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Orchestroll est un curieux duo de musique électronique ambiante et expérimentale formé par le partenariat musical entre les producteurs Jesse Osborne-Lanthier et Asaël Richard-Robitaille. La musique est tantôt lente et ondulatoire, tantôt maniaque, et toujours imprévisible. C’est un peu comme si vous étiez sur des montagnes russes sans jamais atteindre le sommet ou la chute. Les deux albums du duo – Hyperwide Lustre et Tintinnabulation ChXss (une collaboration avec Feu-St-Antoine au festival Suoni Per Il Popolo) – sont des entités uniques faites pour être explorées en live.
Nous nous sommes entretenus avec le duo Orchestroll avant leur performance à MUTEK, à propos de leurs origines, de leur récente résidence à Stockholm et de leur fascination pour les psychédéliques.
PAN M 360 : Comment Orchestroll a-t-il vu le jour ?
ORCHESTROLL: Par la force des choses. On est bons amis et collaborateurs de longue date. Depuis des années, nous rêvions de créer un projet qui nous appartienne entièrement, sans être soumis aux contraintes ou influences extérieures. Nous voulions un espace d’expérimentation où nous pourrions explorer et développer nos idées les plus intimes, un canevas sur lequel nous pouvions exprimer les affinités, les sujets et les concepts qui nourrissent notre relation artistique et amicale. Orchestroll est également une sorte de projet pluridimensionnel, un espace où nous recyclons des idées musicales esquissées lors de productions pour d’autres artistes, des idées que nous estimions ne pas avoir pleinement exploitées. Ce projet a mûri pendant environ cinq ans avant d’être enfin dévoilé au public.
PAN M 360: Comment s’est déroulée l’expérience de la résidence EMS à Stockholm ?
ORCHESTROLL: L’expérience de la résidence EMS à Stockholm a été brève, mais extrêmement intense et productive. Nous sommes arrivés à Stockholm autour du solstice d’été, pendant le phénomène du soleil de minuit, après un périple d’environ 20 heures. Nos rythmes de sommeil étaient complètement déréglés par la combinaison d’un long voyage et de la lumière incessante du jour qui ne se couche jamais. Nous dormions dans une sorte de grenier, avec peu de protection contre la lumière et les chants d’oiseaux constants, résultant en des journées étranges et interminables au studio. Nous faisions des siestes de quelques heures avant de nous enfermer dans un studio sans fenêtres toute la journée, pour ensuite ressortir « la nuit, » désorientés, et découvrir le soleil toujours brillant comme en plein après-midi. Cela dit, ce cadre a été extrêmement stimulant sur le plan créatif. Nous avons eu la chance de collaborer avec un ami de longue date, l’artiste visuel et musicien « Visio » Nicolas Tirabasso, qui était également en résidence. Nous avons enregistré du matériel pour plusieurs albums en cours de préparation. De plus, nous avons eu l’incroyable opportunité de travailler avec le Halldorophone, un instrument rare qui était au studio EMS depuis un an. Par un heureux hasard, nous sommes arrivés la veille de son départ, ce qui nous a permis de l’utiliser pendant une journée.
PAN M 360: Votre musique a quelque chose de surréaliste et d’hypnotique. Pouvez-vous nous en parler ?
ORCHESTROLL: Nous aimons créer des pièces qui provoquent des états sensoriels intenses, des expériences auxquelles nous aimerions aussi être confrontés en tant que public. Nous sommes attirés par la coexistence d’éléments qui, à première vue, ne devraient pas nécessairement se rencontrer, ce qui crée une sensation de déstabilisation. Certains des moments musicaux les plus intéressants et révélateurs, pour nous en tant qu’auditeurs, sont ceux qui nous ont laissés perplexes quant à leur création, nous poussant à nous interroger sur le comment et le pourquoi d’un tel son ou d’une telle musique. Nous cherchons à recréer ce genre d’expérience pour les autres. Cependant, il est également essentiel pour nous de créer une porte d’entrée à notre musique, un élément qui capte immédiatement l’attention, ce qui peut expliquer le côté hypnotique de nos compositions. Nous voulons que notre musique soit à la fois accrocheuse et profonde, des « earworms » qui s’enracinent et résonnent durablement chez l’auditeur.
PAN M 360: Comment nommez-vous vos chansons ?
ORCHESTROLL: Il existe de nombreuses façons dont nos titres de chansons prennent forme, mais un aspect demeure essentiel : le titre doit évoquer quelque chose de stimulant, en lien direct avec le ressenti spécifique de la pièce. Parfois, c’est narratif, parfois esthétique, descriptif ou même politique, mais c’est toujours empreint de ludisme. Les titres s’inscrivent clairement dans la tradition du ‘’naming convention’’ des albums solo de Jesse; mais cette fois-ci, ils sont peut-être infusés d’une esthétique ou d’un sens partagé entre les deux membres du projet. Nous parlons souvent de worldbuilding, et il est crucial pour nous qu’un certain folklore se dégage, non seulement à travers la musique, mais aussi dans les visuels et le concept global.
PAN M 360: Comment se déroule un concert ? Y a-t-il beaucoup d’improvisation ?
ORCHESTROLL: Les performances live d’Orchestroll sont profondément adaptables, évoluant en fonction du lieu, du matériel disponible, du cadre et du territoire sonore que nous choisissons d’explorer. Nos spectacles ont eu lieu dans une variété d’endroits—des salles de concert, des clubs, des églises, des warehouses, et des galeries—chaque environnement apportant une atmosphère unique à la performance. La nature de nos performances est variée et imprévisible. Certains concerts adoptent une approche électronique, ancrée dans la musique expérimentale ou rythmique et/ou “dance”, tandis que d’autres sont plus improvisés, mettant l’accent sur de l’instrumentation live, les configurations de band, et des éléments rituels. Ces performances impliquent souvent des musiciens invités et sont accompagnées de visuels immersifs et d’une scénographie élaborée. En plus de jouer en duo, nous élargissons souvent notre formation en trio lors de collaborations avec Daniele Guerrini (Heith). Ensemble, nous créons des interprétations hybrides des compositions de Heith et d’Orchestroll, ainsi que des œuvres collaboratives, fusionnant nos sons distincts en quelque chose de difficile à démêler, voire insaisissable.
PAN M 360: Dans quelle mesure l’utilisation de drogues psychédéliques joue-t-elle un rôle dans l’écriture de vos rythmes ? Je pose la question parce que l’album Tintinnabulation ChXss avec Feu St-Antoine a été pressé sur des feuilles de LSD ?
ORCHESTROLL: Nous ne sommes pas étrangers aux drogues psychédéliques, et ce serait mentir de prétendre que nos perceptions et notre appréciation de la musique n’ont pas été influencées ou transformées par des expériences psychotropes. Ces expériences ont indéniablement élargi notre compréhension de la musique, nous ouvrant à des dimensions sonores et émotionnelles autrement inaccessibles. Lorsque nous composons, nous le faisons généralement dans un état de sobriété ou un peu stoned. Notre objectif est souvent d’atteindre ou de recréer cet état de conscience élargie, non pas par l’usage direct de substances, mais par la puissance évocatrice du son lui-même.
Nous voyons la musique comme un véhicule capable de transporter l’auditeur vers ces états altérés de manière naturelle, en jouant sur les textures, les rythmes et les ambiances. L’album Tintinnabulation ChXss, est en quelque sorte un clin d’œil à ces influences, mais aussi une manière de célébrer le potentiel transformatif de l’art sonore. On cherche à créer des compositions qui, même sans drogues, puissent évoquer cette sensation de transcendance, où la musique devient un pont vers des mondes intérieurs inexplorés.
Orchestroll plays live during MUTEK’s Nocturne 5 – TICKETS HERE