La mazurka est une danse d’origine polonaise qui a été anoblie à Paris (par Chopin) et qui a conquis la Russie romantique de la fin du 19e siècle. Alexandre Scriabine a évolué du romantisme à un modernisme original qui a entrelacé post-romantisme, impressionnisme et mysticisme chromatique. Ses Mazurkas op. 3, 25 et 40, un hommage évident à Chopin, sont ancrées dans le romantisme, bien qu’elles annoncent subtilement un élargissement de la palette sonore et tonale qui deviendra la signature de son œuvre générale. Il y a, en comparaison de Chopin, une évidente goutte de narcotique un brin inébriant dans les mazurkas du russe extatique. Cela dit, pour s’en rendre bien compte, il faut écouter les deux corpus l’un après l’autre. Si vous n’êtes pas habitué et que vous ‘’entendez’’ du Chopin, pas de souci : c’est si beau que vous n’en aurez cure. Mais si vous aimez scruter à la loupe ce genre de détails, vous aurez beaucoup de plaisir à le faire avec cette très belle version signée du jeune pianiste russe Andrey Gugnin. L’artiste offre une vision adéquate et sensible de cette musique. On aurait peut-être aimé un caractère plus slave dans les inflexions et la mélancolie suggérées, comme l’a merveilleusement réalisé Peter Jablonski sous étiquette Ondine, récemment. Mais qu’à cela ne tienne, on se régale de cet album au climat de vieille Russie quand elle se sentait encore fièrement européenne.
Regardez un documentaire sur le jeune pianiste Andrey Gugnin :