Une des représentations artistiques les plus emblématiques des troubles de l’anxiété est sans contredit Le Cri, célèbre tableau du peintre norvégien Edvard Munch (1863-1944), lui-même sujet à de graves épisodes de dépression nerveuse. Toutefois, Munch affirmait ne pouvoir se défaire de ses problèmes de santé mentale puisqu’ils étaient la source d’une partie importante de sa création artistique. Ces propos rejoignent de façon troublante ceux d’une autre artiste norvégienne, la chanteuse folk Siv Jakobsen qui vient de faire paraître son second album intitulé A Temporary Soothing.
Dès Fear the Fear, premier titre au programme, la musicienne met la table en avouant avoir peur du fantôme qui se cache sous son lit nuit après nuit. Cependant, elle dit craindre que ce revenant ne la quitte, de peur de se retrouver en panne d’inspiration si cette angoisse cessait de la tourmenter. Toujours cette inquiétude de n’avoir plus rien à dire si la tension causée par le mal de vivre venait à disparaître.
Qu’on se rassure : sur A Temporary Soothing, tout n’est pas aussi sombre que l’eau dans laquelle la chanteuse évolue sur la pochette de l’album. Les mélodies aériennes de ses cantilènes sont portées par des rythmiques souvent dynamiques qui les aident à quitter le sol de terre noire. Les arrangements lumineux qui les habillent relèvent, quant à eux, du travail d’orfèvre; qu’il s’agisse des subtiles touches électroniques disséminées, comme des étoiles, ici et là sur le disque ou des magnifiques cordes qui enveloppent les joyaux que sont Fear the Fear et A Feeling Felt or a Feeling Made. Et il y a cette voix dont la suavité du timbre saura réconforter les âmes angoissées qui se reconnaîtront dans les mots de madame Jakobsen. Même s’il ne s’agit que d’un soulagement temporaire.