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Jusqu’au samedi 16 avril au Wilder, rue Bleury, Le Vivier convie les mélomanes à un rendez-vous international des musiques nouvelles : Résonance croisée – volet 2 propose une semaine complète de concerts, classes de maître et rencontres consacrés aux musiques de création en provenance de la Suisse, de l’Italie, de l’Autriche, de la France, de l’Allemagne et du Québec. Pour la mise en appétit, le directeur artistique du Vivier, Jeffrey Stonehouse ainsi que la directrice générale de l’organisme, Christine Curnillon, répondent à nos questions.
PAN M 360 : D’où part cette initiative internationale? Qui l’a mise en œuvre? De quelle manière les liens ont-ils été tissés?
CHRISTINE CURNILLON : L’idée première émane du réseau d’instituts culturels des pays membres de l’Union européenne, ce que nous appelons le « cluster EUNIC de Montréal ». À l’instar des autres clusters un peu partout dans le monde, celui de Montréal œuvre au développement des arts et du dialogue interculturel, entre autres. En 2019, une première initiative a été menée avec EMERGE, une manifestation dédiée à la performance contemporaine en collaboration avec le MAC. Cette année, c’est Le Vivier qui a été choisi pour scénariser un événement international consacré aux musiques nouvelles, réunissant pas moins de 54 artistes canadiens et européens! Nous sommes très fiers de pouvoir présenter cette semaine complète d’activités, qui comprend 6 soirées de concerts, un événement Montréal Hanovre et de nombreuses rencontres dans les cégeps, universités et conservatoire.
: « Résonance croisée, c’est d’abord la rencontre inédite d’artistes européens et québécois choisis pour leur démarche unique et avant-gardiste dans le domaine des musiques de création. Le public peut s’attendre à vivre une semaine d’expériences. Ici, la musique devra être “vue” pour en apprécier au maximum l’écoute; le corps deviendra instrument, la technologie sera un fil conducteur. Plusieurs concerts seront des expériences immersives, liant arts numériques et mouvement », explique Jeffrey Stonehouse, directeur artistique du Vivier.
PAN M 360 : Pouvez-vous donner des exemples de cette immersion? De quelles manières le corps deviendra-t-il instrument? Quelles sont les technologies impliquées? De quels types d’immersions est-il ici question?
JEFFREY STONEHOUSE: On parle d’expériences multisensorielles. Avec l’événement d’ouverture de Philippe Spiesser et Flashback, l’aspect visuel est très présent grâce à la participation de l’artiste Thomas Köppel. Les gestes du percussionniste se manifestent sur le plan sonore et visuel en parallèle. Avec le duo Doblinger-Neyrinck, l’aspect chorégraphique de la démarche est important : Teresa Doblinger est à la fois danseuse et clarinettiste. Plus tard dans la semaine, l’immersion se traduit par une spatialisation du son. Avec le duo Hauptmeier-Recker, c’est la spatialisation des haut-parleurs : le public se retrouve au milieu d’une installation impressionnante de haut-parleurs. Puis, Quasar propose une spatialisation des musiciens autour du public. Résonance croisée est rempli de ce genre d’expériences immersives.
« En tout, huit concerts, auxquels s’ajoutent des classes de maître et de nombreuses occasions d’échange entre le public québécois et des artistes rarement vus à Montréal. »
PAN M 360 : Pourriez-vous nous expliquer brièvement ce qui a motivé vos choix pour chacun des concerts au programme?
JEFFREY STONEHOUSE : Le duo Doblinger-Neyrinck nous a charmés par la combinaison étonnante du piano, de la clarinette et de la danse. Et la réflexion sur le temps qui contrôle notre existence, c’est évidemment quelque chose qui nous interpelle. Chez le percussionniste suisse Philippe Spiesser, c’est le travail d’exploration qui nous a fait triper. Les capteurs de mouvement, ce qu’il fait avec son corps, c’est du jamais vu dans nos salles. On adore la compositrice et violoncelliste française Séverine Ballon. On l’aime pour sa puissance et son expressivité, sa technique impeccable et son engagement envers le répertoire moderniste. Pour le duo allemand Hauptmeier-Recker, on a voulu frapper un grand coup avec ces deux brillants performeurs de musique électronique live.
Ça faisait longtemps qu’on souhaitait présenter un concert conjoint du Nouvel Ensemble Moderne de Lorraine Vaillancourt, un des fleurons de la musique nouvelle au Québec, et nous avons pensé leur proposer un concert conjoint avec le quintet italien L’arsenale, sous la direction de Filippo Perocco. Pour finir, quand nous avons appris que le quatuor de saxophones Quasar et le Quatuor Bozzini collaboraient avec deux ensembles allemands – Flex Ensemble et ur.werk – nous avons voulu intégrer la série Montréal-Hanovre à Résonance croisée. Cela tombait sous le sens.
Et puis, Nosferatu accompagné par l’ensemble L’arsenale, c’est un clin d’œil : une sorte de croisement, on pourrait dire, entre un film centenaire et un ensemble de musique contemporaine. En tout cas, ce sera un événement festif. Le comte Orlok n’en croira pas ses oreilles!
PAN M 360 : Avez-vous une idée du profil de vos publics? Qui sont-ils? De quelles générations proviennent-ils? Sont-ils essentiellement issus de la famille contemporaine, c’est-à-dire la communauté des praticiens et leurs étudiants? D’où proviennent les autres mélomanes qui ne sont pas liés au milieu académique? Comment vous y prenez-vous pour attirer d’autres types de passionnés de musique?
JEFFREY STONEHOUSE : Cet événement a été pensé pour offrir au public des expériences fortes. De dire qu’il n’y a qu’un public cible, ce serait priver les gens de belles découvertes. La soirée d’ouverture a tout pour plaire aux amateurs de danse et de mouvement, avec le duo Doblinger-Neyrinck et Philippe Spiesser/Flashback. Nous avons des moments de grand répertoire présentés par des interprètes chevronnés avec les concerts de Séverine Ballon et du Nouvel Ensemble Moderne. Les arts numériques, très présents dans la programmation, sont aussi un fil conducteur. Je pense à la musique ambiante et immersive du duo Hauptmeier-Recker, aux capteurs de mouvement de Spiesser et à la musique mixte (acousmatique et instrumentale) de l’ensemble L’arsenale.
CHRISTINE CURNILLON: Nos concerts présentent une grande variété de styles de musiques nouvelles, et notre public, en salle et en ligne, est tout aussi varié. Plusieurs générations s’y côtoient. Plusieurs cultures aussi. Ce sont des gens friands d’avant-garde, certes, mais pas seulement. Nos nombreux ateliers de création sonore sont des invitations à découvrir l’expérience en salle. Depuis deux ans, nous multiplions les prises de contact avec un public nouveau par des expériences numériques : balados, rencontres sur Zoom, groupe de discussion de spectateurs, « Le Vivier en coulisse »… Une nouvelle communauté est en train de se former…
Chose certaine, les habitudes de consommation ont changé. Le rapport à la création a aussi changé. Le Vivier tient à poursuivre son développement numérique, mais sans négliger l’expérience « en vrai » – en salle – pour faire circuler les œuvres contemporaines issues de la pandémie.