La fourmilière du rap keb

Entrevue réalisée par Justin Vézina

Les Fourmis constituent un collectif étonnamment populeux et, sans conteste, la suprise rap keb de l’hiver 2021

Genres et styles : rap keb

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Les 5 et le 12 mars Les Fourmis ont lancé respectivement le VOLUME : JOUR et le VOLUME : NUIT.  FouKi, Kirouac, Vendou, Bkay, Mantisse, Jamaz, BLVDR, OCLAZ et bnjmn.lloyd (de LaF) et tant d’autres, soit 29 membres en tout, ont fourmillé en toute intensité  pour ainsi réaliser ces enregistrements collectifs. Les deux albums ont été conceptualisés et enregistrés dans un chalet, pendant cinq jours et cinq nuits de janvier 2020. 

Voici la conversation de PAN M 360 tenue avec  BKAY, VENDOU, KIROUAC, MANTISSE. 

PAN M 360 : Quelles sont les principales différences entre le VOLUME : JOUR et le VOLUME : NUIT? 

BKAY : Les principales différences sont vraiment dans les intentions et les vibes.

KIROUAK : Bien dit! Bien dit!

VENDOU : Il y a aussi plusieurs chansons qui sont dans le VOLUME : NUIT tout simplement car elles ont été faites la nuit.

PAN M 360 : Les thèmes y sont-ils  différents? 

MANTISSE : Puisque les chansons ont été écrites dans l’instantané, il n’y avait pas de grande ligne directrice. Elles ont été séparées par les sons et les tonalités, donc les lignes directrices sont surtout le son des volumes eux-mêmes.

VENDOU : On voulait créer une trame narrative qui raconte comment on a vécu les moments chalet, comment s’est orienté la création des chansons.

KIROUAC : Ouain… même à quatre heures du matin.

BKAY : Ça reflétait bien l’ambiance. Il y avait du beat 24/7. C’était genre un flow incessant. Les trois premiers jours, c’était une perte de repères. 

PAN M 360 : Pourquoi avez-vous choisi un concept de deux albums en deux semaines? 

KIROUAC : Les gens peuvent vraiment bien digérer l’album JOUR, pis une semaine après, [le volume NUIT] arrive comme une surprise, même si on avait teasé plusieurs beats depuis le chalet. On savait que s’ils n’étaient pas sur l’album JOUR, eh bien, les gens allaient les attendre, et on créait un hype. Vous avez vu notre côté très bonbon, très passe partout [sur VOLUME : JOUR], et là il y a l’album nuit que c’est vraiment des tracks trashs, voire des tracks punks d’une certaine façon. On commence avec le côté sweet et une semaine après on te punch dans la gueule.

(Rire collectif)

PAN M 360: Comment avez-vous envisagé maintenir la cohésion sur l’entièreté des albums, malgré les styles différents explorés ?

MANTISSE : Il y avait trois studios [dans le chalet]. Les places étaient échangeables et les artistes collaboraient sur les beats que les autres faisaient. Il n’y a pas eu de consultation globale [Vendou acquiesce] mais, avec la tracklist, il y avait cette contrainte : tout le monde devait être bien représenté et l’idée de faire ça en deux volumes permettait de rendre l’écoute plus digeste au final. 

KIROUAC : Les beatmakers des Fourmis sont  très polyvalents. Ce projet «autre» leur permettait d’être différents et de ne pas respecter une direction artistique qui vient peut-être avec leur projet principal. Ils ont pu essayer des trucs assez différents. 

VENDOU : En fait, ça ne s’applique pas qu’aux beatmakers, mais aussi aux rappeurs. Ça nous donnait beaucoup de liberté que d’essayer toutes sortes de choses. 

MANTISSE : C’est un album in situ. Le lieu, l’espace et le temps : c’est ça le concept de l’album, ce sont les liens entre les chansons.

PAN M 360 : Quel était le processus de la création d’une chanson? Et ensuite pour la faire approuver par le reste du groupe, comment ça se passait? 

VENDOU : Pour la création, c ‘était super organique. Si tu aimais un beat et que tu entrais dans le studio et que six personnes écrivaient dessus, eh bien, tu allais dans un autre. Et si tu voyais qu’ils amorçaient un truc ou étaient deux ou trois, tu te joignais au projet. Choisir ce qu’on aime et ce qu’on n’aime pas, c’est à ce moment-là que de travailler à 29 vient peut-être complexifier la chose. Mais… (hésitation sur le choix de mots à venir) il y a tout le temps des débats et surtout pourquoi [ils pensent cela], chacun lance ses arguments. Et, dans la bonne entente, les choses se placent (avec un sourire narquois). 

PAN M 360 : Comment les membres ont-ils été choisis? Qu’est-ce que ça prenait pour être une Fourmi ? 

BKAY : C’est plutôt organique. Le groupe s’est formé en 2016 et certains s’y sont greffés au fur et à mesure. C’est un cercle d’artistes et d’amis qui aiment le rap.

MANTISSE : C’est une idée qui a flotté pendant un bout et qu’on a essayé de concrétiser. Il y a eu plusieurs mutations du groupe jusqu’à cette nouvelle configuration. Nous nous connaissons depuis longtemps et nous nous reconnaissons dans ce safe space de musique.

VENDOU : C’est vrai qu’il y a eu plusieurs mutations, car si on avait rec (enregistré) l’album un an plus tôt, il y aurait manqué des gens. Donc c’est vraiment un bon timing.  La place que les artistes prennent dans la scène musicale renforce ce timing. 

PAN M 360: Et comment tout cela va-t-il se traduire sur scène? 

BKAY : Honnêtement, si ça a lieu un jour… Ça va être quelque chose !

VENDOU : T’es invité. [PAN M 360 sera présent si, un jour, spectacle il y a lieu]

MANTISSE : On est habitués de faire craquer les scènes et faire tomber les bâtiments vers l’Est.

KIROUAC : Ah! C’est notre marque de commerce! 

MANTISSE : C’est sûr que ça serait le fun de faire craquer les Francos.

VENDOU : Et le pont Jacques-Cartier!

MANTISSE : Pourquoi il n’y a pas de show sur le pont Jacques-Cartier? 

VENDOU : Il n’y a pas encore de formule de show encore… parce qu’on est tous au courant qu’une formule de show va être difficile à réaliser sans que ça ait l’air d’un gros motton sur scène. Mais c’est sûr que si on avait une grande scène comme aux Francos ça serait le moment parfait pour présenter ce projet-là une fois. 

PAN M 360: Aviez-vous un objectif ultime en tête avec ce projet ? 

VENDOU : Sauver la planète! 

BKAY: C’est surtout un exercice de style.

MANTISSE : Eh bien, c’était de rassembler un aussi grand nombre d’artistes et de sortir de sa zone de confort. Tout ça en ne pensant qu’à la musique pendant 5 jours, c’est un méchant défi ! On a essayé de faire de quoi de créatif et de super différent. 

VENDOU: Aussi pour certains membres, c’est intéressant de voir le déploiement d’un album : la promo, la pré-prod, la post-prod et juste d’être impliqué là-dedans. Ça donne de l’expérience à tout le monde, chacun sait ensuite comment mener sa propre barque pour ainsi donner un shine à sa musique. 

BKAY: (qui prend visiblement le relais du rôle d’intervieweur) : Mais comment as-tu senti les studios au chalet?  

VENDOU : Je suis déjà habitué de travailler en groupe, donc j’avais déjà cet esprit-là d’être le morceau d’un tout, donc je n’avais pas l’intention d’overtake comme Paul (Kirouac). Il avait plus cette énergie-là, alors que moi, j’apportais plus mon petit grain de sable… De sel! (rigole après son perronisme) je voyais déjà le truc comme étant quelque chose de plus grand que moi et donc je n’avais pas cette intention de vouloir tout briser. 

PAN M 360 : Y aura-t-il une suite pour Les Fourmis? 

MANTISSE : On ne pense pas à ça. On vient de faire un major drop, donc c’est ça. Et honnêtement, tout le monde  travaille actuellement sur ses propres trucs. C’est une belle parenthèse dans l’histoire de tout un chacun, mais on est tous dans le jus. Le focus reste sur la carrière solo. 

BKAY : C’est vraiment un événement rare.

VENDOU : Oui! Et ça a permis d’elevate tout le monde! 

BKAY : Et tsé, la pandémie nous a donné du temps pour organiser toutes ces sessions studios et finir toutes ces tracks-là… C’est vraiment gros. C’est énormément de temps à la gang qu’on est de faire la post-prod. 

VENDOU : Et même encore plus loin, je dirais que ça a pris cinq ans pour faire ces albums des Fourmis. D’avoir le bon mindset et le bon moment…

BKAY : C’est vraiment quelque chose qui a convergé. C’est un concours de circonstances qui a mené à ça.

MANTISSE : Moi je te dis que si on le refait, ça serait pour le 25e anniversaire… On pourra voir qui est encore là !

(rire collectif)

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