La pianiste Beatrice Rana est l’une de vedettes incontestées à être passé par le Concours musical international de Montréal (nous aimons penser que c’est un peu grâce à nous qu’elle a atteint ce statut. Un peu). Sa carrière est tout simplement fulgurante, et avec raison. L’amplitude de ses possibilités dynamiques, techniques et musicales est remarquable. Elle le prouve encore ici dans l’exécution pleine de vie et de fascinantes nuances du célébrissime Concerto en la mineur de Robert Schumann, qu’elle revisite avec le concours non moins important de Yannick Nézet-Séguin à la tête de l’Orchestre de chambre d’Europe. Vision classique, dans le sens de traditionnelle, de ce concerto, mais avec la valeur ajoutée d’artistes au sommet de leur art. Leur aptitude à créer des effets de nuances marquants tout en restant fidèle à l’esprit de l’œuvre ouvre la porte à de superbes moments instrumentaux. La puissance ténébreuse du concerto de Robert (bien que baignée de lumière) se pose en contraste avec la force plus classique et stellaire de celui de Clara, en la mineur également. Une force dirigée et focalisée, avec un orchestre splendide mais qui s’exprime de manière précise et parfois chirurgicale. Cela fait ressortir le caractère volontaire de Clara, qui fut la bougie d’allumage pour que Robert ose enfin se lancer dans la composition d’envergure pour orchestre. Oui, c’est Clara qui n’a jamais arrêté de dire à son mari d’écrire un concerto, puis des symphonies, choses qu’il a faites quelques années après son mariage. L’ironie, c’est que Clara, elle, n’a pas suivi ses propres conseils. C’est dommage, mais apprécions cet exemple probant d’un intellect précoce (elle a écrit son concerto à 14 ans!), ici restitué avec panache par une autre jeune prodige, presque 200 ans plus tard.
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