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Pan M 360 : Quelle place a le violon traditionnel dans la société norvégienne?
Ragnhild Hemsing : il s’agit d’une tradition encore très vivante. Plusieurs étudiants apprennent ce style de jeu (car il ne s’agit pas uniquement de la particularité de l’instrument, mais de la façon de le jouer), et il y a beaucoup de festivals et d’événements liés à la musique traditionnelle. C’est également une tradition très orale, car on apprend avec des maîtres et avec la mémoire.
Pan M 360 : Est-ce que la technique de jeu est radicalement différente du violon classique?
Ragnhild Hemsing : C’est tout à fait différent. Je pense en vérité être possiblement la seule artiste jouant à la fois du Hardanger traditionnel et du violon classique. C’est très difficile à accorder, car avec quatre cordes de base et cinq cordes sympathiques, il y a 27 façons différentes d’accorder l’instrument. Je devrai en avoir plusieurs pré accordés avec moi pour le concert, sinon ce serait trop long pour ré-accorder entre les pièces! Toutes ces possibilités existent parce chaque type d’accord de l’instrument correspond soit à un bagage régional de musique (telle vallée a son style, tel village un autre), soit à des ambiances voulues liées à des moments de la journée (matin, après-midi, soir), soit à plein d’autres facteurs. C’est une tradition très riche et complexe. En général, un violoniste classique ne peut pas jouer le Hardanger, et vice-versa.
Pan M 360 : Comment en êtes-vous venue à pratiquer cette tradition, mais aussi celle de la musique classique académique?
Ragnhild Hemsing : La musique traditionnelle fait partie de mes racines. Dès l’âge de cinq ans, je jouais le Hardanger. Je viens de la région de Valdres, un foyer très actif de la musique traditionnelle, d’où proviennent de nombreux musiciens traditionnels en Norvège. Par la suite, j’ai poursuivi mes études et j’ai appris le violon classique. J’ai été très heureuse quand je me suis rendu compte que je n’avais pas à choisir, et que je pouvais tout simplement faire les deux. C’est ce que je fais depuis.
Pan M 360 : Ce sont des instruments magnifiques, splendidement ornementés…
Ragnhild Hemsing : Oui, en effet. Chaque luthier possède sa signature et son style. Mon instrument principal date de 1867. Les vieux instruments (car des luthiers en fabriquent des nouveaux) étaient surmontés d’une tête de dragon en guise de volute. Cela faisait référence à tout un panorama de légendes et de mythes associés à la culture norvégienne païenne. Et beaucoup de pièces du folklore musical font spécifiquement référence à ces histoires. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, pendant très longtemps, il était interdit de jouer du Hardanger dans les églises. On disait que c’était l’instrument du diable! Ce n’est plus le cas, bien sûr…
Pan M 360 : Y a-t-il des pièces ‘’classiques’’ écrites pour le Hardanger?
Ragnhild Hemsing : Il y en a peu. À ma connaissance la première date de 1905 et elle est de Johann Halvorsen. C’est une suite pour Hardanger et orchestre. Plus tard, un autre compositeur norvégien, Geirr Tveitt, a écrit des pièces, dont deux concertos.
Pan M 360 : Vous venez d’ailleurs de faire paraître un album avec le Concerto no 2 de Tveitt (pour Hardanger), couplé avec le Concerto de Bruch (pour violon classique)….
Ragnhild Hemsing : Oui. Sous étiquette Berlin Classics. Je joue également des œuvres classiques avec le Hardanger, comme du Grieg par exemple. Ou encore, les Quatre saisons! Les gens de Montréal seront les premiers en Amérique à entendre ma vision ‘’boréale’’ de Vivaldi. Ce sera très spécial.
Pan M 360 : Vous commandez aussi de nouvelles pièces…
Ragnhild Hemsing : Je souhaite en effet agrandir le répertoire ‘’classique’’ du Hardanger. Et j’aime beaucoup amener cet instrument dans les salles classiques et ailleurs dans le monde.
Pan M 360 : Le concert de vendredi prochain sera un mix de Hardanger et de classique. Qu’avez-vous préparé?
Ragnhild Hemsing : Oui, ce sera un très beau mix, je pense. Il y aura un peu de tout ce dont on a parlé, soit du baroque avec Handel, Vivaldi, Marais, etc., parfois au Hardanger et parfois au violon classique. Je présenterai également une pièce contemporaine d’Agnes Ida Pettersen, pour Hardanger et orchestre. Je serai accompagnée par l’ensemble Barokkanerne et l’Orchestre baroque de Finlande.