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En 2019, Naya Ali cassait ce qui restait de glace autour d’elle, s’escrimait devant public, récoltait un authentique succès d’estime au sein de la famille hip hop. Du festival Osheaga à M pour Montréal, elle faisait l’unanimité.
Prochaine étape? Dans ce contexte de confinement coronaviral, très propice à l’écoute attentive de la musique, il va sans dire, la rappeuse lance un nouvel enregistrement. Les huit titres de Godspeed : Baptism (Prelude) constituent le premier volet d’un diptyque dont le second est prévu l’automne prochain.
Née en Éthiopie, Sarah « Naya » Ali a immigré avec sa famille au Québec, alors toute petite. Elle y vit toujours et peut compter sur une culture composite, riche et diversifiée. Conformément aux règles de la Loi 101, elle a fait l’école primaire et secondaire en français, puis elle a poursuivi en anglais ses études collégiales et universitaires. Elle parle aujourd’hui quatre langues (français, anglais, amharique et espagnol) et est diplômée des universités Concordia et McGill.
« Avant de changer ma vie en revenant à la musique, relate-t-elle, j’ai travaillé en marketing au sein de petites entreprises. La musique était toujours une passion mais je ne savais plus si j’en ferais ma priorité. Pour moi, la musique est aussi un médium au-delà de la stricte création, elle permet d’induire des mouvements utiles aux communautés. La musique est à la fois fondement artistique et moyen d’expression. »
Naya Ali s’est découvert des sensibilités artistiques dès l’adolescence, de la poésie au hip hop.
« J’ai commencé d’abord à écrire de la poésie, j’ai commencé le rap vers l’âge de 18 ans. J’en ai fait activement jusqu’à 23 ans, puis je me suis arrêtée. Pourquoi? Je ne me connaissais pas à 100 % en tant qu’artiste. J’avais cumulé beaucoup d’influences, mais je sentais que la musique que je créais, ce n’était pas moi. J’ai alors choisi un chemin plus sûr professionnellement, je me suis concentrée sur mes études en relations publiques et une carrière en marketing. »
Chassez le naturel, il revient au galop! N’empêche… Plonger dans la culture hip hop au tournant de la trentaine, pas évident.
« Il n’est jamais trop tard, pense Naya Ali. Les choses doivent se faire au moment opportun. Si je m’étais lancée dans le rap au début de la vingtaine, je n’aurais sûrement pas obtenu le résultat que j’obtiens actuellement. Lorsque, quelques années plus tard, j’ai pris cette décision importante, les choses ont évolué très rapidement. »
Force est de déduire que l’expérience sert la rappeuse.
« Mes études, mes expériences de vie, mon côté business, tout ça joue aussi un rôle crucial dans mon cheminement en tant qu’artiste. J’ai une équipe, j’ai un manager, j’ai un contrat d’enregistrement chez Coyote, je suis très impliquée dans tous les aspects de mon projet. Pour moi, cette carrière est une petite entreprise, c’est une startup dont je suis chef de direction. Je dois m’assurer que ma marque soit respectée. »
Et quelle est la marque de Naya Ali, au juste ?
« Je m’inspire de Kanye West à ce titre : je veux que ma musique insuffle la confiance aux gens tout en leur changeant les idées. Ma musique a pour objet d’ouvrir le dialogue, initier des conversations, promouvoir l’introspection et la réflexion, inciter quiconque à devenir le « gérant de son univers ». Je le fais à la fois dans l’humilité et la confiance. »
En studio, elle travaille avec Kevin Figs, Chase.wav, Tim Buron, Banx & Ranx
« Ce sont des producteurs très forts, tous de Montréal mais qui travaillent aussi à l’étranger. Je m’assoie avec chacun d’eux, on lance des idées, on imagine des mélodies, des accroches, on crée ensemble chaque chanson. En spectacle, je suis accompagnée par DJ John Brown, aussi très talentueux. Il s’assure que la vibe reste toujours forte, on a une belle dynamique lui et moi. »
Notre interviewée est opiniâtre, sûre de ses moyens, s’inscrit dans le sillon de ses influences les plus fortes. Plus précisément, elle s’est éduquée à l’écoute de Kanye West, Jay-Z, Kid Cudi, Eve ou Lauryn Hill, pour ne nommer que ces stars du hip hop et de la soul. Il lui importe de mettre son grain de sel dans la grande mouvance hip hop, vaste programme en soi.
Influences africaines? Éthiopiennes? Lointaines. Au programme de Naya Ali, pas d’échantillons ou de citations de Mulatu Astatke, Gétatchèw Mèkurya et autres Mahmoud Ahmed. Et alors?
« L’Éthiopie devient un marché très important, convient-elle. Je suis issue de la diaspora, j’y suis intéressée, c’est certain. Je m’y attaquerai, mais à pas court terme. Quand je donnerai mes premiers spectacles en Afrique, en tout cas, ce sera pour moi un grand moment ! Pour l’instant, je fais la musique que j’aime et je ne suis aucunement opposée à intégrer les musiques africaines dans la mienne. Ce n’est pas une obligation mais dans l’avenir je pourrais passer à l’action. La pochette de l’album, cependant, comporte des influences de l’Éthiopie; on peut y voir cette croix sur fond doré qu’on peut voir là-bas dans les cérémonies et lieux de culte. Voilà un hommage à mes racines. »
Le titre de l’enregistrement évoque ce nouveau départ de Naya Ali.
« Dans Godspeed : Baptism, conclut-elle, c’est moi qui se mets en scène, en train de se chercher, de trouver sa force. Je crois avoir puisé ces ressources au fond de moi et j’amorce ce nouveau chapitre de ma vie en rappelant ce que ça m’a pris pour en arriver là. C’est la lumière, l’espoir, la force mentale acquise, les ondes positives. Mais c’est aussi la pression, l’anxiété, les émotions négatives induites par cette profession. Ce n’est plus une question de percer ou non, c’est chose faite. Je dois maintenant faire face à la pression quotidienne et user des meilleures stratégies pour assurer ma croissance.
« Et rester forte. »