Que dit Le silence ? Jimmy Hunt nous le dit

Entrevue réalisée par Alain Brunet

Reclus dans l’arrière-pays de la Baie des Chaleurs où il réside désormais, Jimmy Hunt ne prévoyait pas créer la matière d’un album. Plutôt motivé par un projet littéraire, il en a finalement distillé les éléments les plus signifiants pour les transformer en chansons minimalistes, fraîchement enregistrées sous étiquette Dare to Care. Joint en région, il nous parle ici de son nouvel opus, Le Silence.

Genres et styles : folk progressif / kebamericana

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Crédit photo : Béatrice Vézina-Bouchard

« Depuis 2015, amorce-t-il, je passe beaucoup de temps en Gaspésie, mais j’y suis à temps plein depuis deux ans. J’y ai résidé dans une yourte jusqu’à 2018 et j’y ai ensuite acheté une maison dans le coin de Maria, au pied des montagnes. J’avais une blonde au début, puis on s’est séparés, je me suis « ermité ». Je ne vivrai pas toujours seul, mais j’avais besoin de ce calme. »

Chocolat, le groupe qui a jadis fait connaître le chanteur et qui a repris du service ces dernières années au grand plaisir de ses fans, est en pause indéterminée. 

« C’est de la job, en gang! Prises de décisions et tout et tout, soupire son chanteur. Quand mon père est décédé, on était en studio en train de faire Jazz engagé, j’étais alors entre la Gaspésie et Montréal. À la fin des séances, j’ai senti que je ne serais peut-être plus capable de continuer. Mais on a quand même fait une tournée en France et… à la fin, je n’avais plus envie de faire de shows, je n’avais plus envie de rien. J’avais quand même vécu des années créatives avec le retour de Chocolat et trois albums supplémentaires. J’avais pressé mon citron. »

Le décès du père a été un tournant, force est de déduire. 

« C’est toujours une étape propice aux grandes réflexions sur l’existence, à l’introspection. Mon père et moi, on ne se voyait pas souvent physiquement, mais on était très connectés. Parfois je ne le voyais pas pendant plusieurs mois, je le voyais rarement vers la fin, une fois par an. Depuis qu’il est mort, je réalise qu’on avait beaucoup en commun. Il m’avait vraiment influencé, beaucoup plus que je ne le croyais. »

Après la mort, la vie : Jimmy Hunt a imaginé Le silence dans sa solitude gaspésienne. Le projet d’écrire long s’est finalement transformé en celui d’écrire bref.

« Je pensais mettre un peu de gommage autour de mes textes choisis, mais finalement je les aimais ainsi. Ça s’est enligné vers quelque chose de très minimaliste. Il peut se passer des choses à la lecture de tels textes, l’imagination peut travailler davantage. Au début, la musique était ambient autour des textes, plutôt informes. C’était intéressant mais trop vaporeux. J’ai choisi des accords et des lignes mélodiques tout en gardant les textes super simples. » 

Hormis la simplicité volontaire du principal intéressé, le minimalisme choisi sied bien à l’époque. Notre interviewé en convient :

« On est bombardés d’informations, un trop-plein de propositions. Ça fait du bien un peu d’espace créé par un propos minimaliste. J’ai discuté avec les gens du label (Dare to Care) sur la courte durée du projet. Ajouter un peu de bouette pour se rendre à 40 et quelques minutes? Euh… non. C’est le résultat qui compte, ce qui est une bonne chose en soi. C’est une bonne époque pour la création en ce sens, il y a de la place pour tous les formats. »

Jimmy Hunt se prête ensuite à une revue en règle de son nouveau répertoire, chanson par chanson.

Étoiles :

« J’ai toujours le projet d’écrire et je finis par faire un album de chansons. Évidemment, j’ai dans mon ordinateur plusieurs fragments d’un format plus long. Comme ceci : un soir, je revenais de chez un voisin en me disant que mon affaire littéraire, ça ne se tenait pas. Le ciel était alors étoilé, j’avais devant moi un panorama de beauté tout en vivant ce doute, ce mal-être créatif. J’en ai finalement tiré ce texte qui parle du doute dans la création. Esthétiquement, ça crée une belle image, je crois. »

Les gens qui m’aiment :

« Être reconnu publiquement, ça peut virer en une forme de narcissisme, c’est ce dont je parle dans cette chanson. Vers la fin le texte s’assombrit, le narrateur devient « le chemin de croix » des gens qui l’aiment. Dans la vraie vie, je ne suis pas superstar, ce texte est ironiquement pompeux, exagéré. Avec la musique, cependant, le texte devient plus touchant, plus sensible. »

Recommencer :

« Refaire ma vie, vouloir repartir à zéro, voilà une réflexion typique de la crise de la quarantaine. Le texte ironise un peu lorsque le narrateur souhaite redevenir vierge et tomber amoureux d’un écrivain. Puisqu’il ne peut en être un, il pourrait en admirer un autre. Je n’ai rien rajouté au texte initial de cette chanson, car je l’aurais probablement affaibli. »

Vieux amis :

« J’ai été instruit du phénomène des microbiotes dans des émissions de science. Ces organismes se trouvent dans nos intestins, ils existent depuis des millions d’années. Les microbiotes nous poussent à échanger des microbes avec d’autres humains, ils ont une influence sur notre comportement. Ils nous poussent à la vie sociale et au partage, ce qu’on évite d’ailleurs présentement. Les microbiotes n’aiment pas la pandémie! En somme, nos intestins nous pilotent, nous sommes moins aux commandes du bateau que nous pourrions le croire! Ainsi, j’ai ramené le sujet dans le contexte d’isolement et de la solitude, et sur les questionnements de ma propre identité, sur la maîtrise de ma vie. »

L’arbre :

« J’ai écrit ce texte érotique, je l’ai retravaillé pour qu’il acquière la forme d’une chanson. C’est une sorte de mythologie forestière (rires). »

La chute :

« Cette chute existe, elle se trouve sur mon terrain. L’hiver, elle se couvre d’une glace turquoise, l’eau qui coule dessous produit des sons super beaux. Je trouve magnifique que ça se produise comme ça, depuis très longtemps, généralement sans spectateur. »

Ambulance :

« Mon père est mort seul dans son chalet. Un voisin l’a trouvé, mes frères et moi sommes arrivés lorsqu’il était rendu à la morgue. Que des étrangers aient ramené en ambulance son corps inanimé et l’aient sacré dans un tiroir (ce qui est tout à fait normal), ça me bouleversait. »

Mental :

« C’est un texte de séparation amoureuse. Quelqu’un écrivait ma bio pour l’album et pensait que je parlais encore de mon père… on peut le voir comme ça, j’aime mieux laisser ça ouvert. Ce texte parle aussi de maladie mentale; chacun a ses troubles, il y a des moments de trêve où on atteint l’équilibre et puis on se fait rattraper. On n’est à l’abri de nos maux que momentanément. »

La décroissance :

« Il y a ces mouvements sociaux qui remettent en question la consommation et le capitalisme, que je mets ici en perspective avec mon propre éloignement. L’objectif ultime est de prendre du recul pour trouver un chemin plus viable, être distant des autres pour finalement s’en rapprocher. »

Le silence :

« L’hiver commençait quand j’ai fait ce texte. J’avais hâte que la neige s’installe, de penser à autre chose pendant que le décor change et que le blanc apparaît. » 

Les textes de cet album, on l’imagine bien, ne sont pas portés par des musiques très chargées, quoique…

« Je voulais d’abord aller vers des sons expérimentaux, c’était un peu too much. On a enregistré de la pedal steel, ça a mené l’affaire vers une sorte de folk americana tout en mettant en relief des moments plus instrumentaux, proches du psychédélisme, du prog ou du space-rock à la Pink Floyd. Mais aucun genre musical ne se manifeste très clairement. »

En somme, Jimmy Hunt?

« Ce n’est pas un album feu d’artifice. C’est posé et calme, ça représente bien mon état d’esprit, là où j’étais pendant sa conception. »

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