Les premiers bruits que l’on peut entendre en faisant l’écoute de A Softer Focus, le plus récent album de l’artiste sonore Claire Rousay, proviennent d’une machine à écrire. Les cliquetis émis par les boutons de la dactylo semblent vouloir nous indiquer que la musicienne a décidé de partager avec nous des pages de son journal personnel. Il est vrai que cette nouvelle œuvre de la jeune créatrice résidant au Texas revêt un aspect particulièrement intime. D’ailleurs, on dirait bien que cette artiste ultra-prolifique – 18 albums depuis 2019 tout de même ! – passe une bonne partie de ses journées à grappiller des sons ici et là puisque sa musique contient souvent des bruits issus de son quotidien. Par exemple, Discrete (The Market), la deuxième pièce au programme, a été construite à partir d’échantillons sonores recueillis lors d’une visite à un marché agricole. D’amples drones conçus au synthétiseur se superposent à ces enregistrements. Le violoncelle de Lia Kohl et des violons joués par Macie Stewart et Alex Cunningham confèrent plus d’épaisseur à ces soyeux ondoiements. L’effet obtenu suscitera l’admiration des amateurs du genre puisque ces passages horizontaux combinent la texture chaleureuse des compositions pour accordéon de Pauline Oliveros et les bourdonnements cristallins issus des claviers d’un Brian Eno.
Nous ne savons pas toujours d’où proviennent exactement les sonorités que nous rencontrons en chemin, pas plus que nous n’avons une idée claire sur la signification des messages que les voix traficotées à l’autotune que nous croisons sur notre route veulent nous communiquer, mais un sentiment de bien-être nous envahit à mesure que nous progressons dans cette suite auditive répartie en six mouvements continus. Ces bribes du quotidien magnifiées par des drones enveloppant ou illuminées par quelques notes de piano nous font réaliser que chaque instant de nos journées sur Terre, aussi banal puisse-t-il paraître, est matière à émerveillement.