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Jelly Roll Morton, James P. Johnson, Fats Waller, Duke Ellington, Lil Hardin, Earl Hines, Count Basie, Art Tatum,Teddy Wilson, Bud Powell, Mary Lou Williams, Thelonious Monk, Oscar Peterson, Phineas Newborn Jr., Hazel Scott, Herbie Nichols, Wynton Kelly, Sonny Clark, Jaki Byard, Hank Jones, Mal Waldron, Cecil Taylor, Kenny Drew, Red Garland, Nat King Cole, Tommy Flanagan, Daisy Sweeney, Barry Harris, Harold Mabern, Errol Garner, Horace Silver, Bobby Timmons, Andrew Hill, John Lewis, Cedar Walton, Horace Parlan, Ahmad Jamal, Roland Hanna, Alice Coltrane, Herbie Hancock, McCoy Tyner, Muhal Richard Abrams, Sun Ra, Kenny Barron, Randy Weston, Shirley Horn, George Duke, George Cables, Mulgrew Miller, Bobby Few, Oliver Jones, John Hicks, Don Pullen, Dave Burrell, Kenny Kirkland, Rodney Kendrick, Larry Willis, Geri Allen, Patrice Rushen, Michele Rosewoman, Jason Moran, Andy Milne, Craig Taborn, Gerald Clayton, Robert Glasper. On en passe, évidemment.
Depuis les débuts du jazz, avez-vous saisi en lisant cette liste, il existe une immense lignée de pianistes noirs (ou métis afro-descendants) ayant contribué aux avancées du style en Amérique du Nord.
À Montréal, ville de jazz depuis les débuts du siècle précédent, qu’en est-il ?
Les pianistes noirs les plus célèbres y sont d’abord le génial Oscar Peterson et son émule Oliver Jones. On compte aussi Harold Steep Wade et Wray Downes, qui ont brillé à l’époque des cabarets et… Depuis Andy Milne, recruté par Steve Coleman dans les années 90 ou encore Taurey Butler, originaire du New Jersey et transplanté au Québec… pas grand-chose. Euh, non, on ne peut inclure à cette liste le pianiste pré-pubère-devenu-pubère Daniel Clarke Bouchard, car sa carrière se résume pour l’instant au court et prévisible spectacle médiatique de l’enfant prodige qu’il fut. Et bien sûr, on peut accueillir dans cette très courte liste l’excellent pianiste afro-descendant d’origine cubaine Rafael Zaldivar… arrivé à Montréal à l’âge adulte et qui enseigne désormais à Québec.
En fait, c’est bien peu pour une métropole multiculturelle qui prétend offrir le plus grand festival de jazz au monde mais… le prochain pianiste afro-descendant à y s’imposer serait-il Théo Abellard? PAN M 360 se penche ici sur son cas, puisque le jeune musicien de 24 ans se produit avec son trio, pour la première fois au Festival international de jazz de Montréal.
PAN M 360 : Faisons connaissance! D’où proviens-tu ? Comment es-tu devenu musicien?
Théo Abellard : Je suis né à Montréal, mes parents sont Haïtiens. J’ai grandi dans le quatrier Parc Extension et j’y habite toujours. J’ai fait le profil musique-études au primaire, secondaire et cégep. J’ai aussi étudié à McGill un moment, je passe actuellement mes examens au Royal Conservatory of Music de Toronto, afin d’élever mon jeu de piano classique. Au primaire et au secondaire, j’apprenais le violon classique et je jouais le piano à l’église pentecôtiste, j’y accompagnais les choristes. J’étudiais le violon à l’école Pierre-Laporte lorsqu’un ami m’a fait découvrir l’album In My Element de Robert Glasper. La façon dont il jouait l’hymne gospel Y’Outta Praise Him m’avait vraiment épaté et m’a donné envie de devenir pianiste.
PAN M 360 : Dans le jazz moderne ou contemporain, il y a une lignée de pianistes afro-américains aux États-Unis et au Canada. Étant d’origine haïtienne, t’identifies-tu à cette lignée ?
Théo Abellard : Oui je m’identifie au piano black, j’ai poussé ma connaissance de la tradition ces dernières années mais je me concentre aussi sur le piano classique occidental. Des centaines d’années de musique! En tant que pianiste, je trouve essentiel d’attaquer ce répertoire pour le piano : Bach, Mozart, Beethoven, Brahms ou Chopin sont tous des génies. Éventuellement j’aimerais enregistrer les sonates de Beethoven et les préludes et fugues de Bach. Tant de grands pianistes de jazz ont aussi reçu une formation classique, je pense à Oscar Peterson, Herbie Hancock, Keith Jarrett, Chick Corea, Kenny Kirkland… Alors je ne fais que suivre l’exemple des plus grands. J’essaie aussi de m’inspirer de grands pianistes classiques tels que Martha Argerich, Daniil Trifonov, Yuja Wang, etc.. Il faut aussi se rappeler que les pianistes classiques du 19e siècle savaient tous improviser, mais cette pratique a disparu. J’essaie de revenir à ce modèle où l’exécution de la musique composée n’exclut pas l’improvisation, indispensable en musique.
PAN M 360 : Qu’est-ce qui te définit en tant que pianiste?
Théo Abellard : Je suis encore en train d’y penser! En fait, j’aimerais maîtriser le répertoire classique tout en étant capable d’improviser à un niveau élevé. Je m’inscris dans ce courant jazz et classique. Il y a aussi mon ouverture d’esprit acquise à Montréal, dans mon quartier natal de Parc-Extension où j,ai grandi et où je vis toujours. Je parle français, anglais, portugais et créole haïtien. Chacune de ces langues porte une identité et le mélange de tout ça constitue la mienne. Parler plusieurs langues est une pratique courante à Montréal, et cela me donne une vision du monde plus vaste que si je ne parlais qu’une seule langue. Dans la même optique, je vois la musique comme un langage universel et c’est ce qui, je crois, me distingue aussi.
PAN M 360 : Ton trio est aussi une affaire de famille, ta conjointe Marie-Ketely Gomes y participe!
Théo Abellard : Ma femme est bassiste, sa famille est originaire du Cameroun… le pays des bassistes! Étienne Mbappé, Richard Bona, plusieurs autres…. Elle et moi faisons également partie du collectif hip-hop LeCypher ainsi que du collectif Kalmunity, et nous jouerons bientôt ensemble avec la trompettiste Rachel Therrien dans le cadre de l’Off Festival de Jazz. Quant à mon batteur Tyson Jackson, il vit à Boston et vient d’y finir sa maîtrise au Global Jazz Institute. Il a joué notamment avec le pianiste Joey Alexander. Mon trio est réuni cette semaine à Montréal et nous en profitons pour enregistrer notre premier album au studio Planet. Nous y jouons des pièces différentes que celles rendues publiques sur ma page Bandcamp, enregistrées en 2018. J’ai du nouveau répertoire et nous enregistrons aussi des compositions de mon épouse. Ma musique a changé, j’ai exploré le répertoire classique depuis, j’ai approfondi ma connaissance du piano jazz (Thelonious Monk, Art Tatum, Bud Powell, etc.), j’ai beaucoup composé. J’ai grandi en tant que musicien, j’ose croire être plus mature.