Mara Tremblay : bas et hauts, misères et grandeurs…

Entrevue réalisée par Alain Brunet

Au terme d’une séquence particulièrement tourmentée de sa vie personnelle, une embellie a contribué à revigorer le jardin intérieur de Mara Tremblay, ce qui l’a menée à la création de ce magnifique Uniquement pour toi, sous étiquette Audiogram. Pour PAN M 360, elle se prête au récit de sa vie récente et du processus de création qui s’ensuivit.

Genres et styles : americana / folk-rock / kebamericana / rock

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Crédit photo : Andy Jon

« J’ai toujours aimé les différences d’un album à l’autre, je n’aime pas la répétition. Je sais que les gens aiment la sécurité en général. Pour moi, c’est le contraire : découvrir des choses me rassure. Ce qui reste toujours pareil me déprime. »

Voilà la posture de Mara Tremblay face à la stabilité des goûts acquis, et c’est exactement pourquoi on apprécie tant ce juste équilibre atteint entre recherche et cette facture qui lui est propre. Cette volonté de bousculer ses propres propositions n’empêche en rien de maintenir des relations stables avec le guitar hero québécois et multi-instrumentiste Olivier Langevin, principal collaborateur de sa carrière discographique. 

« Travailler avec Olivier, soulève-t-elle, est le plus grand plaisir musical de ma vie. Cette fois, nous sommes allés ailleurs. On a trippé à se rendre encore plus loin, assumer des choses qu’on n’assumait pas auparavant. Après 23 ans de collaboration, Olivier demeure très proche de mon travail, il a réalisé sept de mes huit albums, sauf Cassiopée. Il est très bon juge de mes textes, il est super bon pour diriger l’interprétation, il sait me faire me surpasser dans l’émotion. Il me connaît tellement! »

Plus de deux décennies de collaboration peuvent exclure la redite, force est d’observer. Les couples qui durent ne savent-ils pas revitaliser leur relation par la créativité et l’innovation? Côté professionnel, en voilà une démonstration probante :

« Quelques chansons ont été enregistrées live, notamment avec François Lafontaine aux claviers, un allié précieux qui comprend toujours ce qu’on fait. Mon fils batteur ayant vécu neuf mois à l’intérieur de moi, personne d’autre que Victor est capable de comprendre à ce point mon beat. Il le connaît, comme mes émotions. Personne d’autre peut me comprendre comme ça. Le batteur Robbie Kuster a aussi fait des choses que personne d’autre que lui peut apporter. » 

À part ces enregistrements réalisés en équipe, Uniquement pour toi résulte d’une bulle étanche, à l’intérieur de laquelle Mara et Olivier ont évolué pendant une année. 

« Notre objectif était de nous surprendre nous-mêmes, aussi de nous amuser dans le “laboratoire Langevin”. Nous avons joué avec de nouveaux logiciels nous permettant d’obtenir des sons de plus grande qualité. Ces logiciels coûtent peu ou rien alors que les mêmes sons étaient beaucoup plus chers à produire auparavant. Ainsi, on a aimé mélanger les sons “chauds” des instruments et synthés analogiques avec des sons un peu plus froids, parfois plus cheap. Le terrain de jeu a changé. »

Crédit photo : Andy Jon

Pour relancer leur collaboration, Mara et Olivier s’étaient d’abord trouvés en atelier ad lib : 

« Au début, raconte-t-elle, on ne savait pas pantoute où on s’en allait. Mais… quand le rire se pointe, c’est par là qu’il faut aller ! Olivier avait alors programmé un beatbox et sorti des sons de claviers, je m’étais mise à chanter. Un an plus tard, je n’avais pas joué grand-chose sur cet album, un peu de violon et de guitare… j’ai préféré me concentrer sur le chant, l’émotion de la voix, les arrangements autour. »

Uniquement pour toi, offrande hybride au confluent de l’americana, du prog, du space-rock et de l’électro, a été imaginé au terme d’une période trouble. En témoigne la diffraction autobiographique de certaines chansons au programme.

«  Les dernières années ont été pour moi très difficiles, confie-t-elle. J’habitais dans ma maison de Saint-Bruno avec mon fils Édouard, puis il a quitté la maison – aujourd’hui il gagne sa vie en tant que comédien, il est aussi très bon guitariste, chanteur et interprète. Après quoi… personne ne vient te voir à Saint-Bruno! J’ai vécu de longues périodes en solitaire, périodes extrêmement sombres. 

«  Ce n’est pas un secret, je souffre d’un type de bipolarité qui se mêle avec d’autres problèmes complexes, à peu près impossibles à soigner. Les médicaments ne fonctionnent pas toujours et ils entraînent des effets secondaires – fibromyalgie, fatigue chronique, frilosité. Cela générait de gros highs et de gros downs, c’est très dur de rebondir dans de telles conditions. Et puis… être une femme dans la cinquantaine, sans amoureux… pas facile!  Je ne pensais plus qu’un homme serait disposé à m’aimer. »

Et puis le vent a enfin tourné.

« Je suis allée à Nashville pendant deux semaines pour y travailler, ça a été salvateur.  Ça m’a fait un bien immense, j’ai composé les trois quarts de mes nouvelles chansons là-bas. J’y ai même croisé mon idole Gillian Welch et son chum Dave Rawlings… le bonheur! Je suis rentrée au Québec plus grande, plus forte, ça m’a vraiment beaucoup aidée. Dans un atelier d’écriture chez Gilles Vigneault, j’avais fait la rencontre de Stéphane (Lafleur) dont je suis une grande fan, il m’a offert deux textes de chanson un an et demi plus tard. Ces chansons représentent pour moi la lumière, la paix et le bonheur revenus. Et… j’ai connu de nouveau l’amour, enfin! J’ai un nouveau chum depuis un an avec qui je vis. Ma maison de Saint-Bruno a été vendue à la veille de la pandémie, je suis en processus de déménagement. »

Ainsi, la lumière au bout du tunnel s’intitule Uniquement pour toi

« J’avais envie d’en parler et d’écrire là-dessus car je ne suis vraiment pas seule à vivre avec ça. Je dois partager mon combat, même si plusieurs le comprennent déjà. Plus on en parle, moins il y aura de solitude, plus on pourra compter sur nos amis quand on traversera ces moments difficiles. C’est ben beau transformer en chansons ses souffrances et ses peines d’amour mais… je peux-tu passer à autre chose et vivre l’amour ? » conclut-elle au téléphone, laissant exploser un rire pandémique. 

Dans le cas qui nous occupe, la contagion est la bienvenue!

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