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Sara Berts, compositrice et designer sonore de Turin, utilise le synthétiseur Buchla afin de compléter et traiter des enregistrements de terrain effectués en pleine nature. Après avoir étudié l’ingénierie du son à l’Institut SAE de Milan, elle a participé à de nombreux projets artistiques, organisations et festivals, dont le Club2Club Festival, Primavera Sound et Elementi, pour n’en citer que quelques-uns.
Ainsi, Sara Berts combine les enregistrements de terrain et la synthèse, à la recherche d’un espace sonore intermédiaire entre les sons générés naturellement et le célèbre synthétiseur semi-modulaire de feu le pionnier Donald Buchla.
PAN M 360 : C’est la première fois que vous venez à MUTEK ?
Sara Berts : Oui, c’est ma première fois à MUTEK et ma deuxième à Montréal – je suis juste venue en touriste pour rendre visite à des amis.
PAN M 360 : Votre processus créatif est très intéressant. Il commence par des études d’électroacoustique et aboutit à des enregistrements sur le terrain. Pouvez-vous l’expliquer ?
Sara Berts : Mon processus créatif est fortement influencé par la nature. J’ai passé du temps isolée dans la nature, c’est en quelque sorte une pratique pour moi, similaire à la méditation ou au yoga. Cela s’est produit pour la première fois lorsque j’étais au Pérou, dans la forêt amazonienne. Cette expérience m’a conduite à la composition de mon premier EP, sorti en 2021, composé d’enregistrements de terrain provenant de l’Amazonie et d’un synthétiseur semi-modulaire Buchla, qui est le principal instrument que j’utilise.
Et le deuxième EP, qui est sorti en septembre 2022, a également été influencé par une longue période d’isolement dans la forêt environnante, à côté de ma maison à Turin, dans le nord de l’Italie. C’est arrivé pendant la pandémie, lorsque la ville a perdu tout son pouvoir d’attraction (pas de concerts, pas de théâtre, pas de cinéma, pas de restaurants).J’ai donc passé beaucoup de temps dans les bois près de ma maison à Turin. Et chaque fois que je passe du temps dans la nature, c’est comme si la qualité de ma présence s’améliore. J’ai l’impression que les plantes, les insectes et les oiseaux m’invitent en quelque sorte à me joindre à ma musique. Il s’agit donc d’une sorte d’invitation provenant du son de la nature, mais pas seulement du son des animaux, mais aussi des mouvements des animaux et de la végétation.J’aime transposer cela dans le son.
PAN M 360 : Il y a quelques producteurs électroniques ou compositeurs électroacoustiques qui enregistrent des sons dans la nature. Avez-vous l’impression de faire partie d’une communauté ?
Sara Berts :Bien sûr, il existe une communauté de personnes créatives qui partagent la même inspiration.De nombreux musiciens croient en cette beauté et en sa musicalité.Par exemple, j’ai entendu parler d’un artiste coréen nommé Kohui. Alors oui, il y a vraiment un mouvement d’artistes rompus à l’enregistrement du paysage sonore naturel.
PAN M 360 : Pouvez-vous nous dire pourquoi vous utilisez le synthétiseur Buchla ?
Sara Berts : C’est un synthétiseur unique et assez emblématique, car il a été conçu par le physicien Don Buchla, qui était le maître de la synthèse sonore de la côte ouest. C’est un instrument très imprévisible, il possède une gamme de tensions aléatoires. D’une certaine manière, il faut passer du temps avec l’instrument et se connecter avec lui, j’ai parfois l’impression qu’il a sa propre volonté ! Pendant la pandémie, j’ai passé beaucoup de temps avec cet instrument, qui m’a beaucoup aidé à faire face au stress de l’isolement.
PAN M 360 : Et que faites-vous avec vos enregistrements de terrain ? Comment procédez-vous après avoir trouvé des sons dans la nature ? Comment filtrez-vous ces sons ?
Sara Berts : Je ne filtre pas beaucoup ces enregistrements de terrain, je les égalise juste pour pouvoir enlever les fréquences qui posent problème ou qui ne sont pas intéressantes d’un point de vue esthétique. Mais la plupart du temps, je laisse les enregistrements de terrain tels quels. Je ne les modifie donc pas tellement.
PAN M 360 : Ces sons sont en quelque sorte des citations de la nature.
Sara Berts : Oui. Lorsque j’entends un paysage sonore naturel, je peux déjà ressentir la musicalité du son. Puis je rentre chez moi, je commence à écouter les enregistrements sur le terrain et je commence à les égaliser. D’une certaine manière, c’est une invitation de l’environnement sonore et aussi après une autre invitation du synthétiseur Buchla. C’est comme si j’avais une jam session avec un paysage sonore naturel !
PAN M 360 : Et qu’ajoutez-vous avec votre Buchla ?
Sara Berts : Je peux ajouter des couches sonores du synthétiseur, je peux aussi mélanger et jouer avec le volume des enregistrements effectués sur le terrain. Parfois, ça devient plus fort, parfois le synthétiseur devient le personnage principal ou la voix principale.C’est donc plus un processus de mixage que d’édition.
PAN M 360 : Et lorsque vous jouez de cette musique, votre set live est-il une sorte de reproduction de ce que vous avez enregistré ?
Sara Berts : Il y a quelques clips sonores que je peux lancer en temps réel avec Ableton Live, puis je joue en direct quelques couches du synthé Buchla sur ces enregistrements de terrain.
PAN M 360 : Quel est donc le prochain paysage sonore que vous allez explorer ?
Sara Berts : Pour le prochain projet, il y aura certainement des éléments naturels dans le prochain album, sur lequel je travaille en ce moment. Mais je vais expérimenter et, cette fois, je trouve très intéressant de travailler avec la voix et avec mon chant.J’ai commencé à explorer le chant il y a un an, ce sera un nouvel élément qui n’était pas présent dans l’EP précédent. Je vais également expérimenter des rythmes nouveaux. Ce ne sera donc pas seulement mélodique et downtempo comme ça l’est en ce moment, il y aura aussi de la batterie et des pistes plus musclées rythmiquement.
PAN M 360 : Utiliserez-vous la voix humaine et de nouveaux rythmes lors du concert de Montréal ?
Sara Berts :Non, j’interpréterai mes projets précédents.
PAN M 360 : Et puis vous reviendrez avec le nouveau matériel !
Sara Berts : Oui, je l’espère !
SARA BERTS SE PRODUIT À MUTEK, SAMEDI, 17H, ESPLANADE TRANQUILLE