Le premier cycle créatif d’Animal Collective fut exemplaire. C’était la décennie 2000, à l’aube de l’ère numérique, et la formation américaine nous proposait un véritable jardin des délices, tant dans l’imaginaire conceptuel que dans ses formidables spectacles immersifs. La redite, c’est-à-dire l’atteinte des limites compositionnelles d’une formation autodidacte dont l’objet essentiel est de créer des chansons, s’est lentement installée. Avec Merryweather Post Pavillion, septième album studio paru en 2009, Animal Collective atteignait le faîte de sa maîtrise… pour ensuite traverser un long plateau conceptuel, c’est-à-dire que sa créativité fut dirigée essentiellement vers la recherche de nouveaux ornements, imaginés en continuité avec ce qui s’était passé auparavant. Seuls deux albums du groupe furent lancés durant la décennie 2010, ses membres préférant se consacrer à leurs projets solos, souvent supérieurs à ceux du vaisseau amiral. Souvent remarquables, ces nouveaux détails compositionnels se sont inscrits dans une formule relativement similaire, c’est-à-dire une même synth-pop aux accents psychédéliques, éclatée, foisonnante, fertile en rebondissements, mais aussi liée à un chant choral non sans rappeler les groupes vocaux des années 60, à commencer par les Beach Boys et son génial Brian Wilson. Au cours des dernières années, le collectif a repris du service, enregistré sur le terrain, mené des projets audiovisuels, tenu des séances d’improvisation et plus encore. Cela s’entend dans ce onzième album, dont le processus s’était amorcé par une résidence en 2018 au Music Box Village de La Nouvelle-Orléans. Nous voilà en 2022 et ce Time Skiffs nous offre des chansons aux propos anxiogènes ou extatiques, textes de pleine conscience liés à la conjoncture, « lettres d’amour, signaux de détresse, observations en plein air, hymnes à la relaxation, transmissions recueillies de quatre personnes qui ont grandi dans leur relation, parentalité et soucis d’adulte ». Les musiques sont assorties de belles parenthèses de guitare slide, de marimbas électroniques ou même d’afro-folk à la sauce Paul Simon, sans compter un florilège de sons disposés çà et là dans le paysage sonore… sans que l’on puisse conclure à un grand cru.
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