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François Bourassa, pianiste, compositeur, improvisateur et leader d’orchestre, se trouve au cœur d’un cycle de création qui l’a mené à renouveler les propositions de son superbe quartette et aussi de se prêter à un duo exploratoire avec le saxophoniste et compositeur Philippe Côté. Deux albums en témoignent, Swirl côté quartette (sorti récemment chez Effendi et Confluence côté duo (lancé très bientôt chez Odd Sound). Le principal intéressé nous en cause dans le contexte du 24e Off Festival de Jazz de Montréal qui s’est amorcé jeudi et qui se tient jusqu’au 14 octobre.
PAN M 360 : Tu traverses une période prolifique : deux albums et un concert double à l’OFF Jazz, ce n’est pas rien !
François Bourassa : Oui, j’ai fait deux albums cette année. Un avec mon quartette habituel, live au studio Piccolo en juillet 2022 dont nous avons reçu une super bonne critique sur PAN M 360 (Frédéric Cardin). J’ai aussi enregistré un album avec Philippe Côté, l’an dernier dans un studio de New York. Philippe roule sa bosse depuis un bon moment et il prend son temps. Il a fait trois albums jusqu’à maintenant, c’est un gars vraiment intéressant et il m’a fait cette proposition. Pour ce projet, il fait du piano préparé avec moi et du saxophone. On se retrouve donc à deux pianos ou encore il fait du sax. On s’amuse! C’est assez exploratoire et c’est différent de ce que je fais d’habitude.
PAN M 360 : Comment prépares-tu le piano?
François Bourassa : Un ou deux pianos sont préparés avec de la gommette ou de petits bouts de bois insérés dans les cordes de la table d’harmonie. J’essaie de faire du tuning avec ça,c,est-à-dire que j’essaie de placer les objets pour qu’il y ait un rapport harmonique avec ce que fait Philippe. Philippe en fait un peu mais c’est surtout moi qui en joue.
PAN M 360 : Comment accorder tout ça ?
François Bourassa : On essaie que ça soit harmonieux, que ça marche avec l’harmonie un tant soit peu pour que ça soit cohérent en harmonie. Mais ce n’est pas que ça; ce sont des textures, des couleurs, c’est assez exploratoire, il y a pas mal d’impro. En tout cas, ça sort du chemin!
PAN M 360 : Alors ça, ce que vous avez fait, c’était exploratoire, mais est- ce que c’était de l’improvisation libre ou des canevas ?
François Bourassa : Il y a des canevas, il y a des bouts d’improvisation libre, mais il y a quand même des mélodies et des harmonies consonantes.
PAN M 360 : Et votre échange repose sur une sorte de protocole, lequel au juste ?
François Bourassa : ll y a des consignes à respecter, nous avons tous deux composé. Il y a il y a plus de compositions qui viennent de lui, mes pièces sont peut- être un peu plus ouvertes pour l’impro mais il y a quand même des consignes… et aussi des moments aléatoires. Au bout du compte, ce sont sketchs sur lesquels on travaille.
PAN M 360 : Parlons du quartette. D’après toi, qu’avez-vous accompli de spécial dans le dernier album (Swirl) ?
François Bourassa : C’est dur à définir. Je ne veux plus faire les structures habituelles du quartette acoustique, thème-solo-thème ad nauseam. Non je ne vais plus faire ça, c’est le passé. Maintenant, je me casse la tête à essayer de trouver de nouvelles structures, je travaille fort sur l’architecture des morceaux. Je cherche de nouveaux lieux d’expression pour les solistes, pour l’improvisation collective et pour l’exposition des thèmes. C’est une autre forme. Les morceaux sont moins prévisibles en ce sens.
PAN M 360 : Donc, chaque structure de morceau est différente ? Oui. Un exemple pour l’illustrer ?
François Bourassa : Par exemple, j’ai une pièce qui s’appelle Pooloop. Le solo de basse se trouve dans une section vraiment dépouillée, puis presque libre de tempo. Le solo de piano s’amorce par un duo avec la batterie. Le solo de sax a aussi un moment d’échange avec le piano mais dans une autre forme, soit à la fin du morceau. Ça change souvent de direction, je veux pas que ce soit prévisible.
PAN M 360 : Pour tes choix harmoniques, ça change aussi avec le temps ?
François Bourassa : Oui. J’essaie de pousser l’harmonie assez loin, aussi proche des fois de la musique contemporaine. Ça fait longtemps que je me penche là-dessus. J’ai étudié à McGill, en musique contemporaine. J’ai toujours eu un attrait vers l’harmonie, plus chromatique mais je ne l’utilise pas systématiquement. Je peux retrouver des musiques consonantes (tonales ou modales), alors je ne veux pas faire exclusivement de l’abstraction, je ne veux pas en mettre trop. C’est beau ad lib mais il faut que ce soit organisé à un moment donné.
PAN M 360 : Effectivement, il est important que les gens puissent se raccrocher à certains éléments de compréhension déjà intégrés. Si tu coupes complètement avec le passé, ce n’est pas une garantie d’innovation et de qualité.
François Bourassa : Oui, exactement. C’est un défi de trouver un équilibre entre l’aspect plus « abstrait » et le côté « plus confortable ».
PAN M 360 : Trois des quatre membres (sauf le batteur Guillaume Pilote, arrivé récemment) jouent dans ce quartette depuis ses débuts il y a 25 ans. Explication?
François Bourassa : On s’entend bien! Notre longévité relève peut-être d’une coïncidence, mais on est des bons chums en même temps.
PAN M 360 : Comme la presque totalité des jazzmen québécois, tu as dû gagner ta vie dans l’enseignement de la musique. Aujourd’hui, cependant, tu te consacres essentiellement à TA musique.
François Bourassa : À 60 ans, j’ai pris ma retraite de prof, j’en ai 64.
PAN M 360 : C’est parfait, tu fais tout ce que tu veux depuis un moment déjà !
François Bourassa : Oui!