Marie Claudel : fleurir chez les étranges

Entrevue réalisée par Maude Bélair
Genres et styles : folk / indie folk

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Fière native de Valleyfield, Marie Claudel a toujours baigné dans la musique et la chanson d’expression française qui ne cesse de fleurir ; non seulement a-t-elle touché la guitare depuis la tendre enfance, mais encore a-t-elle joué pendant de nombreuses années avec sa sœur, participant ainsi à la vie culturelle et artistique de sa ville natale. Bien que relocalisée à Montréal, l’artiste prouve qu’il est important de participer à divers projets culturels locaux, où que l’on soit. 

Après avoir fait paraître en 2016 l’EP Charmant fiel et avoir participé aux Francouvertes de 2017, Marie Claudel avait lancé un excellent premier album en 2018, le magnifiquement intitulé Ne parle pas aux étranges. Adroitement ficelé à des sonorités rock, son psych-folk n’est pas sans rappeler un son plutôt américain, notamment chez des groupes comme City and Colors ou encore Death Cab for Cutie. Cela étant, le projet a son identité propre et propose de nombreuses collaborations : par exemple, Antoine Corriveau pose sa voix sur la chanson Est-ce qu’on se voit ensemble, ce qui va à merveille avec la profondeur du texte. Comme quoi les étranges peuvent se parler, eux aussi ! 

PAN M 360 a eu le plaisir de discuter avec Marie Claudel, notamment sur la signification de campivallensienne ou sur l’expression de sa grand-mère devenue le titre de son premier album, ou encore de son prochain spectacle prévu le 12 novembre prochain au Verre Bouteille, dans le cadre du Coup de cœur francophone. 

Mais d’abord, on visionne le clip de Jaseur, chanson récente ayant fleuri chez les étranges…

PAN M 360 : Tu prends souvent le temps de souligner que tu es Campivallensienne ou plus simplement dit, native de Salaberry-de-Valleyfield. Maintenant que tu habites à Montréal, quel est ton souvenir préféré de cet endroit où tu as grandi? 

Marie Claudel : Valleyfield a été le début de tout pour moi : j’ai commencé à faire de la musique à neuf ans avec ma sœur, nous avons été un duo musical pendant près d’une dizaine d’années. Nous sommes très proches, ma sœur et moi, nous n’avons que 18 mois d’écart, alors nous avons fait tous les secondaires en spectacle, les cégeps en spectacle, nous étions souvent embauchées par les clubs optimistes pour jouer de la musique… Valleyfield a été en quelque sorte notre rampe de lancement! J’en garde des souvenirs qui sont encore très sensibles pour moi, encore aujourd’hui. 

PAN M 360 : Tu touches à la guitare depuis un jeune âge, puisque tu es née dans une famille où la musique était centrale. Donc, non seulement es-tu interprète, mais tu es également autrice et compositrice. Que préfères-tu : jouer, composer ou écrire? 

Marie Claudel : Il est clair que je me considère plus comme une guitariste ou une instrumentiste à la base, car c’est là que tout a commencé pour moi. Pour moi, écrire des textes est beaucoup plus difficile que composer de la musique. Mais parfois, comme dans un drôle d’adon, il y a de la musique qui vient automatiquement avec le texte : je n’ai pas vraiment à y penser, ça vient tout seul. Or, même pour ma propre musique, je suis souvent surprise par le déroulement des choses, par la manière dont les idées s’enchaînent et s’imbriquent. Soit que l’idée vient tout de suite, soit je dois être patiente pendant un petit moment. 

PAN M 360 : Ton premier EP, Charmant fiel, est sorti en 2016. À ce moment, tu étais plutôt connue sous le pseudonyme MMC. Qu’as-tu appris de toi, autant personnellement que musicalement, à travers ce premier projet? 

Marie Claudel : Charmant fiel est le premier projet solo que j’ai sorti une fois que j’ai quitté le duo avec ma sœur. J’étais déjà passée par l’École Nationale de la Chanson de Granby, où j’ai vraiment trouvé mon son à moi. Par la suite, j’ai rencontré les frères Levac, qui m’ont aidé avec la production de l’EP. Nous avions vraiment une belle chimie musicale, les chansons sont nées tout naturellement. Je voulais sortir de la musique qui me ressemblait, qui saurait bien me représenter. Je voulais rester fidèle à moi-même. 

PAN M 360 : Et en 2018, c’est un premier album solo qui apparut : Ne parle pas aux étranges. Peux-tu nous en dire un peu plus sur ce titre et sa signification?

MARIE CLAUDEL : C’est une expression de ma grand-mère! Quand j’ai quitté Valleyfield pour m’établir à Montréal, ma grand-mère était inquiète. Elle me disait souvent « Ne parle pas aux étranges! Ne parle pas aux inconnu.e.s »! Elle craignait la grande ville, là où tout peut arriver. « Ne parle pas aux étranges » est quelque chose qui me reste dans la tête depuis. Soyons honnêtes, c’est tellement un beau titre. Et sur cet album, les chansons ont quand même été créées dans une période un peu plus sombre de ma vie : j’étais seule en appartement à Montréal et je ressentais beaucoup de solitude. L’anxiété me prenait souvent quand je marchais dans la rue, je me disais « ne parles pas aux autres, juste au cas où ». Donc le titre allait vraiment résonner avec le titre de l’album, oui. 

PAN M 360 : Ton folk est plutôt doux, mais tu ne t’empêches certainement pas de flirter avec des sonorités plus rock. Pourquoi avoir choisi de mélanger les styles plutôt que de rester dans le folk pur, comme Charmant fiel

MARIE CLAUDEL : Sur Ne parle pas aux étranges, j’en ai profité pour jouer avec les différents tunings de guitare, ce qui veut dire que je me désaccorde totalement par moments. J’ai beaucoup été inspirée par ce que Led Zeppelin faisait, d’ailleurs. J’étais dans une énergie un peu plus rock, en effet, et cela se voit beaucoup dans ma façon de jouer de la guitare. Et j’aime aussi la dualité de certaines chansons, par exemple Laisse-moi habiter ton corps, où la musique est lumineuse, mais où les textes sont relativement sombres. J’aime bien jouer sur ces différences. 

PAN M 360 : Et tu aimes manifestement collaborer avec d’autres artistes : près de la moitié des chansons sur l’album comportent des collaborations. Quel est ton processus de repérage? 

Marie Claudel : Pour la chanson avec Laura Babin, nous étions toutes les deux invitées dans un festival et nous l’avons interprétée en spectacle, après quoi nous avons décidé de la mettre sur l’album. Pour ce qui est d’Antoine Corriveau, je le connais depuis longtemps et j’ai toujours eu un faible pour sa voix ténébreuse. Je voulais vraiment collaborer avec lui. Sinon, Jesse Mac Cormack m’a aidée avec les guitares pour les faire sonner plus rock… Donc, c’est souvent des flashs qui arrivent comme ça. Chaque personne amène son univers, alors c’est très cool de voir tout ça se mélanger et créer un seul produit au final. 

PAN M 360 : Quand on parle de folk, un reproche que l’on entend souvent est le manque d’audace, le manque d’excentricité. Que penses-tu de cela? 

MARIE CLAUDEL : Personnellement, je ne m’en soucie pas. Lorsque j’écris, je me dis que si tel ou tel texte sort, alors c’est que cela devait sortir. Je me dis que cette chanson pourrait parler à quelqu’un, même si elle n’est pas unique en son genre. Donc, même si la chanson parle d’un sujet qui a été abordé mille fois, l’important reste la manière dont le texte est rendu. Tout le monde peut y mettre sa touche spéciale. Moi, ça me dérange d’entendre des chansons de peine d’amour à ne plus finir qui, ultimement, sonnent toutes pareil. C’est ça la beauté de la chose. 

PAN M 360 : Le vendredi 12 novembre, tu te produiras en spectacle au Verre Bouteille dans le cadre du festival Coup de cœur francophone. Tu y présenteras non seulement Ne parle pas aux étranges, mais aussi la matière d’un tout nouvel album que tu prévois lancer au cours de l’année. Pourquoi est-ce important pour toi de participer à ce type de festival? La question de la langue te tient-elle à cœur? 

MARIE CLAUDEL : Pour moi, le français c’est naturel, je n’y pense pas. Je ne penserais pas être capable d’écrire en anglais… ou tout simplement, je n’en ai pas envie. Et j’aime tellement ça écrire en français : notre vocabulaire est riche, il est beau, il peut vraiment venir me toucher davantage que des textes en anglais. Je dois aussi dire que je ne maîtrise pas l’anglais. Quand j’étais jeune, ce n’était que de la chanson francophone qui jouait dans la maison. Et ces souvenirs de découvertes resteront gravés dans mon cœur à jamais.

Crédit photo : Jonathan Arseneau

Marie Claudel se produit le vendredi 12 septembre au Verre Bouteille, dans le contexte du Coup de coeur francophone.

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