renseignements supplémentaires
À l’occasion de MTL au Sommet de la nuit 2023, nous interviewons Will Straw, professeur d’études médiatiques à l’Université McGill, un pionnier des night studies. En tant qu’universitaire dévoué et membre du conseil d’administration de MTL 24/24, Straw nous éclaire sur l’évolution de l’organisation, l’importance des études nocturnes en tant que domaine en plein essor et le contexte historique de la vie nocturne vibrante de Montréal. Rejoignez PAN M 360 pour explorer l’interaction entre la musique, les scènes, les politiques et la vision de l’avenir de la culture nocturne montréalaise.
PAN M 360 : Comment êtes-vous impliqué dans le projet MTL 24/24 ?
Will Straw: J’ai rencontré Mathieu Grondin, le directeur de MTL 24/24, quelques années avant la pandémie. Il savait que j’avais écrit sur la nuit, j’étais donc enthousiaste à l’idée de me joindre à lui et je suis maintenant membre du conseil d’administration. C’est une expérience incroyable d’assister à la croissance de l’organisation, de la production d’événements comme MTL au Sommet de la nuit à la reconnaissance internationale.
PAN M 360: Vous travaillez dans le domaine des night studies (études nocturnes). En quoi cela consiste-t-il ?
Will Straw: La nuit a toujours intéressé les gens depuis qu’elle existe, et il y a eu des livres et des études à son sujet. Cependant, depuis une dizaine d’années, les recherches sur la nuit se sont multipliées dans différentes langues comme l’anglais, le français, l’italien ou l’espagnol, et nous commençons à nous référer les uns aux autres. Les anthropologues se réfèrent aux historiens, qui se réfèrent aux économistes, qui se réfèrent aux sociologues et ainsi de suite, et une communauté s’est développée. Cette année, nous organiserons la troisième conférence internationale sur les études nocturnes. Il s’agit d’un domaine passionnant et relativement nouveau.
PAN M 360: Le domaine des études nocturnes est-il bien développé au Canada ?
Will Straw: Il y a des gens au Canada qui travaillent dans ce domaine, en particulier sur la côte ouest. Montréal est devenue une plaque tournante, non seulement parce que j’y vis, mais aussi en raison de la présence d’universitaires à l’Université McGill, à l’Université Concordia et à l’UQAM. Nous collaborons, nous organisons des événements ensemble et nous avons formé une solide communauté d’études nocturnes au Canada.
PAN M 360: Vous vous intéressez également à l’aspect historique de la vie nocturne montréalaise. Peut-on identifier un « âge d’or » de la vie nocturne dans la ville ?
Will Straw : Les gens ont tendance à considérer l’époque précédant leur arrivée comme l’âge d’or. Certains considèrent les années 1940 comme un âge d’or, malgré les problèmes de racisme, de répression policière et de corruption. Les années 1960, avec l’exposition universelle EXPO 67, voient l’expansion des go-go clubs et des discothèques, en particulier autour de la rue Crescent et de la rue Stanley. Dans les années 1970, Montréal est considérée comme la deuxième plus grande ville disco du monde. Il y a eu beaucoup d’âges d’or, et j’espère que nous sommes actuellement dans une période où la vie nocturne est plus ouverte, accessible, équitable, reconnue et tolérée par le gouvernement.
PAN M 360: Quel est le lien entre la musique et la nuit ?
Will Straw: C’est intéressant, et je me suis rendu compte que lorsque je raconte l’histoire de la vie nocturne, je fais référence à la musique et aux boîtes de nuit parce que ce sont les institutions auxquelles nous l’associons généralement. D’autres personnes parleront de l’âge d’or du théâtre montréalais, par exemple, je ne sais pas de quelles années il s’agit, et cela correspondrait à la vie nocturne. D’autres parleront de l’âge d’or des restaurants où l’on danse, etc. Mais vous savez, beaucoup d’entre nous ont tendance à raconter l’histoire sous forme de scènes, ce qui est peut-être dû à nos biais, mais je pense qu’il est vrai aussi que la musique est peut-être la forme la plus reconnue de la vie nocturne.
PAN M 360: En tant que chercheur, vous avez beaucoup étudié les scènes. Comment définiriez-vous une scène ?
Will Straw: Le concept de scène a été utilisé par des journalistes et d’autres, je ne l’ai pas inventé. Une scène fait référence à des organisations sociales informelles. Il ne s’agit pas d’un club formel avec des cartes de membre, mais d’un espace où il y a une association libre et fluide de personnes qui produisent des choses comme de la musique, de la nourriture, etc. mais qui sont aussi engagées dans une sorte de sociabilité, elles traînent ensemble, elles bavardent… alors vous avez une scène. Ceux d’entre nous qui utilisent le terme de scène le préfèrent à quelque chose comme la sous-culture ou quelque chose comme la communauté, qui est peut-être un peu démodé. Il existe toutes sortes de scènes. Je me souviens d’être allé dans des bars et d’avoir vu tous ces professeurs de lycée traîner après le travail, eh bien, c’est une scène. Chaque fois qu’un supplément de sociabilité s’attache à une activité, il s’agit d’une scène.
PAN M 360: L’existence et le développement des scènes sont fortement influencés par le cadre juridique et les politiques. Comment pouvons-nous progresser dans ce domaine ?
Will Straw: Certains disent que Montréal n’a pas de politique en matière de vie nocturne, mais en réalité, il y en a une depuis 100 ans. Cependant, elle a souvent impliqué la fermeture de lieux par la police ou l’acceptation de pots-de-vin. La vie nocturne a toujours été considérée comme un élément à contrôler et à réprimer. Les communautés LGBTQ+ se sont battues pour obtenir le droit de sortir la nuit, et les amateurs de certains genres musicaux ont dû se battre. Pour progresser, nous devons d’abord convaincre la ville que la nuit a une valeur économique en termes de tourisme et de consommation. Nous devons défendre le droit d’occuper la nuit en tant que citoyens. Cela implique d’aborder des questions telles que le bruit et d’assurer la sécurité des personnes qui sortent la nuit, ainsi que d’améliorer l’accès aux transports. La ville devrait considérer que sa responsabilité dans le soutien et l’entretien de la nuit fait partie de ses devoirs envers ses citoyens. Il ne s’agit pas seulement des fêtards, mais aussi des personnes qui travaillent dans les hôpitaux, les boulangeries et les usines qui fonctionnent la nuit.
PAN M 360: Comment MTL 24/24 contribue-t-il à créer une dynamique autour de la vie nocturne montréalaise ?
Will Straw: Des groupes comme MTL 24/24 jouent un rôle crucial dans la création d’une dynamique, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ils rassemblent des personnes qui travaillent dans le secteur de la nuit et qui n’ont souvent pas l’occasion d’entrer en contact les unes avec les autres. En reconnaissant leurs contributions et leur statut, ils créent une présence politique. Deuxièmement, les villes du monde entier reconnaissent l’importance de la vie nocturne et mettent en œuvre des politiques en conséquence. Montréal ne veut pas être à la traîne, d’où la pression extérieure en faveur du changement. La scène locale fait également pression pour que des progrès soient accomplis, ce qui renforce l’élan.
PAN M 360: Si vous pouviez faire un vœu pour l’avenir de la vie nocturne à Montréal, quel serait-il ?
Will Straw: En tant que personne plus âgée, je n’ai peut-être pas envie de danser jusqu’à 7 heures du matin, mais j’aimerais qu’il y ait des améliorations. Mon souhait serait d’avoir des options de restauration tardives abordables pour les personnes qui travaillent à ces heures-là. En outre, des transports pratiques et fréquents pour rentrer chez soi en toute sécurité au milieu de la nuit seraient bénéfiques.