Q052: dure vérité et émancipation

Entrevue réalisée par Maude Bélair
Genres et styles : hip-hop / Premières Nations / rock

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Qama’si signifie ‘’levez debout’’ en Mi’gmaq [NDL : prononcez micmac]. Et c’est précisément le message que souhaite envoyer Quentin Condo, rappeur issu de la 52e communauté autochtone du Québec, Gesgapegiag. Sur scène, il porte l’alias de Q052 et s’affaire à nous communiquer les enjeux et problématiques autochtones.

Et lorsqu’il n’est pas sur scène ? Rien ne change! Non seulement est-il toujours actif dans la vie politique de sa communauté, mais encore s’assure-t-il de bien enseigner à ses enfants les savoirs ancestraux de son peuple. Et, contrairement à bien d’autres, Q052 était fort aise avec l’arrivée de la pandémie du COVID-19. En plus de travailler sur de futurs projets, il a profité de ce temps précieux pour rappeler à sa progéniture l’importance de la nature et la nécessité d’en prendre soin. 

À l’écoute, Q052 n’est pas tendre envers son.sa interlocuteur.trice. Il n’hésite pas à parler des tendances colonialistes et racistes des gouvernements, à rappeler les meurtres et disparitions des filles et femmes autochtones… Il ne parle pas d’une seule problématique mais bien d’enjeux finement entrelardés et bien sûr, complexes.

Son ton est coupant, sec, sans équivoque. Refusant de mettre les gants blancs, il nous rappelle ce qui est parfois si facile à oublier : le Canada est coupable d’un génocide toujours en cours.  

Q052 n’a que deux albums à son actif (Qama’si en 2019 et Rez Life en 2018, ce dernier ayant été en lice au Indigenious Music Awards dans la catégorie Best New Artist) ainsi que quelques singles. Puisant dans les codes du old-school rap, sa musique n’est pas sans rappeler la fougue rap-rock de Rage Against the Machine ou encore la subtilité boom bap de A Tribe Called Quest

Les amateurs.trices devront prendre leur mal en patience; bien qu’un nouveau projet attend sagement sur son disque, Q-052 ne le rendra disponible qu’en 2022. En attendant, PAN M 360 l’a rencontré pour parler un peu de lui, de ses ambitions et surtout, de la prestation qu’il offrira dans le cadre du festival montréalais Présence Autochtone

PAN M 360: Pourrais-tu nous parler davantage de ta communauté ? Quels bons souvenirs en gardes-tu?  

Q-052: Je suis originaire de la communauté de Gesgapegiag de la nation Mi’gmaq, l’une des trois de la région de la Gaspésie. Je n’ai pas grandi uniquement dans la réserve, puisque ma mère est issue de la diaspora irlandaise américaine – région de Boston. Je garde de bons souvenirs de ma jeunesse, particulièrement avec mes cousins, mes tantes et mes oncles. J’ai beaucoup pêché, beaucoup chassé, pratiqué les arts ancestraux… J’ai fait une multitude de choses! Dans les communautés autochtones, nous faisons de nombreuses activités familiales, vu les familles nombreuses. 

PAN M 360: Ton père est d’origine Mi’gmaq alors que ta mère, comme tu viens de le dire, est irlandaise-américaine. Quelle est ta relation avec l’anglais, puisque la majorité de tes chansons sont écrites dans cette langue ? Un projet musical en mi’gmaq fait-il partie de tes plans  ? 

Q-052:  Bien-sûr! En ce qui concerne la question de la langue, le mi’gmaq est encore parlé au sein de nos communautés. Mon père le parle couramment et a appris l’anglais et le français. Ma mère, comme tu peux bien te l’imaginer, parle également l’anglais, mais aussi le français. Toutefois, mon père étant un survivant des pensionnats autochtones, a refusé de nous parler dans sa langue maternelle à la maison. Il croyait -bien, forcé de croire- qu’il était mauvais de parler le mi’gmaq. Il voulait être sûr que ses enfants excellaient en anglais et en français pour que ceux-ci soient capables de comprendre et de confronter les gouvernements en place, et aussi de bien communiquer les demandes de leur peuple. J’ai appris à parler mi’gmaq avec mes ami.e.s et d’autres membres de ma famille. Mais mon père était bien clair ; ‘’tu peux apprendre le mi’gmaq, là n’est pas la question. Tu dois cependant apprendre à parler la langue du colonisateur. Nous sommes dans un monde de colonisateurs, et nous nous devons d’y survivre’’. Je ne parle pas aussi couramment le mi’gmaq autant que je le souhaiterais, mais je me débrouille très bien. Et en passant, la chanson que je chanterai avec Samian vendredi soir au festival Présence Autochtone sera en mi’gmaq! 

PAN M 360: Comment s’est passée la pandémie pour toi? En as-tu profité pour créer de la nouvelle musique ?  

Q-052: La pandémie a été pour moi une véritable bénédiction! Je ne sais pas si tu t’en rappelles, mais peu avant la pandémie, nous étions en train de bloquer les chemins de fer en soutien à la communauté de Wet’suwet’en en Colombie-Britannique! Nous parlions de la nécessité de changer les choses, de changer les politiques environnementales et le gouvernement ne cessait de répéter que cela était impossible, que cela bouleverserait l’économie… Et la Covid est arrivée et s’en est chargé elle-même! Donc oui, j’étais prêt à voir le temps s’arrêter. J’ai apprécié cette pause pour le moins inusitée. J’ai même profité de l’occasion pour ramener mes enfants dans ma communauté pour leur en apprendre davantage sur nos savoirs ancestraux, sur la forêt… 

PAN M 360: Vu tes activités d’activisme et celles de ton propre père – qui était lui-même un leader important de ta communauté- quels enjeux souhaites-tu éduquer d’avantage tes enfants ? 

Q-052: Selon moi, la question environnementale est incontournable, pour la simple et bonne raison que si nous ne prenons pas soin de la nature, la mort nous attend. Je les éduquerai également sur l’importance de parler des femmes autochtones disparues et assassinées, ou encore du haut taux d’incarcération des personnes autochtones dans les prisons fédérales… La liste est tellement longue, mais je m’assurerais de parler d’un peu de tout. 

PAN M 360: Tu étais politicien auparavant, pourquoi as-tu arrêté la politique pour la musique ? 

Q-052: Le hip-hop coule dans mes veines, pour la simple raison que cette culture ressemble en tous points aux cultures autochtones. Leurs MCs sont nos chanteurs traditionnels. Le breakdance rappelle nos propres danses ancestrales. Même les graffitis rappellent notre art. De plus, mon père était -et est toujours- très actif socialement, et voyait en moi une certaine relève, tu vois ? Et bien que j’aie grandi avec  cette volonté de changement, je n’ai réussi qu’à faire deux mandats au sein de ma communauté. J’ai quitté mes fonctions peu de temps après car j’ai réalisé que j’avais davantage de pouvoir et de liberté en tant qu’artiste qu’en tant que politicien. En politique, tu dois te censurer, tu ne peux pas dire tout ce que tu penses alors qu’avec musique, je pouvais parler des choses à ma façon, je pouvais dire la vérité sans en craindre les conséquences.

PAN M 360: Travailles-tu actuellement sur un nouveau projet musical? 

Q-052: J’y ai travaillé tout au long de la pandémie! J’ai collaboré avec d’autres artistes, dont le groupe Violent Ground, Samian et Melodie McArthur, pour ne nommer que ceux-là. J’ai également terminé la production de mon prochain album, mais il ne sera pas disponible avant 2022. Je n’ai pas arrêté d’écrire de nouvelles chansons, de les enregistrer… J’ai vraiment passé un bon moment à travailler sur mes projets. 

PAN M 360: Lorsque les gens écoutent tes projets, quelle émotion, quelle réponse souhaites-tu tirer d’eux ? 

Q-052: Je veux te rendre conscient.e, toucher une corde sensible. Je veux faire réaliser à mon auditoire l’ampleur de ce qui nous arrive. Je n’ai pas peur d’être effronté, de dire les choses telles qu’elles sont, de choquer. Je crois que les gens comprennent davantage ainsi, alors si je parlais en politicien, les gens n’écouteraient pas. Je n’ai plus la patience d’être gentil, tu comprends ? Il faut qu’on nous écoute, même si ce n’est pas facile à entendre. 

PAN M 360: Peut-on observer une certaine évolution lorsque nous écoutons ta musique? Remarques-tu avoir changé d’opinion ou d’attitude sur certains enjeux ? 

Q-052: Je crois que oui. Lorsque tu écoutes mon premier album, je suis davantage en colère, je suis direct et tranchant, alors que dans le deuxième, plus R&B, j’ai choisi d’être plus patient, de prendre le temps d’éduquer mon auditoire. Pour ce qui est du prochain, ce sera un peu l’union des deux, mais avec une  sonorité plus rock!

PAN M 360: Il paraît que Samian et toi serez ensemble sur scène vendredi soir dans la cadre du festival Présence Autochtone! Peux-tu nous en parler davantage? Q-052: En fait, je donne deux prestations  au festival! Mercredi soir, je serai sur scène avec NEMNouvel Ensemble Moderne– en compagnie de Laura Niquay, Anachnid et Forestare, tous et tous de merveilleux.ses artistes autochtones. Nous interprétons une pièce d’une durée de vingt minutes, accompagné.e.s d’un orchestre! Je serai également vendredi soir avec Samian dans le cadre du lancement de son nouvel album Nikamo. Je suis très excité!

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