Shane Embury : Sur de nouveaux sentiers

Entrevue réalisée par Francis Dugas

Depuis plus de 30 ans, Shane Embury sillonne la planète et enregistre avec les pionniers du grindcore Napalm Death, formation dans laquelle il occupe le poste de bassiste et de principal compositeur. Il nous présente maintenant Dark Sky Burial, son projet solo. PAN M 360 a obtenu plus de détails de sa part.

Genres et styles : dark ambient / électronique

renseignements supplémentaires

Dans ses temps libres, Embury participe à d’innombrables projets parallèles qui ont en commun un penchant pour la brutalité : Brujeria, Venomous Concept, Locked Up ou Anaal Nathrakh sont parmi les formations avec lesquelles il a collaboré. Comme si ce n’était pas assez, Embury nous présente maintenant Dark Sky Burial, son projet solo. Cette fois, le tempo a ralenti et il n’y a plus de traces de metal. La musique de Dark Sky Burial est aussi sombre que celle des autres projets d’Embury, mais elle emprunte plutôt les sentiers électroniques du dark ambient. Un changement de ton, mais pas nécessairement d’univers. Nous avons eu la chance de discuter avec l’homme aux 1000 projets afin qu’il nous en dise un peu plus.

PAN M 360 : À quel moment as-tu commencé à faire de la musique électronique ? Savais-tu dès le départ l’orientation que ça allait prendre ?

Shane Embury : J’ai commencé les premières chansons il y a 2 ou 3 ans, mais elles ont évolué au rythme du temps que j’y ai investi et de mes idées. Je suis obsédé par les boucles depuis longtemps et j’essaie de voir combien de contre-mélodies et de sons percussifs je peux ajouter à ces boucles initiales. Je joue ensuite avec ces couches et ces idées, et avec les erreurs que je fais parfois, certaines de ces idées deviennent encore meilleures. Je ne réinvente pas la roue, mais j’essaie de ne pas sombrer dans le bruitisme pur et dur. Ça viendra peut-être puisque je vois DSB comme un concept en évolution qui pourrait éventuellement inclure d’autres personnes pour des concerts.

PAN M 360 : On aurait pu croire que pour ton premier projet électronique, tu aurais plutôt emprunté les chemins de l’industriel pur, du bruitisme ou du techno plus hardcore. Pourquoi avoir opté pour quelque chose de plus ambient ?

SE : J’ai envie de faire quelque chose d’électronique depuis des années et le moment semble bon. Je n’ai pas d’intentions précises pour ce projet, il reflète mon intérêt pour l’horreur et les tonalités lugubres. J’aimerais aussi qu’il soit stimulant, tout en me forçant à m’isoler, ce qui, je l’espère, débouchera sur des réflexions et de nouvelles possibilités. Cela dit, j’ai déjà été dans un projet industriel nommé Malformed Earthborn en 1995-96. 

PAN M 360 : De Omnibus Dubitandum Est est paru sur Extrinsic, ton propre label, pourquoi ?

SE : À l’origine, Extrinsic devait servir uniquement pour Dark Sky Burial, mais la première parution a été Born to Murder the World, un de mes projets qui n’avait jamais été entendu et qui devait paraître de façon, disons, plus alternative. J’ai tendance à être impatient, et comme je suis très occupé à mes projets, je n’ai pas toujours envie de me prêter au rituel qui accompagne les lancements d’albums. Et puis avoir mon propre label me donne plus de contrôle et aussi la possibilité d’expérimenter davantage. Ça me plaît bien d’avoir moins de tracas et de pression. DSB est le début d’une nouvelle expérience pour moi et je ne suis pas pressé de savoir où ça me mènera.

PAN M 360 : Avant DSB, certains anciens membres de Napalm Death comme Mick Harris et Justin Broadrick ont été reconnus pour leur musique électronique, c’est assez inhabituel pour un groupe heavy metal…

SE : Je les connais bien, ainsi que le fondateur de Napalm Death, Nick Bullen. Ils ont toujours voulu défoncer les frontières entre les différents genres. Quand je les ai rencontrés en 1986, ils partaient du hardcore et s’en allaient vers le death ou le thrash metal, alors que moi, je faisais le chemin en sens inverse. Ils aimaient beaucoup Swans, Throbbing Gristle et Killing Joke, des artistes que je ne connaissais pas à ce moment, mais qui m’ont plu rapidement. Nous étions toujours à la recherche de nouvelles choses à écouter. Ça partait souvent de ce que John Peel avait dit la veille à la BBC ou de ce que nous lisions dans le New Musical Express. Je passais aussi beaucoup de temps au magasin de disques Rough Trade sur Portobello Street à Londres. Comme me l’a dit King Buzzo (The Melvins) un jour, certains mélomanes sont des anthropologues musicaux. Pour moi, ç’a plein de bon sens !

PAN M 360 : De Omnibus Dubitandum Est est le titre d’un livre du philosophe danois Søren Kierkegaard qui pourrait se traduire par « On doit douter de tout », est-ce que le titre de l’album vient de là ? Est-ce que la pochette a un lien avec tout ça ? 

SE : Oui, le titre vient de ce livre. Je suis tombé dessus en faisant une recherche sur le web. Je suis en général un non-croyant, mais parfois, complètement à l’opposé… Ce titre me semblait approprié au moment de la sortie. La pochette quant à elle s’inspire de la Tour du silence que l’on retrouve dans les rites d’inhumation céleste, que je trouve fascinants et inspirants.

PAN M 360 : Quand on produit de la musique électronique, la frontière entre les aspects créatifs et techniques n’est jamais étanche, avec Dark Sky Burial, te vois-tu comme un musicien, un producteur ou un ingénieur ?

SE :
Je me vois comme un musicien. Pour l’instant, je vois tout ça comme le début d’un long chemin où j’ai beaucoup à apprendre et j’espère avoir l’occasion de collaborer avec des gens qui ont des idées semblables (merci d’ailleurs à ceux qui suivent ce projet et qui auront l’occasion de me voir m’améliorer). L’aspect technique est un peu intimidant, mais chacun a sa manière d’utiliser les outils à sa disposition.

PAN M 360 : En tant que membre d’un groupe, tu es habitué à recevoir des commentaires des autres membres, avec DSB, as-tu cherché à en obtenir d’autres personnes ?

SE : J’adore pouvoir me retrouver seul pour bidouiller des trucs dans mon studio ou à l’hôtel après un concert. Je me perds dans les sons et le temps passe rapidement. Ça me met dans un état de transe et c’est une excellente façon de s’évader. Je suis très chanceux de pouvoir entamer ce projet maintenant. J’ai fait entendre quelques pistes à des amis et tenu compte de certains de leurs commentaires, mais au départ je voulais que ce premier album reflète mes humeurs et mes drames.

PAN M 360 : Pour l’instant, l’album est uniquement offert en téléchargement, prévois-tu le sortir sur support physique ?

SE : Pour ce premier album, j’ai choisi 13 chansons parmi beaucoup d’esquisses que je vais aussi essayer de terminer. J’aimerais sortir un nouvel album tous les 3 ou 4 mois et après le 4e, les réunir dans un coffret de CD et de vinyles à tirage limité.

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