November Ultra, coup de cœur absolu du printemps

Entrevue réalisée par Rédaction PAN M 360
Genres et styles : pop

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Le 8 avril sortait le premier album de November Ultra, intitulé Bedroom Walls. Entre cette déferlante de douceur (j’en parle dans cette recension) et aujourd’hui, la chanteuse a été si sollicitée (médias français, concerts en France et au Royaume-Uni et affichage de son album à Times Square) que fixer le jour de notre rencontre aura pris du temps. Elle m’expliquera ensuite que ce temps est nécessaire dans tout. Laisser le temps aux choses de venir et se donner la place d’exister, voilà ce que cet album nous dit. Tout juste rétablie de la COVID, elle a pris le temps de se présenter à PAN M 360. J’ai été accueillie par une personne aux couleurs pastel, au trait de liner franc, au ton chaleureux et familier. 

NOVEMBER ULTRA : Voilà, nous y sommes, je suis trop heureuse et j’espère que tu vas bien. C’est mon rêve de venir au Canada! 

PAN M 360 :  Pour ton premier album, dans une entrevue, tu parlais de provoquer la brisure lorsqu’on est en dépression. Comment as-tu as vécu ce passage?

NOVEMBER ULTRA : C’est long. Il faut se rendre compte qu’on est en train de vivre quelque chose qui n’est pas évident. La première étape est d’accepter qu’on aille mal. Très vite, quand on a accepté, l’étape d’après c’est la mise en action, se demander comment faire face. Je sais que ce sont malheureusement des petits monstres avec lesquels on vit toute notre vie. Je me rends compte, en grandissant, que j’arrive à gérer ça d’une façon beaucoup plus rapide et saine. La dépression, c’est se dire « À quoi ça sert que je me lève le matin? Rien ne me donne envie, je ne sais pas où je vais, ce que je fais… ». J’ai appris à provoquer la brisure, c’est-à-dire aller hors de ma zone de confort. Ce n’est pas évident, mais une fois qu’on l’a fait, notre expérience nous parle et dit « Tu vois, ça va aller ». Même si cela n’aboutit pas, cela t’aura fait faire un pas en avant vers quelque chose. Faire un album, c’est un pas vers ça. Le premier morceau de l’album Over & Over & Over, c’est assurément un pas. C’est l’acceptation. Après, la suite a été la création de cet état  total de brisure. 

PAN M 360 : Cet album a pris presque quatre ans pour être achevé. Dans une période charnière, c’est beaucoup d’émotions. Qu’est-ce que tu as appris dans tout ça? 

NOVEMBER ULTRA : J’ai fait le premier morceau en 2018. Soft & Tender, c’était avril 2019. Durant six mois j’ai fait d’autres morceaux que je n’ai pas gardés, mais ils étaient nécessaires pour arriver à Soft & Tender. Quand j’ai rencontré mon ami Guillaume Ferran, on s’est vus en studio, je lui ai fait écouter l’album. Il a commencé son écoute à partir du morceau Le Manège, puis jusqu’à la fin. Il a voulu revenir à Over & Over & Over. À ce moment, je lui ai dit « Non, s’il te plaît, n’écoute pas celle-ci ». Lorsqu’il m’a demandé pourquoi, j’ai compris à quel point ce premier morceau me mettait mal à l’aise, et que c’était fini, je n’étais plus cette personne. J’ai donc su que l’album était terminé à ce moment.

J’ai réalisé que j’avais pris beaucoup de confiance en moi, et de paix, ce qui s’entend sur Open Arms, le dernier morceau. Ce n’est pas anodin, il y a eu le passage de la trentaine en plein milieu de l’album. J’ai commencé à consulter une psy aussi entre-temps, donc il y a quelque chose de corrélé avec qui j’étais et qui je suis devenue. Le début d’album, c’est réellement accepter tout ce qui ne va pas, par exemple dans le morceau Monomania, qui frôle le court-circuit, puis une paix s’installe avec Nostalgia/Ultra, avec Septembre, et avec Incantation. C’était long, et en même temps, j’en avais besoin. Nous sommes dans un monde où l’on ne s’autorise plus à vivre. J’avais encore des choses à vivre avant de pouvoir finir.

PAN M 360 : Quand c’est terminé, comment on se sent? 

NOVEMBER ULTRA : J’avais hâte! Je n’en pouvais plus, j’avais envie qu’il sorte, j’avais l’impression d’être une femme enceinte! (rires) C’était une célébration. J’étais prête. La musique, c’est du partage, c’est chanter devant des gens, avec eux. Un morceau existe différemment, une fois qu’il est écouté. Cela devient plus gros que ce que toi tu as fait. C’est trop beau de voir la façon dont les gens l’ont accueilli. Tout ça, c’est une nouvelle étape qui m’intéresse énormément. 

PAN M 360 : Tu sais très bien faire passer les émotions.

NOVEMBER ULTRA : Merci beaucoup. C’était ma boussole. L’émotion prime sur la technicité. Il y a des prises de voix fragiles. Tous les backup de Soft & Tender à la fin sont très bleus. Ça ne marchait pas quand j’ai essayé de refaire les voix et que c’était juste. C’est un choix de placer l’émotion au-dessus de la technicité. Je ne voulais pas qu’on entende mon album et qu’on se dise « Quelle voix! ». Je ne suis pas Céline Dion, j’adore Céline Dion, mon dieu, mais ce n’était pas ce que je voulais! Je voulais que ma voix soit vectrice d’émotions et que ma technique soit au service de ça, et pas juste que ce soit moi qui fais « AAAAH! » (voix chantée d’opéra) pendant 45 minutes! (rires) Et en même temps, je chante parce que ça m’apaise. Je pense que ce sont des choses que j’arrive à cristalliser dans des audios. 

PAN M 360 : Tu parles de ta voix. En live, elle est puissante et prenante. En concert au Trianon, j’ai vu ta sensibilité et ton intensité. Tu arrives à gérer tout ça?

NOVEMBER ULTRA : C’est vrai, j’ai pleuré au Trianon, et c’est rare que je pleure en concert. Je suis souvent très émue. L’interprétation est importante. Avec Nostalgia/Ultra, d’un coup j’ai été prise. Il y avait énormément de gens, mes parents, et j’ai réalisé ce qui était en train de se passer. En même temps, après j’ai chanté et c’était carré. Comme c’est une chose que je fais depuis que je sais parler, c’est devenu comme respirer, c’est viscéral. C’est drôle, tu n’es pas la première personne à me le dire. Dans les parties en espagnol aussi, ma voix devient autre. Elle prend un autre espace en moi. Cela peut surprendre, mais c’est ce qui est beau aussi dans l’idée d’écouter un album et d’aller voir le live

PAN M 360 : Je suis contente que tu le dises, car cela entre en résonance avec la chronique de l’album. Les langues permettent d’explorer, en effet.

NOVEMBER ULTRA : Oui, là j’ai appris l’italien… Pas du tout! (rires) J’ai appris une chanson en italien. C’est autre chose, c’est drôle. C’est intéressant, le canal de langues, ce que ça va chercher. C’est aussi notre rapport à la langue, comment on l’a apprise. Pour moi, il y a deux choses intrinsèques, ce sont les langues et la voix. Je ne me suis jamais demandé s’il serait bizarre de passer d’une langue à une autre. Ce sont des outils pour que ma voix change. Ma voix sur Nostalgia/Ultra est très différente de tout le reste. À la fin de Soft & Tender, dans la partie en espagnol, des gens m’ont demandé qui c’était. Nous avons des personnalités multifacettes. La musique est belle en ça, de se demander à quels endroits on trouve ça.

J’ai vu hier un reportage sur Simon & Garfunkel. Jusqu’au bout, ils cherchent ce qu’ils trouveront qui pourra les faire sortir de leur zone de confort. Ils tapent sur leurs jeans et font toute cette rythmique qui deviendra la batterie de Cecilia. Je me suis dit, c’est aussi ça faire de la musique. Il y a un truc d’excitation et de brisure. Elle vient par tous les outils que tu vas apporter. J’ai envie de ça aussi en live. La différence, c’est que le troisième outil, ce sont les gens. Tu te rends compte que les gens vont rendre le concert différent. Il y a ce truc d’alchimie, mon rapport à la vie, aux gens, qu’est ce que je peux devenir de plus. Quel pouvoir magique je peux raccrocher à ma ceinture. Regarde je suis excitée rien que d’en parler! (rires)

PAN M 360 : C’est tellement intense ces concerts, comment tu les gères? 

NOVEMBER ULTRA : (grand soupir) Je pense comme tout le monde. Parfois tu es en up d’énergie, tu enchaînes deux semaines, et puis après c’est un peu plus dur. J’apprends à mieux verbaliser lorsque j’ai besoin de temps. Je suis bien entourée, de gens que j’adore. Je ne traîne pas des pieds. J’adore mon ingé-son, Perceval. Tout est drôle, tous les concerts, j’essaie de faire rire. Mon régisseur, pareil, ma manageuse, tout le monde. Tous les matins je me dis que j’ai la chance de faire ce que je fais, avec ces gens-là. Verbaliser surtout.

Il y a eu ce stress quand je suis tombée malade et que j’ai su que je devrais annuler une date, que les gens seraient tristes et moi aussi. C’était ma première pensée, sans m’autoriser à être malade. Je me suis dit « Attention ». Nous sommes des corps performants et performatifs dans cette société. Attention à s’autoriser le repos. Avec ma manageuse, on dit « Chi va piano, va sano e va lontano ».  Je veux faire ça jusqu’à mes cent ans, je veux le faire jusqu’à « the day that I die »! (rires)

C’est aussi la façon dont on consomme la musique qui laisse l’impression qu’on est toujours en retard sur tout. Je sors beaucoup de covers et je vais mettre très longtemps pour sortir mes morceaux à moi. J’aime bien cette double vitesse, ça doit toujours être dans l’idée du plaisir. 

PAN M 360 : Concernant le fait d’être une femme, et de produire seule sur un ordinateur, tu en parlais dernièrement dans tes stories sur Instagram. 

NOVEMBER ULTRA : Oui, je pense qu’il y a plein de femmes musiciennes, de personnes non binaires et de personnes transgenres qui le font, mais on ne se l’autorise pas. On s’en fait tout un monde, mais il y a un apprentissage, comme l’apprentissage de plein de choses. Le nerf de la guerre consiste à mettre un statut sur ces personnes. Si à un moment tu as coproduit ton morceau, tu devrais avoir ce crédit, si tu as réalisé, écrit. Quand j’ai fait ces stories, c’était pour dire, je l’ai fait sur mon album, et beaucoup le font, mais regardez à quel point ce n’est pas valorisé. Je pense qu’il y a un changement. De plus en plus osent dire et demander. 

Une amie qui « prodait » sur Ableton m’a expliqué l’automation. C’était si simple que ça, en fait. J’ai fait Soft & Tender en étant incroyablement débutante. C’est bien aussi, de ne pas savoir utiliser des logiciels. Ne pas avoir été au conservatoire, je ne pense pas que ce soit grave. J’ai fait le conservatoire et j’ai beaucoup de mal à jouer sans lire des partitions. Je voudrais être plus libre. Au contraire, il faut qu’on embrace tout ça. J’ai appris la guitare à l’oreille, et je fais des accords n’importe quoi! (rires) La façon dont je compose est propre à moi, parce que je suis débutante, et c’est OK.

Il faut se donner la place de faire, ne pas attendre d’être expert, c’est faire maintenant, tout de suite. Ce sera une image de notre vie, de notre carrière, à un moment donné. C’est la seule chose que je pourrais dire : faites, sortez, n’ayez honte de rien, demandez vos statuts. « Get your fucking money! » (rires) Parce que l’argent, c’est pour pouvoir vivre, être stable, et faire ce métier longtemps, c’est uniquement pour ça que je le dis.

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