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Le 24 mai prochain, à la salle Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal, le Philip Glass Ensemble (sans Philip Glass) viendra présenter Explorations in Theater and Film, un panorama des musiques pour la scène et l’écran du célèbre compositeur ‘minimaliste’’, âgé de 86 ans. Pour l’occasion, les mélomanes auront droit à une première : la création canadienne d’une œuvre perdue pendant près de 50 ans et retrouvée en 2017, Music in Eight Parts.
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Nous en avons profité pour parler avec Michael Riesman, fidèle ami et indéfectible défenseur de la musique de Glass. Toutes sortes de sujet sur la table : la pièce miraculée, bien sûr, mais aussi le minimalisme, la musique contemporaine et les dernières nouvelles de Philip. En voici des extraits.
Pan M 360 : Bonjour M. Riesman. Qu’est-ce que cette histoire de partition perdue pendant presque 50 ans, puis retrouvée récemment? Comment est-ce possible à notre époque?
Michael Riesman : Je ne suis pas au courant de tous les détails, mais je pense que, à un moment donné, Philip a dû vendre cette partition pour gagner quelques sous (à l’époque, on parle des années 1960, il devait survivre comme il pouvait), mais n’en avait pas fait de copie. Puis le temps a passé et sa trace a été perdue. Elle a refait surface en 2017 dans une vente aux enchères chez Christie’s! Nous avons demandé la permission d’en faire des photocopies, et voilà qu’elle est maintenant accessible. Nous la jouons donc dans cette tournée Explorations in Theater and Film, et Montréal aura le privilège d’être la première ville au Canada où ce sera joué.
Pan M 360 : Parlez-moi de la pièce elle-même…
Michael Riesman : C’est une pièce dans le style des débuts de Philip. À cette époque, il ne composait pas pour une liste précise d’instruments. Il acceptait d’arranger ses partitions pour peu importe qui voulait bien les jouer! À l’époque, l’une des seule fois lors desquelles elle a été interprétée, il y avait, je pense, un alto, un violoncelle, un saxophone, quelques orgues portatifs, et même un clavinet, comme dans Superstition de Stevie Wonder! Mais en vérité, on peut l’orchestrer de bien des manières. C’est ce que j’ai fait, en souhaitant surtout la moderniser un peu, avec l’accord de Philip.
Pan M 360 : Comment l’avez-vous ‘’modernisée’’, donc?
Michael Riesman : Comme cette pièce a été écrite avant la formation de l’Ensemble, je l’ai immédiatement adaptée pour notre formation précise. J’ai donc ajouté de la voix et des vents, bien sûr. Ça, c’est la première chose. J’ai aussi adapté la musique elle-même de deux façons : d’abord en accélérant le tempo, un peu après la première moitié. Au fil des années, notre ensemble a pris l’habitude de pousser les tempos. Nous étions plus lents au début. Un signe des temps, peut-être. Toujours plus d’énergie. Puis, la deuxième particularité strictement musicale, c’est l’ajout de plus de basse vers les ⅔ de l’oeuvre et l’arrivée de teintes jazzy. C’est de cette manière que j’ai envisagé la mise à jour de Music in Eight Parts, une pièce qui, de toute façon, n’a jamais été imaginée pour être jouée d’une seule et même façon, c’est-à-dire la première.
Pan M 360 : Vous avez donc pris beaucoup de liberté?
Michael Riesman : Oui, en effet. Je me sens tout à fait libre de le faire, car il y a quelques années, j’ai fait la même chose pour un concert avec Music with Changing Parts, à la demande de Philip lui-même. Nous y avons ajouté des cuivres, un chœur de jeunes filles, et plein d’autres choses. Philip est entièrement d’accord. Il n’a jamais voulu que sa musique devienne figée. Pour Music in Eight Parts, il a entendu la version que nous allons jouer à Montréal, et il aime ça.
Pan M 360 : Vous êtes en contact régulier avec lui?
Michael Riesman : Je l’ai vu hier soir! (L’entrevue a eu lieu le vendredi 12 mai 2023 – NDLR) Nous sommes allé à un concert de la musique de William Bolcom, jouée par Dennis Russel Davies
Pan M 360 : Vous êtes bien placé pour nous dire ce qui a le plus changé dans sa musique alors…
Michael Riesman : Il a commencé en dénudant au maximum la musique. Ces premières pièces sont d’un minimalisme radical, et rarement jouées. L’une d’elles est simplement une ligne sonore, un drone sans aucune ornementation, aucun rythme, rien. Aujourd’hui, ses œuvres n’ont plus rien à voir avec le minimalisme! Ce fut un processus vous savez. Après le radicalisme initial, où pouvait-il aller? Il a alors commencé à réintroduire le rythme, puis l’harmonie, puis la mélodie, le contrepoint. Mais en conservant toujours sa signature fétiche, les arpèges, les figures rythmiques telles ta-taa ta-ta-taa, etc. C’est comme s’il avait ramené la musique à son point de départ sonore, puis refait le chemin inverse en réintroduisant des éléments ‘’classiques’’ et ‘’romantiques’’.
Pan M 360 : Vous l’avez côtoyé tout ce temps. Pourquoi a-t-il pris ce chemin?
Michael Riesman : Au départ, le mouvement minimaliste (et je peux aussi parler de Steve Reich, ou Terry Riley) était une réaction contre ce qu’ils appelaient le cul-de-sac de l’école moderne européenne, le dodécaphonisme, sérialisme, etc. On perdait l’auditoire! La musique doit être invitante. Toute cette dissonance, cette astringence sonore, où pouvions-nous aller à partir de là? Philip s’est dit ‘’OK, retournons à la base’’. Mais plus loin que la base, ce n’est pas obligatoirement le sous-sol, c’est aussi repartir vers le haut, avec de nouveaux concepts.
Pan M 360 : Après 50 ans, vous avez toujours autant de plaisir à jouer sa musique?
Michael Riesman : Bien sûr! Mais vous savez, ce n’est pas un job à temps plein. Je fais beaucoup d’autres choses. Et on fait rarement des tournées de plus de deux ou trois semaines. Si bien que, quand j’y reviens, je me dis tout le temps ‘’Wow, c’est encore aussi l’fun!’’
Pan M 360 : Est-ce que Philip compose toujours?
Michael Riesman : Il est en train de travailler sur une symphonie no 15, mais ça devient plus difficile pour lui de se concentrer sur ce genre d’exercice. Sinon, il écrit quelques petites pièces pour piano de temps en temps. Il continue quand même de sortir, d’aller voir des trucs (comme hier avec moi). Mais bien sûr, le temps avance pour lui aussi…
Pan M 360 : Êtes-vous un observateur de la scène contemporaine? Qu’en pensez-vous?
Michael Riesman : Je pense que c’est bien maintenant que le mur de l’académisme rigide ait été brisé. Les compositeurs sont beaucoup plus libres d’écrire ce qu’ils veulent. Mais, c’est peut-être parce que je deviens vieux (lol), je n’entends pas beaucoup de choses que j’aime vraiment… Il est plus probable que vous me rencontriez dans un concert de jazz d’avant-garde ou de pop indie.
Pan M 360 : Merci et j’ai très hâte de vous voir et de vous entendre le 24 mai!
Michael Riesman : Ce sera un immense plaisir de revenir à Montréal, un excellent public, et surtout de jouer pour la première fois dans la salle Bourgie.