POP Montréal : Sister Ray crée des textes sans contraintes

Entrevue réalisée par Stephan Boissonneault
Genres et styles : Alternative / indie folk

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Sister Ray, artiste de l’Alberta, pourrait enfin obtenir une reconnaissance bien méritée. Communion, son premier album, est sorti en mai dernier sur Royal Mountain Records. Il illustre parfaitement l’équilibre complexité-simplicité que l’on peut atteindre, en folk indé et alternatif.

Derrière Sister Ray se cache l’artiste Ella Coyes, qui s’est fait les dents à Edmonton et ailleurs au moyen de prestations s’appuyant surtout sur l’improvisation, seule à la guitare. Les textes d’Ella Coyes sont pince-sans-rire mais viscéraux, ils retracent strate par strate son histoire personnelle et sa réconciliation avec le passé.

Pan M 360 a discuté longuement avec Ella Coyes avant son concert à Pop Montréal, le 30 septembre. Il a été question de l’écriture de chansons et de l’humour qu’on peut tout de même percevoir dans des textes existentiels, très sombres et personnels.


PAN M 360 : Bonjour Ella. Il pleut à verse ici à Montréal. Comment ça va à Toronto?

Ella Coyes : C’est couvert ici, mais je profite beaucoup de Toronto.

PAN M 360 : Vous êtes d’Edmonton; il n’y a pas du tout d’automne là-bas.

Ella Coyes : Quand j’ai déménagé ici, c’était pendant la pandémie en 2020. C’était amusant, mais l’automne est arrivé et je me suis dit « Je vais bien »! C’était un excellent choix. L’automne est long à Toronto et j’aime tellement ça.

PAN M 360 : Qu’est-ce qui a motivé ce déménagement? Je suppose que c’est la musique?

Ella Coyes : Je devais déménager en mars 2020. Pour faire un disque et jouer de la musique. Comme j’ai obtenu une subvention du Conseil des arts du Canada. Et je me suis dit « OK, je vais déménager. Je vais faire ce disque ». Et puis ça a été retardé un peu.

PAN M 360 : Vous aviez l’habitude d’improviser à la guitare sur scène, à Edmonton, puis vous avez fait une tournée. Est-ce que c’est un peu comme ça que certaines des chansons de Communion ont été écrites? Comme vous les modifiez-vous ou les « improvisez-vous », au fil des ans?

Ella Coyes : C’est comme ça que quelques-unes d’entre elles sont nées. C’est comme si les deux tiers de Crucified avaient été écrits de cette façon. Puis, quelques autres morceaux sont apparus lors de ces concerts. J’en avais quelques-uns depuis plusieurs années, j’en ai écrit d’autres entre mars et septembre 2020. Sans doute parce que je n’avais pas vraiment autre chose à faire! J’écrivais tellement. Donc, ces pièces proviennent d’une longue, longue période.

PAN M 360 : Diriez-vous que vous apprenez plus sur vous-même en écrivant ces chansons sur votre passé?
Ella Coyes : Ce que j’ai ressenti en faisant des concerts et une petite tournée, c’est que je tire des choses de ces chansons depuis si longtemps. Puis, maintenant que je suis un peu plus sur la route, je me rends compte que je ne connaissais pas beaucoup ces chansons quand je les ai écrites, et c’est vraiment stimulant. La chanson Justice a vraiment changé, depuis que je l’ai écrite.

PAN M 360 : Quant au texte?

Ella Coyes : Oui.  J’adore faire de la musique, mais pour moi, c’est surtout les paroles qui comptent. Parce que c’est une occasion de communiquer d’une manière où il y a du phrasé. C’est comme si nous parlions d’une manière différente. Et pour moi, ça se situe vraiment ailleurs. Je me pose des questions différentes, maintenant, quand je joue cette chanson. Mes chansons préférées sont parfois celles qui me donnent le moyen d’être honnête avec moi-même. Parfois, quand je les écris, je ne suis pas encore prête à être honnête avec moi-même, pas autant que je le suis après avoir étudié les chansons pendant un certain temps, après les avoir vécues avec différentes personnes, dans différents endroits.

PAN M 360 : Communion est un album empreint de vulnérabilité. Il semble qu’une grande partie des textes soit dérivée de vos expériences personnelles. Vous dites-vous, parfois, que vous y allez trop dans le personnel? Ou le contraire?

Ella Coyes : Je songe à cela tout le temps! Parfois, je m’écoute vraiment jouer les chansons, comme lorsque je répète à la maison. Je réfléchis vraiment à ce dont elles parlent. Et je me dis « Bon sang, j’aurais pu ralentir un peu le rythme ». Mais en fait, je ne pense pas que ce soit la bonne manière. Mais, oui, c’est très personnel. Et je n’avais jamais fait paraître d’album, donc c’était un peu étonnant. Quand l’album est sorti, je me suis dit « Mon Dieu, j’ai vraiment dit ça? J’ai mis ça sur un disque? ». (rires)

PAN M 360 : La religion était-elle présente chez vous? Parce qu’il y a un peu d’imagerie religieuse dans l’album. Surtout dans Crucified. Et l’album s’intitule Communion. Comment ces éléments se sont-ils retrouvés dans les textes?

Ella Coyes : Oui, la religion catholique a marqué mon éducation. J’ai grandi dans un milieu métisse-catholique, en fait; c’est une combinaison que je trouve toujours très intéressante. Ça semble souvent très conflictuel, chez moi, le fait d’être ces deux choses, de les combiner. Durant l’enfance et, surtout, l’adolescence, j’adorais être catholique. Je me sentais vraiment proche de Dieu, c’était une grande partie de ma vie. Et un peu plus loin dans l’adolescence, j’ai pris mes distances jusqu’à ce que ça disparaisse. Or, je crois que je faisais mon deuil de tout ça et que composais avec des sentiments de perte, à l’époque.

Et ces mots religieux, je trouve qu’ils prennent tout leur sens dans ma bouche. J’ai vraiment beaucoup aimé ces mots. Dans beaucoup de chansons, je commence par un mot que j’aime vraiment et je le transforme en une petite phrase qui – je ne sais pas comment le dire autrement – remplit toute ma bouche. Et beaucoup de ces mots me semblent vraiment complets quand je les dis, mais surtout quand je les chante.

PAN M 360 : Votre chant est très conversationnel, dans sa manière et sa cadence. Comme si vous parliez au téléphone à l’auditeur, comme s’il s’agissait d’un ami perdu de vue. Il y a ce passage dans I Wanna Be Your Man qui me reste toujours en tête, où il est question d’un apôtre.

Ella Coyes : Ouais, quand je parle d’amygdales? [NDLR : le couplet complet est « I wanna be your man / Be a very good apostle / Reach in deep inside for your tonsils / Maybe there then I would find only »].

PAN M 360 : Oui, la première fois que je l’ai entendue, je me suis dit « Wouah, c’est tellement fort, je ne sais pas du tout quoi en penser! ».

Ella Coyes : C’est drôle que tu dises ça, car j’étais au festival SXSW cette année; j’ai joué cette chanson et quelqu’un a ri très fort dans le public! C’est vraiment drôle parce que ça n’arrive jamais, habituellement. Je joue en solo à la guitare, donc les gens ne rient pas beaucoup.

Mes spectacles préférés sont ceux où j’ai l’impression que quelqu’un converse avec moi. Et c’est ce que j’aime dans la musique, car c’est évident que nous ne sommes pas en train de discuter. Mais quand j’ai l’impression que quelqu’un est en train de bavarder avec moi, j’aime vraiment beaucoup ça. Les paroles sont l’élément auquel je consacre le plus de temps, quand j’écris, et j’aime vraiment leurs subtilités.

PAN M 360 : Elles sont aussi très paisibles, ces paroles, mais aussi très mystiques et légères, ce qui est rafraîchissant, car vous chantez sur des sujets assez lourds.

Ella Coyes : Oui, si c’est trop sérieux, ça ne va pas. Je ne crois pas que ce soit la meilleure façon pour moi de communiquer, même si j’aborde des « trucs sérieux ». Parce que j’ai l’impression que j’ai besoin d’espace pour respirer un peu, et ne pas craindre constamment quelque chose. J’aime que les paroles comportent de beaux moments, comme quand cette personne rit. Je me suis dit « C’est bien, c’est ce que je ressens ». Je ris un peu quand je chante certains de ces couplets, en dedans de moi.

Sister Ray se produira à la Casa Del Popolo , à l’occasion du festival Pop Montréal, le vendredi 30 septembre. Info et billets ICI!

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