Pour Edgar Bori, tout est poésible

Entrevue réalisée par Luc Marchessault
Genres et styles : chanson / folk / jazz / pop

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« J’ai astheure peur de ce vieil ami qui s’appelait demain », avoua il y a quelques mois un Michel Garneau alité et lucide devant l’imminence du trépas. L’homme était poète, mais aussi dramaturge, scénariste, écrivain, acteur, animateur de radio, traducteur-adaptateur, compositeur et chanteur. Un créateur, donc, au sens le plus fort et noble du terme. Authentique, cohérent et engagé comme on le voit rarement. Edgar Bori, de son côté, marie musique et mots depuis trente ans avec sensibilité, inspiration et adresse. De sa rencontre avec Michel Garneau a germé le projet Poésinutiles, qui croît depuis déjà quelques années et que Bori mène aujourd’hui à un autre jalon : l’album Poésinutiles Vol. 1 (dont on vous cause aussi ici), créé avec un collectif collaboratif du tonnerre. Edgar Bori nous a explicité à quoi tout cela rime.

Pan M 360 : Dans ce monde et cette époque qui ont plus que jamais besoin de poésie, les œuvres comme la vôtre sont tout, sauf inutiles. Le projet Garneau-Bori vogue depuis déjà quelques années sur scène, sur papier et sur disque. Lucioles nous avait donné un avant-goût de Poésinutiles Vol. 1, une demi-somme déjà immense en soi. Vous nous laisserez un peu de temps pour absorber tout ça avant la parution du Volume 2?

Edgar Bori : En fait ça fait plus de deux ans que je prépare les volumes 1 et 2. Le 1 est constitué de 17 pièces chantées, alors que le 2 comprendra près de 27 pièces dites sur des fonds musicaux ou des ambiances. Tout est déjà enregistré; les voix de Michel Garneau, Willie Latombe, Julia Bonnet et Maringouin s’ajouteront à la mienne, sur des musiques ou ambiances concoctées avec divers collaborateur, dont Cédric Dind-Lavoie, Jean-François Groulx, Théo Berthonnet, Louis Gagné et Yannick Rieu. Il me reste à revisiter le tout, à corriger, ajuster et mixer en compagnie de Louis Morneau, ingénieur du son et complice de l’aventure. Mais, effectivement, avant d’entreprendre la révision et la finalisation, je prends quelques semaines encore!

Pan M 360 : Il y a 24 ans, le groupe Villeray avait fait paraître l’album Musique sur Saint-Denys Garneau, qui avait fait découvrir ce poète aux musicophiles qui ne le connaissaient pas. Vous faites de même avec un autre poète Garneau, à votre manière. En chanson franco, il existe une tradition forte de mise en musique : Brassens, Ferrat, Ferré et nombre d’autres, dont Sylvie Paquette plus récemment avec Anne Hébert. Votre démarche se distingue en ce que vous vous inspirez des poèmes de Michel Garneau?

Edgar Bori : Poésinutiles est né dans la foulée de ma rencontre humaine avec Michel Garneau, qui nous a quittés il y a moins d’un an. Sa manière d’ouvrir les portes, de vivre heureux et de poétiser la vie m’a largement inspiré et a contribué à ce que je me mette à l’ouvrage. Sans le travail fait autour et dans son œuvre, Poésinutiles ne serait pas là. Ni les mots, ni les chansons…

Pan M 360 : Musicalement, Poésinutiles Vol. 1 ratisse assez large; on entend des accents jazz et classique contemporains sur la pièce Poésinutiles, des touches synthétiques sur la sensuelle Poésidylliques, un langage folk sur Poésitinérant, de l’électro-pop-rock funky sur Poésirréparable et on en passe. Et tout ça dans une indéniable cohésion. Quel a été votre mode opératoire, à vos collaborateurs et vous?

Edgar Bori : Premièrement, la confiance et le plaisir de se mettre au service des mots et de l’interprète. J’ai demandé à des amis du métier de choisir un texte et de me présenter le résultat de leur travail. Tantôt Tire le coyote, tantôt Yannick Rieu, tantôt Christian Frappier, tantôt Allan Hurd. Et un arrangeur, Luzio Altobelli de la Fanfare Pourpour, qui a signé les arrangements et l’orchestration de Poésidéveil. La manière de dire reste probablement le lien de famille. La parole au premier plan aussi. Le hasard peut-être un peu, aussi… Je suis, à la base, ouvert à la diversité. Et c’est un lien en soi, la diversité.

Pan M 360 : Vous avez mis plusieurs photographes à contribution pour le livret de Poésinutiles Vol. 1 (Cathie Bonnet, Francis Bonnet, Pascale Ricou, Émile Jude, Dominic Desrochers, François Richer, François-José Brouillette et Laurent Bonnet).   Aucune de leurs images n’est anodine. Est-ce que les photos ont été prises en amont ou en aval, dans la création de l’album?

Edgar Bori : Les 36 photos choisies sont le résultat d’un voyage au pays de plus de 3000 photos, prises par des gens proches de moi qui ont ce petit goût géant de l’image. Chaque photo en dit plus que le texte et est, en quelque sorte, un regard différent et complémentaire. Elles ont toutes été choisies avant que les musiques ne soient composées.

Pan M 360 : Lors de la mise en musique de poèmes ou de textes inspirés de poèmes, est-ce que la prosodie et la préservation – ou la transposition – de la musicalité constituent un défi particulier?

Edgar Bori : Il y a toujours dans ce travail de recherche le plaisir du défi, le bonheur de risquer et d’arriver à un point où on pense avoir raté mieux. Pas d’angoisse surtout. Mais une sorte de rigueur libre et confiante de faire ou d’avoir fait le mieux possible. Avec le ventre au centre. Je dois dire aussi qu’avec les compositeurs complices de certaines pièces qu’ils ont eux-mêmes choisies, ils avaient carte blanche pour utiliser les mots existants, mais avec le loisir de les réarranger, d’en supprimer, d’en répéter, etc. Tout, sauf ajouter un mot qui au départ n’y était pas. Ils pouvaient, par exemple, transformer « Au clair de la lune, mon ami Pierrot » en « Au Pierrot la lune, mon ami »!

Pan M 360 : À propos de la composition et des arrangements, vous vous en êtes chargé seul sur un peu plus de la moitié des pièces. Sinon, vous vous êtes dégoté des collaborateurs costauds :  Yannick Rieu, Louis Gagné, Benoit Pinette et l’ubiquiste Benoit « Shampouing » Villeneuve, Christian Frappier, le trio Bon Débarras, Luzio Altobelli, Allan Hurd… C’est réconfortant, j’imagine, de ressentir cette sociabilité et cette solidarité en musique, ces temps-ci?

Edgar Bori : Absolument réconfortant. Et de magnifiques surprises au rendez-vous. Seuls nous ne sommes pas grand-chose, voire si peu. La rencontre est une forme de partage, et l’amitié qui se lie – qui se lit – dans le résultat, mais surtout dans le parcours.

Pan M 360 : Merci beaucoup pour vos réponses et longue vie aux Poésinutiles!

Edgar Bori : Merci à vous d’avoir pris le temps de prendre le temps de prendre votre temps!

Photo : Elizabeth Delage

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