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Le vendredi 11 juillet, le Festival Nuits d’Afrique recevra un rappeur Sud-Africain bien établi dans son pays: Stogie T, de son vrai nom Tumi Molekane. Il s’agira de sa deuxième visite à Montréal, sa première en tant qu’artiste solo. Stogie T n’a pas la langue dans sa poche, il a des tonnes de choses à raconter sur sa vie, sa carrière et l’Afrique du Sud, un pays dont le destin reste compliqué, malgré la fin du régime raciste d’Apartheid, il y a 31 ans. Ce n’est pas tous les jours qu’on rencontre un rappeur de ce pays. Notre collaborateur Michel Labrecque s’est entretenu avec lui de tous ces différents aspects. Attachez vos tuques! Ou vos casquettes!
PANM360: Stogie T, racontez-nous un peu votre histoire, vous êtes né en Tanzanie, vous avez grandi en Afrique du Sud et, depuis plus de vingt ans, vous faites du rap!
Stogie T: Vous avez tout dit, je n’ai plus rien à ajouter (rires). Je suis né en Tanzanie de parents sud-africains en exil. J’ai peut-être été conçu en Russie, alors que mes parents y séjournaient pour de l’entraînement militaire. Mais je n’ai aucun lien familial avec la Tanzanie, j’y ai vécu jusqu’à l’âge de 12 ans, puis nous sommes rentrés dans notre pays.
PANM360: Donc, vos parents étaient des militants anti-Apartheid? Est-ce que cela vous a marqué?
Stogie T: Tout à fait, mon père était un pasteur devenu soldat de l’ANC (African National Congress, aujourd’hui le parti au pouvoir). Mais il est décédé quand j’avais un an. Mais ma mère était très impliquée dans la lutte, jusqu’au bout. Il y avait toujours cette idée de la « terre promise » et qu’il fallait que je me trouve un but. Tout ceci m’a cadré jusqu’à aujourd’hui. Il fallait juste que je trouve ma façon d’agir.
Si je me compare à une paire de lunettes, cette idée de mission était la monture, le hip hop ma lentille, puis, trouver ma propre voix a représenté me débarrasser des lunettes (rires) et découvrir ma propre vision.
PANM360: En Afrique du Sud , vous avez vécu à Soweto, l’immense quartier noir en banlieue de Johannesburg. Comment la musique et le rap sont arrivés dans votre vie?
Stogie T: Principalement en parcourant les rues, en jouant au basket et en discutant avec des membres de ma famille. Quand j’écoutais du rap, étant jeune, j’avais envie d’aller plus loin. Quand un rappeur mentionne Miles Davis, j’ai eu envie de l’entendre, quand ça parlait de AK-47, j’ai eu envie d’en savoir plus (rires), mais mon registre musical s’agrandissait, tout en restant centré sur le rap.
Et comme je n’étais pas bon en sport, ni à la planche a skate, le hip hop m’a permis de m’élever dans l’échelle sociale de l’adolescence pleine de testostérone. Petit à petit, je me suis affranchi des influences rap américaines pour raconter des histoires de ma communauté et mon pays.
PANM360: En 2004, vous créez un groupe qui s’appelle Tumi and the Volume, qui va devenir célèbre en Afrique du Sud et va tourner un peu partout sur la planète. C’est une aventure qui a duré près d’une décennie.
Stogie T: Nous représentions alors ce que les gens appelaient la « nouvelle Afrique du Sud »; un guitariste blanc du Mozambique, un juif blanc, un noir qui rappe sur Nelson Mandela (premier président noir post Apartheid), c’était un vent de fraîcheur. Nos tournées internationales m’ont aussi permis de partager la scène avec des grands comme Salif Keita, Manu Dibango. Ça ouvre les oreilles et ça vous fait admirer les grands musiciens africains.
Par contre, il y a un obstacle que nous avons eu du mal à traverser. À l’étranger, un groupe sud-africain doit toujours porter un message politique. Pour moi, c’est devenu une cage. Parce que je suis Sud-africain, je ne peux pas écrire une chanson sur les fleurs ou les papillons! La politique c’est important mais il n’y a pas que ça dans la vie.
PANM360: En 2012, Tumi and the Volume s’est dissous et en 2015, le premier album de Stogie T est paru.
Stogie T: La séparation s’est faite amicalement et nous sommes toujours amis. Par la suite, j’ai découvert que je souffrais de « cyniscose », la maladie des cyniques que je me suis auto-diagnostiqué (rires). Parce que le projet de libération de l’Afrique du Sud s’est transformé en tragédie comique. La plupart des politiciens que nous admirions quand nous étions jeunes se sont avérés corrompus, se sont ridiculisés. Nous croyions que la magie de Mandela allait faire de cette nation arc-en-ciel un endroit immunisé contre l’imbécilité. Mais au final, nous sommes aussi attirés par le gain et pleins de m…(merde) que les humains d’ailleurs.
PANM360: Donc, Stogie T est un peu revenu au texte politique. Votre dernier EP, paru récemment, s’intitule Lasours, qui est un titre en français: la source.
Stogie T: Oui, j’ai réalisé cet album avec un musicien de l’Ile de la Réunion, Aleksand Saya, qui vient de cet endroit qui s’appelle Lasours. C’est un incroyable musicien et réalisateur qui mélange la musique maloya, un style de l’île, à l’électronique. J’ai adoré travailler avec lui.
PANM360: En plus de cette dernière offrande, vous avez réalisé quatre albums. En quoi Lasours est-il différent?
Stogie T: Je parle de la violence en Afrique du Sud, une chanson est dédiée à un jeune rappeur qui a été assassiné, ça parle aussi de l’Île de la Réunion, un département français pas si loin de l’Afrique du Sud. Il ne faut pas que les gens oublient leurs racines, même quand ils vont étudier à Paris. On entend aussi Ntsika, un grand chanteur sud-africain qui fait partie d’un groupe acapella célèbre.
PANM360: Qu’allons-nous entendre lors de votre concert du 11 juillet au Balattou?
Stogie T: Vous allez entendre un mélange de hip-hop, de musique africaine, de jazz et de soul. Avec une formidable chanteuse qui s’appelle Bonj, à qui, franchement, je sers surtout d’accompagnateur (rires). Je ne crois pas que personne nous ressemble, pour le meilleur et pour le pire (rires).
Mon groupe et moi sommes déjà à Montréal, il y a tellement de choses à faire, j’espère que mon groupe sera encore fonctionnel le 11.