renseignements supplémentaires
À peine rentrée de France où elle a reçu le Prix Samuel de Champlain, décerné par l’Institut France-Canada, et participé à un programme spécial pour le trentenaire de l’Ensemble Matheus, dirigé par son ami et complice Jean-Christophe Spinosi, notre célébrissime contralto Marie-Nicole Lemieux offre aux mélomanes deux visions de l’amour aux côtés de son proche et très apprécié collaborateur, le pianiste belge Daniel Blumenthal : Deux Lieder avec alto et Quatre Chants sérieux de Johannes Brahms précéderont les subtiles et délicates Expressions lyriques de Jules Massenet.
Sans conteste une des artistes québécoises les plus appréciées du chant lyrique à l’échelle internationale, la réputation de Marie-Nicole Lemieux n’est plus à faire, c’est pourquoi PAN M 360 s’enquiert d’abord de son programme offert ce mercredi 1er décembre à la Salle Bourgie. Rieuse et enjouée, la chanteuse répond généreusement à nos questions.
PAN M 360 : Parlez-nous d’abord de votre relation artistique avec Daniel Blumenthal, votre pianiste pour ce programme.
Marie-Nicole Lemieux : Il est à mes côtés au moment où on se parle! Si vous entendez du piano au téléphone pendant l’interview c’est lui qui qui répète! Le hasard nous avait unis en 2000 au Concours musical international Reine Élisabeth de Belgique. Ça fait donc plus de 20 ans qu’on se connaît, c’est fou, il me semble que c’était hier! On nous avait jumelés pour la première épreuve du concours, Daniel m’avait dit de venir répéter immédiatement. Je m’étais présentée chez lui et nous avions répété les deux pièces choisies pour l’épreuve.
PAN M 360 : On connaît la suite, vous aviez gagné toutes les épreuves de ce concours, ce qui qui a contribué à lancer votre carrière internationale. Daniel Blumenthal est resté un proche collaborateur depuis lors.
Marie-Nicole Lemieux : C’est ainsi que notre amitié musicale s’est développée dès le départ. Humainement c’était vraiment sincère ! Après le concours, nous avions tourné ensemble pendant trois mois et puis sa famille est devenue ma famille, la mienne est devenue la sienne. Il est un ami, un frère d’armes, c’est beau cette relation. Nous avons d’ailleurs fait trois enregistrements ensemble, bien que ça ait été relativement long avant qu’il vienne jouer au Québec et que le public d’ici l’a adopté avec raison! La dernière fois qu’il est venu au Québec, d’ailleurs on a présenté le projet Baudelaire avec Raymond Cloutier, qu’on va reprendre car plusieurs villes (où ça ne s’est pas produit) en ont eu vent.
PAN M 360 : Visiblement, cette relation avec Daniel Blumenthal est durable!
Marie-Nicole Lemieux : Je suis très fidèle car le récital est tellement exigeant. Vous savez, ce n’est pas évident (pour un pianiste) de jouer avec un chanteur, en connaître la respiration, du temps qu’il prend pour respirer, la façon dont son souffle se déploie tout en respectant les consignes de la partition. Ce que j’aime de Daniel, c’est qu’il est d’abord un grand pianiste, doublé d’un grand chambriste. Techniquement il n’y a pas de limites lorsqu’on fait de la musique avec lui. Ensemble, on a des ailes et on renouvelle chaque fois notre plaisir de la musique. Nous avons une grande complicité et nous partageons un amour sincère de notre art. C’est ce qui nous unit.
PAN M 360 : Vous chantez Brahms et Massenet à la Salle Bourgie. Que justifie le choix des œuvres au programme?
Marie-Nicole Lemieux : C’était au mois de juillet, je devais monter un programme pour la salle Bourgie et rien ne me venait… Je me questionnais… Mais de quoi as-tu envie? Or, je venais de participer à l’intégrale des mélodies de Massenet, j’avais encore cette envie mais j’avais aussi un besoin de revenir à la base, à Brahms que je n’avais pas chanté depuis longtemps. Ce programme ‘est aussi venu par l ‘envie de parler d’amour, sous toutes ses formes.
PAN M 360 : Plus précisément?
Marie-Nicole Lemieux : Le programme commence avec l’amour maternel, l’amour initial : Zwei Gesänge, l’opus 91 de Brahms qu’on fait avec l’altiste de l’OSM, Victor Fournelle-Blain, un artiste magnifique. Il y a ensuite les chants sérieux, Vier ernste Gesänge, opus 121, une œuvre magistrale dont les trois premiers textes sont tellement d’actualité aujourd’hui; on y parle de la fragilité de la vie, de la misère humaine, de la mort qui arrive de manière horrible, de cette mort qu’on peut même souhaiter en santé quand on souffre. Ces chants sérieux se concluent par un texte de Saint-Paul qui y affirme qu’on a beau avoir la fortune et la santé, on est rien si on n’a pas l’amour au fond de son cœur.
On se retrouve ensuite avec Massenet, qui dédie ses Expressions lyriques à sa dernière muse et amante, la contralto Lucie Arbell. Avant tout c’est une déclaration d’amour, l’évocation de deux personnes qui se sont aimées de la tête aux fesses comme le dirait Jean-Pierre Ferland. C’est d’une sensualité et d’une sexualité évidentes, mais il y a aussi de l’humour, de la mélancolie, des réflexions sur le temps qui passe, sur le vieillissement… Cette façon de parler de l’amour et d’en décrire les extases sensuelles, c’est fascinant ! Plus je chante cette œuvre, plus je la porte dans mon cœur. Ainsi, un compositeur peut comprendre exactement ce qu’on ressent, c’est ce qu’il y a de beau dans la musique. Massenet est un compositeur incroyable. Je l’aimais et maintenant je l’adore !
Par ailleurs, il existe deux versions possibles de ces Expressions lyriques, que j’ai faites dans l’enregistrement de intégrale Massenet à laquelle j’ai contribué, bientôt lancée sous étiquette Atma – avec la permission de ma maison de disques, Erato, que je remercie d’ailleurs car c’est ce qui m’a stimulée artistiquement durant la pandémie. La version choisie pour le programme implique que les textes soient « parlés rythmiquement » , « parlés chantés» ou rythmiquement écrit avec des notes qui ne sont pas chantées comme ce doit l’être normalement. En fin de parcours, Massenet tendait vers ça, il explorait le son dans la déclamation. Quelques décennies plus tard, les compositeurs viennois Shoenberg, Berg et Webern avaient poussé cette technique, c’était donc hyper novateur de la part de Massenet.
PAN M 360 : Programme consistant, en somme !
Marie-Nicole Lemieux : Oui c’est consistant, oui il y a de l’introspection. Mais il y a aussi de la bienveillance.
PROGRAMME
BRAHMS Zwei Gesänge pour voix, alto et piano, op. 91*
BRAHMS Vier ernste Gesänge pour voix et piano, op. 121
MASSENET Les dix mélodies pour voix et piano des Expressions lyriques
Avec la participation de Victor Fournelle-Blain, alto
INTERPRÈTES
Marie-Nicole Lemieux, contralto
Daniel Blumenthal, piano