormante. Mais la pièce la plus difficile à écouter (lire « énervante ») est sans doute Sunbled Sky, une « romance » pour piano et violon tout à fait consonante et post-romantique à souhait, mais durant laquelle tous les appareils du studio semblent se liguer pour parsemer l’enregistrement de glitchs et de petits bruits désagréables qui font que l’on se demande ce qui cloche avec notre équipement. Le compositeur indique que la simple mélodie, l’idée pure, est assaillie de toutes parts, mais elle ne s’arrête pas et poursuit son chemin jusqu’à la fin. Une belle métaphore, à mettre en pratique, sans doute.
