Jusqu’à maintenant, la trajectoire musicale de Bertrand Belin s’avère parfaite. Pigez un album au hasard, dans sa discographie. Vous n’y trouverez que de bons textes, car le bonhomme a du sang de littérateur; que de bonnes musiques, car le lascar est inventif; puis, que de bonnes chansons, car ce créateur aux initiales B. B. est doué d’un sens aigu de la prosodie. Le très récent recueil Tambour Vision compte onze pièces aux titres qui excitent vivement la curiosité du musicophile, comme Carnaval, Alleluia, Marguerite, Pipe ou Maître du luth. Musicalement, Belin a ici opté pour un minimalisme relatif et synthétique. Son comparse Thibault Frisoni (qui a composé les musiques de Tambour et National) manie les synthétiseurs prépondérants, ainsi que la guitare, la basse et la batterie. Bertrand B., de son côté, touche le Mellotron, le violon et la guitare.
Tant par sa physionomie que par son allure générale, Bertrand Belin ressemble à un personnage de bande dessinée. Sa longue mèche qui lui retombe sur le visage évoque fortement un personnage de la série Théodore Poussin, comme on le disait récemment. S’est-il, en cela, inspiré d’Alain Bashung? Peut-être. Ce dont nous ne pouvons douter, c’est que certains refrains rappellent Bashung, celui des années 1980 dans Pipe, celui des années 1990 dans Lavé de tes doutes. La voix et la manière de chanter de Belin évoquent aussi celles du pop-rockeur haut de gamme alsacien : ces mots qui roulent sur les fréquences graves, articulés nettement par une bouche qui s’ouvre pourtant peu; ce ton faussement désabusé et monocorde. Une autre ombre imposante se dresse le temps d’une rime, lorsque Belin chante « Tu veux ma haine ou tu veux mon amour » (Tambour) et que l’on entend tout de suite David B. chanter « Time and again I tell myself » (Ashes to Ashes).
B. B. appartient à cette cohorte de créateurs quadras ou quinquas de chansons calmes aux mots très soignés, ces J. P. Nataf, Mathieu Boogaerts, Bastien Lallemant ou Jeanne Cherhal. Et de notre côté de la grande flaque? Ce soin lexical, ce ludisme et cette ambiance de BD nous font songer au Jim Corcoran de Gris comme Pâques à Londres ou Madame Poupart. De fait, on aimerait bien revoir et réentendre Bertrand Belin chez nous. D’ici là, nous plongerons et replongerons de son Tambour Vision.