MUTEK 2024 | POLE de retour à MTL, 25 ans après le glitch

Entrevue réalisée par Alain Brunet
Genres et styles : dub / électronique / glitch / jazz

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Lorsque MUTEK a été fondé il y a 25 ans après avoir incubé à l’Ex-Centris dans le contexte du Media Lounge, le glitch était un genre dominant de la scène électronique expérimentale. Le glitch prenait alors sa source formelle dans une déconstruction volontaire de la musique dub via de brusques augmentations de tension. Issue des failles de fonctionnement de la lutherie électronique mise à contribution, l’esthétique glitch se caractérisait par l’intégration créative de  défauts sonores apparents. L’Allemand Stefan Betke alias POLE, était alors un leader affirmé et reconnu de cette esthétique. Au cours des derniers 25 ans, POLE a été souvent invité dans les différentes déclinaisons de MUTEK, le voilà de retour à MTL pour commémorer le quart de siècle de MUTEK, à l’instar d’un style qu’il a mis au point à l’époque. C’est pour quoi PAN M 360 l’a joint en tournée.

PAN M 360 : Vous avez été un artiste phare de MUTEK au cours des premières années de l’événement, après quoi vous avez suivi votre chemin sur le circuit international. Comment votre art a-t-il évolué au cours des années qui suivirent?

Stefan Betke: Il y a eu pas mal de sorties entre la trilogie 1-2-3 (2000) et aujourd’hui. Lorsqu’on écoute tous ces enregistrements, j’ose espérer qu’on entende le développement naturel de mon langage musical. Je n’ai jamais jamais abandonné la basse, l’esthétique dub, l’aménagement de l’espace, les effets texturaux, tout ça. J’ai toujours ajouté de nouveaux vocabulaire au langage que j’avais déjà créé auparavant.

PAN M 360 : De manière plus générale, que reste-t-il de la tendance glitch, que peut-on en tirer aujourd’hui?

Stefan Betke : On s’entend pour dire que si nous ne creusons qu’un seul détail de notre vie créative, cela peut être ennuyeux. Il faut changer.

PAN M 360 : Mais en même temps, c’était un mouvement très important. Qu’en est-il resté ?

Stefan Betke : Plusieurs artistes ont été impliqués durant cette période, au-delà de la musique, artistes visuels, écrivains, intellectuels, etc. On se souvient de ces artistes, Oval, Microstoria, Jan Jelinek, Burnt Friedman, Carsten Nicolai, moi-même, etc. D’autres sont restés dans l’ombre, certains ont évolué les labels Mille Plateaux et Scape, importants à l’époque. C’était une esthétique imaginée entre 1995 et 1998, et qui a atteint son apogée en 1999 et 2000. Au début des années 2000, tout avait été dit, il n’y avait plus rien à rajouter.

PAN M 360 : Néanmoins, les découvertes du glitch sont sont toujours présentes.

Stefan Bekte : Notre influence est perceptible dans de nombreuses musiques des 25 dernières années. Le dubstep, par exemple, a été influencé par ces artistes dont moi-même. D’autres genres font encore référence à la musique que nous faisions à l’époque. Or, nous existons toujours et nous sommes ailleurs, c’est-à-dire que nous avons tous évolué et la plupart d’entre nous faisons encore de la musique intéressante.

PAN M 360 : Les formes originelles sont toujours là dans votre musique d’aujourd’hui mais les composantes mélodiques et harmoniques ressortent davantage. Les influences jazz sont plus évidentes, par exemple.

Stefan Bekte : Il faut rappeler que j’ai commencé avec la musique classique et le jazz. Ces éléments étaient là dans ma période glitch, mais étaient tellement déconstruites et réduites à leurs formes les plus minimales, qu’il était alors difficile de les reconnaître. Et maintenant, au cours des 25 dernières années, ces influences ont été davantage mises en relief., notamment sur les enregistrements ayant précédé Tempus, comme Fading, Con-Struct ou Wald.

PAN M 360 : Vous avez aussi joué en groupe à cette époque. La musique jouée en temps réel vous intéressait déjà?

Stefan Bekte : J’ai toujours fait cela. Entre 2000 et 2007, je tournais avec mon groupe, un trio, basse, batterie et gear électronique. Ce trio avait d’ailleurs joué à Mutek Mexico et Mutek Montréal.

PAN M 360 : Votre éducatio musicale originelle émerge plus clairement aujourd’hui, mais vous n’abandonnez pas ce que vous avez accompli électroniquement.

Stefan Bekte : Je ne le ferais jamais. C’est toujours en moi, ça doit rester en moi, il faut cependant en transformer le contexte. Parfois, cela fonctionne bien, parfois non, composer de la musique comporte une part de risque. C’est, de toute façon, un grand avantage de pouvoir le faire, vous pouvez intégrer les éléments anciens dans un nouveau contexte et les ouvrir à un public différent.

PAN M 360 : C’est l’expérience d’une vie, un très long processus de raffinement. Et dimanche, que présentez-vous sur scène ?

Stefan Bekte : Je vais jouer la musique de l’album Tempus et aussi d’autres morceaux. Ce set solo sera typique de mon travail. Il y aura beaucoup de surimpressions de sons, j’userai de différentes technologies récentes, analogiques et numériques.

PAN M 360 : Bien sûr, il y aura une différence entre les enregistrement originels et ce qui se passera sur scène.

Stefan Bekte : Il y a toujours une différence entre le studio et le live. Bien sûr la musique est fondée sur l’enregistrement, la composition reste la même. Mais elle peut s’avérer un peu plus agressive sur scène, un peu plus dubby. En fait, l’angle d’attaque dépend de l’humeur perceptible dans la salle.

PAN M 360 : Et y a-t-il de l’espace pour l’improvisation?

Stefan Bekte : Oui bien sûr ! J’improvise au-dessus de boucles enregistrées en temps réel. Je peux ajouter des effets sonores, de la réverbération par exemple. Je peux rendre mes pièces plus ambient en en retirant le beat ou encore plus dynamiques en ajoutant des choses. Tout dépend du contexte vécu en temps réel, je prends alors différentes décisions sur place.


PAN M 360 : À votre âge, soit 57 ans, tournez-vous encore beaucoup?

Stefan Bekte : Oui, je tourne encore mais moins qu’avant la pandémie. Il me faut aussi céder de la place aux générations qui poussent car elles ont besoin de montrer leur travail. Je viens à Montréal dimanche, j’ai un tas d’autres propositions mais… Honnêtement, je ne joue plus autant qu’à l’époque, et je suis plus vieux de 25 ans.

PAN M 360 : Ce n’est peut-être plus le même plaisir de voyager autant...

Stefan Bekte : Non, c’est le même plaisir! Mais il y a un changement de génération et c’est une bonne chose, il n’y a pas de place pour tout le monde, il faut partager.

PAN M 360 : Oui, c’est toujours cet équilibre délicat entre notre rôle d’aînés, notre vie active et le partage avec les jeunes générations, c’est un équilibre difficile à atteindre.

Stefan Bekte : Je suis tout à fait d’accord. A dimanche !

POLE se produit dans le dernier programme de la série NOCURNE, dimanche à la SAT. INFOS ET BILLETS ICI

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