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Ayant fait paraître au printemps dernier Waska Matisiwin, son deuxième album, album qui l’a littéralement fait naître au-delà du réseau de la communauté atikamekw dont elle est issue, Laura Niquay fait de la musique et des chansons afin de rejoindre les différentes communautés des Premières Nations, mais aussi ceux qui n’en font pas partie. La douceur de sa voix ensablée et son style unique frôlant l’indie-folk nous transportent par l’entremise de ses chansons dans les histoires de son passé et certaines réalités que vivent les communautés autochtones.
Elle en discute avec PAN M 360.
PAN M 360 : D’abord, de quoi es-tu inspirée pour composer?
Laura Niquay : La plupart du temps, je dois être dans la nature ou dans ma communauté de Wemotaci pour être productive. Même quand j’y suis, il m’arrive de composer en 5 minutes, mais d’autres fois ça peut me prendre beaucoup plus de temps. Ça dépend vraiment de mon état d’âme.
PAN M 360 : Venir d’une famille de musiciens implique-t-il une certaine pression pour continuer dans cette voie, ou encore est-ce venu naturellement?
Laura Niquay : C’est vraiment venu naturellement avec le temps. Mon père m’a acheté ma première guitare lorsque j’avais 10 ans et j’ai commencé à en jouer vers l’âge de 11 ans. C’est seulement vers l’âge de 16 ans que je me suis mise au chant et à l’écriture.
PAN M 360 : Ce n’est que tout récemment qu’on voit une plus grande ouverture à la musique des Premières Nations. Avais-tu peur de ne pas joindre un aussi grand public en chantant en atikamekw?
Laura Niquay : Non, c’est une langue comme toutes les autres langues du monde. C’est la musique du monde. C’est plus facile pour moi, surtout à mes débuts, de chanter dans ma langue maternelle. De plus, j’ai toujours chanté mes propres compositions, je ne chante pas les chansons d’autres artistes. Je ne serai jamais interprète, je n’en serai jamais capable. Ça me stresse trop. Je préfère ainsi chanter mes compositions et de faire un résumé en français de chacune d’entre elles dans les spectacles. Je vais toujours expliquer le thème de la chanson avant de la chanter.
PAN M 360 : Ton dernier album Waska Matisiwin s’est retrouvé sur la longue liste du prix de musique Polaris de 2021. Quelle a été ta réaction?
Laura Niquay : Au début, je n’avais aucune idée ce qu’était le prix Polaris. Cependant, lorsque j’ai rencontré Louis-Jean Cormier, il m’a tout expliqué et j’ai finalement compris que c’était prestigieux. Louis-Jean avait déjà gagné ce prix en 2010. J’avais des chances de gagner, mais malheureusement mon album n’a pas été sélectionné parmi les 10 meilleurs albums, soit la courte liste. Au moins, j’ai été dans les meilleurs albums au Canada. C’est grandiose pour moi puisque je le considère comme mon vrai premier album accompli et professionnel. Waratanak était plus indépendant et c’était surtout pour apprendre à produire de la musique. Waska Matisiwin est vraiment mon plus grand accomplissement et je suis très fière de cet album.
PAN M 360 : Des thèmes plus sombres tels que le suicide et la dépendance sont présents sur ton album. As-tu eu des commentaires à propos de ceux-ci?
Laura Niquay : Oui vraiment! Au Festival en chanson de Petite-Vallée, il y a de nombreuses personnes qui sont venues me voir après le spectacle et étaient très émues par mes chansons. Ils comprenaient parfaitement ce que j’ai vécu, parce que je raconte beaucoup de mon vécu au travers de mes chansons. Les gens étaient très touchés au point de me dire que j’étais leur coup de cœur du festival. Je peux comprendre puisque j’aborde des sujets plus particuliers et plus difficiles. Je raconte les thèmes de mes chansons de manière très intime. Le sujet des enfants qui ont des enfants dans nos communautés qui n’ont pas le temps de vivre leur adolescence en est un qui me touche énormément. Je vois encore de jeunes filles qui tombent enceintes ou bien de jeunes garçons qui deviennent pères, qui n’ont donc pas le temps de vivre cette période qu’est l’adolescence. Je fais beaucoup de sensibilisation sur ce sujet en ce moment. C’est vraiment important de sensibiliser les jeunes aussi.
PAN M 360 : Quelles sont les raisons expliquant ces trois années à finaliser ce deuxième album ?
Laura Niquay : Ça aurait pris deux ans, mais avec la pandémie, ça nous a retardés et ça a été comme ça pour tout le monde. En fait, ça m’a plu. Ça m’a permis de prendre du recul dans ma vie et de mieux me ressourcer en thérapie. J’ai fait 5 thérapies dans ma vie. J’avais vraiment besoin d’aller chercher l’équilibre dont j’avais besoin dans mon métier et dans mes relations personnelles aussi. J’ai pu vraiment retravailler sur des éléments que j’aimais moins et de produire un album qui me plaisait à 100%.
PAN M 360 : Waska Matisiwin est très éclectique. Chacune des chansons est unique. Est-ce que tu voulais une ligne directrice pour l’entièreté de l’album ou plutôt de donner l’importance à chacune des chansons?
Laura Niquay : Il n’y a pas de ligne directrice. J’ai demandé, pour chacune des chansons, à des gens de mon entourage ce qu’ils aimaient entendre donc, comme Nicim avec le chanteur Shauit, ça parle de mon frère qui a vécu une période dépressive et suicidaire. Ce n’est pas nécessairement une chanson triste, mais plutôt une chanson d’encouragement afin de ne pas lâcher prise. Je lui avais donc demandé quel genre de musique il aime écouter et sa réponse fut le hip-hop, le reggae et il apprécie le son des guitares électriques en arrière-fond. C’est vraiment important d’écouter les gens qui nous entourent et de savoir ce qu’ils aiment écouter. J’ai fait en sorte de faire des chansons pour faire plaisir à mon public. C’est très important pour moi.
PAN M 360 : C’est donc vraiment votre entourage qui a orienté votre album?
Laura Niquay : Oui! Il y a aussi tout ce que j’entends depuis que je suis toute petite aussi. Mon album est le résultat de tout ce mélange.
PAN M 360 : À quoi peut-on s’attendre de ton concert au Festival Présence Autochtone?
Laura Niquay : Il n’y aura rien d’extravagant. Il va y avoir 12 musiciens de guitare classique. Ça va être un peu différent de ce que je fais d’habitude, mais puisque j’ai grandi avec le son de la guitare classique j’ai tout de suite voulu embarquer dans ce projet. Ça va être très spécial.
PAN M 360 : Quelle chanson préfères-tu chanter et pourquoi?
Laura Niquay : La deuxième chanson c’est sûr! Elle s’intitule Moteskano, qui signifie « Les sentiers de nos ancêtres ». C’est une chanson qui évoque la transmission de notre culture et qu’il ne faut jamais que ça s’arrête. J’ai dû marcher longtemps pour être rendue là où j’en suis aujourd’hui. Sinon, j’aime aussi la douzième, qui fait très nation. C’est vraiment important de soutenir les aînés aussi, de les respecter. Ça parle de nous, les Premières Nations, mais aussi les non-Autochtones, qui sont une nation aussi. On est tous humains.
PAN M 360 : Quels sont tes prochains projets?
Laura Niquay : Dans un an et demi, je devrais produire un autre album, mais il y aura probablement un fond de blues puisque j’aimerais aller explorer plus en profondeur ce style. Les Premières Nations ont bien percé dans ce style, donc je veux ressortir une sorte de blues autochtone. Entre-temps, ce sera plein de concerts dans les prochains mois à venir. Je vais en profiter pour faire ma première tournée et ça me réjouit. Je me souhaite de la santé et une longue vie.