Le Webber/Morris Big Band est un ensemble comptant dix-neuf musiciens fondé il y a cinq ans sur l’initiative des saxophonistes et compositrices canadiennes Anna Webber et Angela Morris. Toutes deux se sont illustrées de brillante façon sur la scène jazz actuelle au cours de la dernière décennie. Both Are True, une œuvre composée à quatre mains, nous démontre hors de tout doute que le talent de ces deux dames est à la hauteur de leurs folles ambitions.
Dès le début de Climbing on Mirrors, première pièce au programme, nos oreilles se demandent si elles n’ont pas la berlue. Est-ce que le rythme vient de s’accélérer? Ou bien vient-il de ralentir? Cette façon imprévisible de jouer avec le tempo n’est qu’un des traits distinctifs de cette musique. Les deux compositrices savent aussi s’amuser avec les timbres et les couleurs que leur offre leur vaste palette.
Après un bref interlude improvisé tissé par les saxophones de Webber et Morris, l’action reprend avec la pièce-titre dont certains passages chaotiques évoquent la démesure de Mingus. Puis, Rebonds met en scène la guitare noise-rock de Dustin Carlson qui semble jouer au ping-pong avec le reste de l’orchestre. Une autre des forces du duo de créatrices est le doigté avec lequel elles utilisent les particularités de chacun de leurs instrumentistes. Comme le souffle démentiel du trompettiste Adam O’Farrill sur les couches de drone de Coral ou la saveur balkanique du jeu d’un autre trompettiste, Kenny Warren, sur Reverses qui clôt magistralement l’album.
Pigeant allègrement dans le son des big bands de la grande époque, le third stream, le rock ou la musique contemporaine, Anna Webber et Angela Morris ont conçu un album qui renouvelle l’art du grand ensemble jazz et qui impressionne par sa grande beauté. Les curieux pourront entendre trois extraits sur Bandcamp, mais comme ce sont les trois seules traces de ce superbe disque sur le web, il faudra l’acheter pour l’entendre dans son entièreté.