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Huu Bac Quach est un musicien on ne peut plus représentatif de cet éclectisme ouvert en musique, vertu cardinale chez tant d’artistes évoluant dans la métropole québécoise. Dans le contexte de Mundial Montréal, il incarne fort bien cette mouvance et en fera la démonstration avec son quintette.
Guitariste hard rock / métal à l’adolescence, il est devenu tour à tour guitariste de jazz, puis multi-instrumentiste et compositeur féru de culture sino-vietnamienne mais aussi afro-péruvienne, africaine de l’Ouest, hindoustanie et plus encore. Du Vietnam où il est venu tout bébé avec ses parents émigrés de la guerre, Huu Bac a grandi à Valleyfield avant d’entreprendre un périple incessant à travers les musiques occidentales, orientales et tropicales.
PAN M 360 : Vous êtes d’origine vietnamienne et votre nom de famille Quach, évidemment, s’est fait connaître au Québec depuis la pandémie, évidemment grâce à cette femme billante qu’est la Dre. Caroline Quach.
Huu Bac : D’ailleurs, j’ai rencontré Dre. Quach lors d’un concert , l’année dernière, et puis l’ai remerciée pour cette raison : depuis qu’elle est régulièrement présente dans les médias, tout le monde sait comment prononcer le nom de notre famille. Elle a trouvé ça très drôle! Il faut aussi savoir que tous les Quach savent parler un dialecte chinois.
PAN M 360 : Des Quach ont migré au Vietnam donc,
Huu Bac : Tous les Quach parlent le même dialecte chinois de Chaozhou, une ville située dans le sud de la Chine.
PAN M 360 : Et donc il y a eu une migration vers le Vietnam.
Huu Bac : Exactement. En fait, le mot Quach, c’est la vietnamisation du nom chinois d’origine – Guo .
PAN M 360 : Votre accent québécois indique que vous avez grandi ici, n’est-ce pas?
Huu Bac : Je suis né au Vietnam et je fais partie de la vague de réfugiés au début des années 80. J’étais bébé. Quand je suis arrivé au Québec, j’avais deux ans. Et la raison pour laquelle j’ai un accent québécois plus prononcé peut- être que beaucoup de Vietnamiens, c’est que j’ai grandi à Valleyfield jusqu’à l’âge de 18 ans.
PAN M 360 : Cela dit, vous êtes soucieux de témoigner de la culture de vos parents et de vos aïeux dans votre musique Vous jouez le đàn bầu vietnamien et l’erhu chinois, ces sonorités sont présentes dans votre musique, aussi marquée par le jazz.
Huu Bac : Oui, j’ai eu ma période de retour aux sources, début vingtaine. Jusque là, soit à 23 ans, je ne faisais que de la guitare et je pensais être guitariste pour toute la vie. Puis j’ai fait mon premier retour au Vietnam. J’ai toujours entendu ces sons-là à la maison et surtout le son monocorde vietnamien, parce que ma mère écoute la musique traditionnelle à la maison, mais je n’ai jamais vu quelqu’un jouer.
Sur un bateau au Vietnam, j’ai vu quelqu’un jouer le đàn bầu, un instrument tellement particulier qu’il y a seulement une corde et on le joue avec la tension. Dans le monde, il n’y a pas beaucoup d’autres instruments qui ont cette façon de faire sortir le son. Ça frappe quand on voit quelqu’un jouer ça, j’ai été complètement mystifié.
Quand je suis rentré j’ai trouvé Pham Duc Thanh, un professeur et à ma grande surprise un des plus grands maîtres de l’instrument, vivait alors à Montréal. J’ai appris avec lui les cinq dernières années qu’il vivait au Québec – il est retourné depuis au Vietnam.
PAN M 360 : Lorsqu’on va sur votre page Bandcamp, on observe que vous jouez aussi des instruments qui ne sont pas d’origine asiatique.
Huu Bac : Je dirais que maintenant, ce ne sont pas seulement mes racines asiatiques qui me sont importantes à exprimer, c’est tout ce qui passe sur mon chemin. Parce qu’il y a aussi beaucoup d’influences d’Amérique du Sud, surtout du Pérou. Dans la musique, il y a des rythmes afro- péruviens, des rythmes afro-latins. Par exemple, je joue la quena que j’ai apprise au Pérou. Et puis, ces dernières années, je me suis également concentré sur d’autres rythmes d’Afrique. Et puis, encore plus récemment la musique indienne du Nord (hindoustanie) aussi.
PAN M 360 : Vous vous intéressez à toutes les musiques, en somme! Vous êtes multi-instrumentiste. Ce n’est pas votre objectif d’être un virtuose, vous êtes plutôt désireux de faire découvrir une instrumentation atypique. En tant qu ‘improvisateur et compositeur, si je comprends bien.
Huu Bac : Exactement. Ma force se trouve plus dans la composition, car j’arrive à lier plusieurs cultures. J’aime dire que je les fais dialoguer. Voilà, j’ai appris le đàn bầu, après ça j’ai appris le violon en Suisse. Et puis après, j’ai fait un an au Conservatoire de Shanghai et puis je suis revenu au Québec.
J’ai commencé à être actif sur la scène des musiques du monde entre autres le défunt festival Musiques Multi Montréal. En 2006, j’y ai joué avec un compositeur péruvien, Lucho Quequezana, aujourd’hui très connu au Pérou. On a fait trois concerts ensemble et il y a eu une très bonne chimie entre nous, au point qu’il m’a invité plusieurs fois à jouer au Pérou, d’où mon apprentissage de la quena et de tous les rythmes afro-péruviens que j’intègre désormais dans mes compositions. J’avais fait la même chose avec mes profs vietnamien et chinois.
PAN M 360: Ce déferlement stylistique ne finit donc jamais ?!
Huu Bac : Quoique…après quelques années, en 2011, je me suis senti fatigué de toujours changer de chapeau. Il n’y avait pas de projet dans lequel je sentais que je m’exprimais à 100 %. Alors j’ai commencé à faire mes compositions, monter un groupe et faire dialoguer toutes ces cultures, incluant le jazz et même le rock de mon adolescence, Pantera, Metallica, Rage Against the Machine, etc.. Il y a un petit peu de ça aussi qui passe dans quelques propositions aussi, un petit peu de rock. Le but, c’est juste de m’exprimer totalement.
PAN M 360 : Il y a aussi le jazz qui chapeaute tout ça, vous ne faites pas exactement dans le folklore ni dans la pop.
Huu Bac : Oui. J’ai quand même grandi au Québec et je me sens très nord- américain. Mon éducation musicale académique est jazz, j’ai étudié cette musique jusqu’à l’université. Ça reste donc une base pour moi où je suis à l’aise, que j’aime beaucoup. Je suis nord- américain de culture, et il y a toujours ces influences qui viennent de partout.
Et puis je trouve qu’il y a quelque chose de très montréalais aussi dans ce que je suis. Je suis un produit de Montréal , et mon développement général de compositeur, ça passe beaucoup par l’ouverture montréalaise – d’ailleurs, mes professeurs d’instruments asiatiques étaient à Montréal même si je me suis perfectionné en Asie.
PAN M 360 : Et que présentez-vous jeudi à Mundial Montréal ?
Huu Bac : On présentera surtout des compositions de mon deuxième album dont la sortie est prévue au printemps 2024. La musique du nord de l’Inde (hindoustanie) y sera présente, Il y aura quelques rythmes d’Afrique aussi, notamment de la Guinée équatoriale. Et il y a toujours l’influence des sonorités vietnamiennes, chinoises et péruviennes. On va essayer de présenter ça en 25 minutes!