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Jean-François Lemieux a plusieurs cordes à sa basse, comme on dit. Cet homme est l’archétype du musicien occupé, jouant d’une main, composant, arrangeant ou réalisant de l’autre. « Sans calme et sans repos jamais », comme le chantait Daniel Bélanger, avec qui Jean-François a longtemps collaboré? Ou alors un peu, tout de même, question de mener à bien – et de front – toutes ces entreprises? Vous l’avez sans doute jadis vu et entendu avec et Jean Leloup et une multitude d’autres, à l’émission Belle et Bum ainsi que chez Basta, Cargo Culte et, plus récemment, Afrikana Soul Sister. Ce trio fraternel est né d’une rencontre avec la chanteuse Djely Tapa et le percussionniste Fa Cissokho, respectivement d’origine malienne et sénégalaise. Pan M 360 s’est entretenu avec l’homme à la blonde houppe, avant la prestation d’Afrikana Soul Sister au festival Mundial Montréal.
Pan M 360 : Bonjour Jean-François! Après avoir reçu le JUNO du meilleur album « Musique mondiale » pour Kalasö, en mai dernier, vous avez reçu le Félix du meilleur album « Musiques du monde », la semaine dernière. Félicitations à Tapa, à Fa et à toi!
J.-F. Lemieux : Merci! Je ne suis pas très « trophées », mais c’est quand même une belle reconnaissance du milieu. Le JUNO, ça m’a étonné toutefois, il y avait Alex Cuba en lice également. Et je croyais qu’il y avait un critère « quantité d’albums vendus », comme à l’ADSIQ, mais non. Puis, Afrikana Soul Sister c’est Tapa, Fa et moi, mais aussi toute la grande famille musicale africano-québécoise qui nous entoure. Parce que la mission du groupe, c’est un rapprochement entre ces deux mondes. Mon premier contact avec la musique africaine avait été de jouer avec Youssou N’Dour…
Pan M 360 : Tu y étais allé fort, comme premier contact!
J.-F. Lemieux : Oui pas mal! J’avais notamment fait des remix pour lui. Ensuite, je m’étais dit que je ferais un voyage en Afrique… mais à Montréal. Parce que je savais que beaucoup de musiciens d’origine africaine y vivent. C’est comme ça, donc, que j’ai rencontré Fa et Tapa. « Nous sommes tous ensemble », comme ils le disent si bien.
Pan M 360 : Pour revenir aux prix, est-ce que tu crois qu’ils ont influé sur le nombre d’écoutes de l’album?
J.-F. Lemieux : Peut-être un peu, mais pas tant que ça. Ça peut aider pour les spectacles, toutefois. Et pour le financement.
Pan M 360 : Kalasö signifie « Nous irons tous en classe ». C’est un mot bambara ou wolof? On vous voit devant un tableau noir, autour de pupitres d’écoliers, sur la pochette. Est-ce un souhait d’éducation universelle?
J.-F. Lemieux : C’est en bambara. Oui, l’apprentissage a toujours été la clé pour moi. Je gagne ma vie comme musicien depuis plus de 30 ans et je constate qu’il y a deux volets à l’apprentissage : dans le premier, on apprend la musique comme art, puis dans le deuxième on apprend à connaître l’autre. Cette connaissance importe, car elle élimine les barrières de races et favorise les rapprochements. Le racisme relève souvent d’un manque d’éducation. Bref, ma rencontre avec Tapa et Fa a été très enrichissante. C’était ça ma quête, en fait. J’ai toujours fait les choses à ma manière et cette démarche m’apparaissait comme spirituelle, en quelque sorte.
Pan M 360 : On constate que c’est réussi, musicalement et, sans doute, humainement aussi!
J.-F. Lemieux : Encore plus humainement, je dirais! Mais oui, la musique est incroyable, on a hâte de jouer au Mundial, ça fait un p’tit bout qu’on a joué ensemble. Avec les années, avec le niveau de compréhension qu’on a atteint, on est comme à la maison. Et en même temps c’est toujours surprenant, musicalement!
Pan M 360 : Justement, quel est le mode opératoire d’Afrikana Soul Sister pour créer des pièces? Qu’est-ce qui vient en premier, en général? Le texte, le rythme, l’ossature électronique?
J.-F. Lemieux : D’habitude, j’arrive avec une bonne maquette. Je fais tout moi-même. Puis je donne la musique à Tapa, on échange un peu, puis elle écrit le texte. L’album Kalasö a été créé durant la pandémie. J’en ai fait environ 70 % dans mon appartement, ensuite Tapa a fait les textes. Ensuite, on a enregistré les pistes, un musicien à la fois. La batterie, les percussions, puis des arrangements de cordes. Ça, c’est intéressant, on va essayer de faire plus d’hybridation avec la musique classique.
Pan M 360 : Je me demandais si les violons et la kora qu’en entend parfois sont joués ou créés synthétiquement? Votre musique comporte des éléments concrets et électroniques qui s’imbriquent parfaitement. À tel point qu’on peut s’amuser à tenter de distinguer, dans les percussions par exemple, ce qui est naturel et ce qui est synthétique.
J.-F. Lemieux : Le violon, la kora, le balafon, tous ces sons ont été créés naturellement. C’est Zal Sissokho qui a joué de la kora. Il y a aussi le guitariste Assane Seck, Adama Daou qui joue du balafon, Alain Bergé à la batterie et plusieurs autres. Quand je parle de famille musicale, c’est ça! Ça fait une vingtaine d’années que je songe à hybrider la musique mandingue – qui est très complexe – et la musique classique. J’aimerais développer cet aspect, peut-être en format DJ et quatuor à cordes. J’aime réunir ces trois mondes : musique classique, électro et musique traditionnelle d’Afrique de l’Ouest.
Pan M 360 : Vous avez joué dans une tonne de festivals au Québec et en Ontario. Est-ce que vous envisagez une tournée qui vous amènerait en Afrique de l’Ouest?
J.-F. Lemieux : On aimerait ça, c’est sûr! On rêve d’aller jouer là-bas, on le fera sûrement un jour. Par contre, mon boulot principal c’est de réaliser des albums. Je compose aussi pour d’autres, donc il faudra concilier tout ça. Toutes nos occupations, en fait, parce que Tapa a sa carrière solo, Fa a d’autres projets aussi.
Pan M 360 : Merci, Jean-François, on a très hâte de vous voir et de vous entendre au Lion d’Or pour Mundial Montréal, mardi!
Photo d’Afrikana Soul Sister : Chloé McNeil.
AFRIKANA SOUL SISTER SE PRODUIT AU LION D’OR LE MARDI 15 NOVEMBRE, À L’OCCASION DU FESTIVAL MUNDIAL MONTRÉAL, AVEC GROOVE&, NOHE Y SUS SANTOS ET BAB L’BLUZ. INFO ET BILLETS ICI!