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Mettant de côté l’aspect festif et ensoleillé qui fait habituellement leur signature, le duo français Toukan Toukän s’est joint cette année à The Outlaw Ocean Music Project et lance La jungle des océans. À la frontière entre art et journalisme, cette initiative a été pensée par Ian Urbina, journaliste pour le New York Times ayant enquêté pendant plus de 3 ans sur les horreurs vécues en haute mer. Le projet rassemble une multitude d’artistes et propose une interprétation musicale du livre The Outlaw Ocean, dans lequel Ian Urbina a regroupé ses récits.
C’est davantage un détour qu’un virage pour le groupe qui proposait en avril dernier ce projet aux couleurs plus sombres, et à la mélodie moins souriante. Pour la fraction de leur public qui aurait été déroutée, pas de panique ! Le groupe ne met pas une croix sur l’esthétique Toukan Toukän. La jungle des océans aura été, pour les deux Tourangeaux, un moyen de donner du sens à cette année pandémique difficile pour les artistes, en plus de témoigner d’une élégante polyvalence dans leur composition.
Laure et Étienne, les membres de la formation, ont accepté de s’entretenir avec PAN M 360 pour se présenter et partager avec nous les détails de cet exercice.
PAN M 360 : Comment est né le groupe Toukan Toukän ?
Laure : Il est né il y a il y a assez longtemps, je ne saurais pas dire en nombre d’années. Au début, ça n’avait rien à voir avec la formule d’aujourd’hui parce qu’on était plutôt une formation acoustique qui avait un guitariste et un batteur. Étienne est venu plus tard sur un poste électronique. C’était un peu un mélange entre électro et acoustique. Et au fur à mesure des années, on s’est retrouvés tous les deux. On était déjà amis depuis longtemps, et à partir de fin 2017, on a vraiment formé un duo et on a un petit peu changé artistiquement.
Étienne : C’est une histoire de groupe, finalement ! Ça se fait avec le temps, l’identité s’affine… Il y a des gens qui viennent, qui partent… À la fin, nous, on était en accord sur le projet et on est restés tous les deux à peaufiner ça.
PAN M 360 : Comment définissez-vous le style sur lequel vous êtes tombés d’accord ?
Laure : Aujourd’hui, on se définit vraiment comme un duo pop, plutôt sur des formats chanson. Ça vogue entre l’anglais et le français. Il y a une dimension live, avec une volonté d’expression libre, de lâcher-prise. On va essayer de se faire plaisir, de transmettre des choses qui passent par le direct.
Étienne : Et puis, on ne se donne pas vraiment de cadre dans l’esthétique, même si la chanson, la pop ont déjà un cadre à l’intérieur de ça on n’hésite pas à emprunter plusieurs couleurs. À un moment donné, on aimait bien dire « pop de voyage » parce qu’on avait l’impression de voyager à l’intérieur de la pop.
PAN M 360 : Vous êtes tout de même une formation assez électronique.
Laure : Disons que c’est électronique dans le sens où notre méthode de création est électronique. On travaille vraiment avec un ordinateur et des palettes de son, ce qui permet aussi d’avoir un choix illimité sur les sons qu’on va utiliser. On peut aussi bien aller dans des couleurs « années 80 » que du funk acoustique. Finalement, le lien est assez difficile à décrire, mais il y aura toujours ma voix et puis un style d’écriture aussi. Avec Étienne, il y aura toujours le côté percussif parce qu’il est batteur à la base. C’est une émulsion de nous deux avec un univers autour qui va légèrement varier d’un album à un autre.
Étienne : Je crois que le côté réticent à employer le mot électronique, c’est que dans la tête des gens, on va penser DJ, « boum boum », alors qu’aujourd’hui, l’électronique, ça peut être une palette de samples acoustiques qu’on va jouer avec un clavier électronique ou un ordinateur. Au final, la texture de son qu’on va entendre va être acoustique, même si elle n’est pas jouée.
PAN M 360 : Avez-vous les mêmes goûts, les mêmes influences ? Ou bien votre musique est-elle l’amalgame de vos univers respectifs ?
Laure : On s’est mis d’accord sur des choses ; des valeurs, des influences communes, pour ne pas partir dans tous les sens. On a pris ce qui nous rassemble plutôt que ce qui nous éloigne. Après, c’est toujours agréable quand quelqu’un apporte quelque chose qui sort de l’ordinaire, histoire de ne pas tourner en rond. Ça fait du bien, des fois, d’avoir des petites claques musicales. Encore une fois, on n’est pas fermés. Mais on a un petit kiff pour la pop, notamment à l’internationale davantage qu’en France. On va aimer de gros artistes internationaux qui nous font un peu rêver. Et ça part un peu de ça. On se dit que, nous aussi, on veut créer du gros son avec de belles mélodies. Ça nous stimule.
Étienne : Même sur les trucs indépendants, on partage grosso modo les mêmes goûts, mais à l’intérieur de ça, on essaye aussi de filtrer ce qui correspond à Toukan Toukän et ce qui est de l’ordre du plaisir personnel et qui n’a pas vraiment de lien avec ce projet-là.
PAN M 360 : En avril, vous avez sorti un album qui s’appelle La jungle des océans, en lien avec The Outlaw Ocean Music Project. Comment ça s’est passé ?
Étienne : On avait grosso modo quartier libre et on avait accès à toutes les vidéos et toute la banque son que le journaliste a constitué durant ses reportages. C’était de la matière sonore, des enregistrements vocaux, des bruits de bateau, de mer… sur lesquelles on pouvait s’appuyer, qu’on pouvait déformer ou reprendre tels quels pour construire nos morceaux, et illustrer les histoires.
PAN M 360 : Quelle a été votre approche ?
Étienne : On a choisi de raconter une histoire qui parle de plusieurs chapitres du livre. On a expliqué a Ian ce qu’on avait voulu faire comme travail, il nous a fait un vrai retour sur la construction de l’album, la construction des titres, comment son travail avait été abordé. Là-dessus, il était très satisfait du boulot. Après ça, en termes de retombées, c’est un projet qui brasse beaucoup de monde aussi. Il y a beaucoup d’artistes qui l’ont fait et qui pèsent beaucoup plus lourd que nous en termes de notoriété.
PAN M 360 : Sur ce disque, le style est différent de ce que vous avez pu proposer avant.
Laure : Il faut vraiment prendre ça comme un projet en parallèle de notre groupe. Il a été fait aussi parce que l’année a été particulière. On n’avait pas de concerts, on ne pouvait pas non plus sortir de titres avec, derrière, de la promo ou la possibilité de les défendre sur du live. Donc, plutôt que de se morfondre, on s’est dit que c’était la bonne année pour faire des tentatives un petit peu différentes. Ça a été le cas dans la méthode de travail parce qu’on ne fonctionne habituellement pas comme ça. C’était plus instrumental, et puis Étienne a été beaucoup plus moteur sur ce projet.
Étienne : Je me suis senti très concerné. Le livre m’a beaucoup parlé. D’habitude, Laure est vraiment à l’origine de la composition des morceaux et ce n’est pas ma force à moi. Là, j’avais envie de trouver une implication dans la façon de hiérarchiser les éléments et de poser les bases du travail de Laure. Donc j’ai passé du temps à organiser le discours, les chapitres pour savoir comment on allait raconter ces histoires-là à travers nos titres.
Laure : Ça a été une période où on s’est un peu enfermés tous les 2 pour composer chacun des trucs avant de les mettre en commun. J’allais beaucoup moins loin que d’habitude dans la compo parce que ça nous intéressait de faire différemment. D’habitude, on est beaucoup dans une démarche d’efficacité alors que là cette année, on avait le temps et on s’en foutait un peu.
Étienne : Ce n’est pas un format pop. Pour un format pop, c’est la voix de Laure qu’on mettre en avant dans le morceau. Là, comme ce n’était pas le cas, ça a laissé la place à ma patte qui s’insère moins dans l’esthétique Toukän.
Laure : Oui, et ce n’est pas le même message. Ce projet est très intéressant, mais c’est aussi très sombre. Au contraire, nous, on est un duo pop qui défend le côté énergie et positivisme. Les gens peuvent être surpris en écoutant ce projet qui n’a rien à voir avec ce qu’on a l’habitude de faire. D’autant plus qu’en avril, on a sorti Animal, un single qui n’est pas du tout dans la même esthétique que La jungle des océans.
PAN M 360 : Des projets à venir ?
Étienne : Oui ! La parenthèse COVID se referme. On avait sorti 3 titres pendant la pandémie, sans réflexion de stratégie de sortie. C’était : on compose un titre, on prend un téléphone, on fait un clip, on le sort. Ça nous permettait de garder contact avec les gens. On n’en pouvait plus d’attendre. Mais derrière, on travaille la sortie d’un album qui se repousse, mais on commence à y voir un peu plus clair. C’est un album qui devrait voir le jour en 2022.
Laure : On bosse à fond sur la musique et les clips et dès qu’on va sentir une petite ouverture, on publiera. Il va y avoir tellement de choses d’un coup qu’on ne veut pas se perdre dans un flot d’informations. On n’est plus à ça prêt, on peut attendre encore une peu. Et puis, ça nous permet de faire les choses avec un petit peu plus de tranquillité.