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Le 1er avril dernier, l’auteur-compositeur-interprète Koriass a dévoilé Abri de fortune (pour fin du monde), son sixième opus en carrière.
Quatre ans après la sortie de La Nuit des Longs Couteaux, le Montréalais amène ses auditeurs au cœur de son refuge intérieur, l’abri de fortune. Du haut de ses 38 ans, le rappeur fait l’état de son cheminement personnel au cours des dernières années rocambolesques et précaires vécues par l’humanité. Comme à l’habitude, il réalise le tout avec humour et aplomb.
Abri de fortune (pour fin du monde) nous plonge dans une autre réalité de sa vie : la famille. Non seulement en parle-t-il dans ses textes, mais son amoureuse et sa fille ont aussi participé à la création du projet. Sa partenaire de cœur s’est occupée du visuel du projet alors que la petite Sacha réalise trois apparitions vocales dans l’album. Dans ce projet, Koriass collabore avec des artistes comme Jay Scøtt, Mike Clay et Sarahmée.
Réalisé par lui-même avec l’aide de Ruffsound et Philippe Brault, ce récit introspectif est composé de treize titres dont Disparaître, une chanson très sentie, et Matusalem avec Jay Scøtt. Tout au long de son album, Koriass utilise de nombreux flows variés qui se marient à merveille à ses instrumentales atypiques.
Quelques jours avant le lancement, Koriass a partagé la scène avec l’Orchestre symphonique de Montréal, dans le cadre d’un spectacle mélangeant le hip-hop à la musique classique. Dirigé par la cheffe d’orchestre Dina Gilbert, Koriass a performé en compagnie de Fouki, de Sarahmée, d’Alaclair Ensemble, de Dead Obies et de Quiet Mike. Malade, il n’a malheureusement pas pu prendre part à deux des trois représentations. Malgré tout, cette expérience fut « incroyable », indique-t-il.
Pan M 360 a discuté avec lui de son expérience symphonique et de son album.
PAN M 360 : Comment a été votre expérience symphonique?
Koriass : L’expérience était vraiment incroyable. Je suis très reconnaissant d’avoir été en mesure de faire au moins un des trois concerts. C’était un énorme privilège. Ça m’aurait fait vraiment mal de manquer les trois, car cet évènement-là est unique. Ça fait deux ans qu’on attend de le faire en raison des nombreux reports pandémiques. L’OSM, c’est grandiose et de combiner ça au rap, c’est un projet inespéré. C’est l’Orchestre symphonique qui m’a approché pour le projet. Ils ont fait un travail remarquable, ils ont été en mesure de rehausser nos chansons et d’accentuer les moments d’émotions.
Avant le premier spectacle, on ne savait pas trop à quoi s’attendre au niveau de l’ambiance. Est-ce que les gens vont bouger? Est-ce la foule va se lever? Au concert, on a rapidement compris que l’on avait affaire à une ambiance d’évènement de hip-hop. Les gens levaient les mains et chantaient. Tout de suite, le monde a été emporté par la beauté des arrangements musicaux. C’était la musique qui parlait à ce concert-là.
PAN M 360 : Quel est le concept de l’album?
Koriass : Le tout reste libre à l’interprétation. Ça tourne beaucoup autour d’un monde précaire et de la fin du monde. Il y a quelque chose de dystopique aussi. C’est certain que l’album est teinté par l’état actuel de notre monde et ma vision des choses qu’on vit. Je raconte mes états d’âme et ce que je vis dans notre monde. C’est vraiment comme ça que j’ai approché le projet. Tout au long de l’album, il y a un fil conducteur autant dans le champ lexical que dans la musique que j’ai choisie. Je visais ça plutôt que de raconter une véritable histoire dans mon projet.
Par la suite, j’ai travaillé fort pour que le visuel de l’album soit en accord avec l’ambiance des chansons. Je suis vraiment content du résultat, ça complète à merveille le projet. D’ailleurs, le titre est né d’une installation de sculptures que ma copine, Valérie Bourget, a faite. Son projet portait le nom Abri de fortune (pour fin du monde). Au début de la création de l’album, j’étais parti sur un concept différent, mais quand j’ai vu son projet, j’ai trouvé que ça fonctionnait vraiment bien avec l’ambiance que je voulais obtenir. Ainsi, elle s’est chargée de tout le visuel.
PAN M 360 : Qu’est-ce que ça vous permet, de réaliser vous-même l’album?
Koriass : Il y a quelque chose d’extrêmement satisfaisant là-dedans. C’est pour ça que j’ai commencé à faire du beat-making tôt quand j’étais jeune. J’avais un désir de me suffire musicalement. L’écriture et la composition, c’est deux choses vraiment différentes. Pour moi, la composition c’est libre et je peux faire n’importe quoi. D’un autre côté, l’écriture c’est plus difficile et ça implique davantage de travail. Même si c’est vraiment plaisant quand l’inspiration est au rendez-vous, ça reste plus ardu. Je suis assez obsessif compulsif par rapport à mes rimes, je ne me rends pas la tâche facile.
Aussi, il y a peut-être quelque chose d’égocentrique là-dedans, mais je suis content de dire que j’ai créé la majorité de mon album. Je n’enlève rien aux autres rappeurs qui se consacrent seulement au rap, c’est une question de vision artistique. J’ai beaucoup de satisfaction et de plaisir à bien choisir et créer ma musique. Pendant la pandémie, j’ai fait beaucoup de production musicale. J’ai vraiment essayé de m’améliorer à ce point de vue. Avec mon équipe, il faut dire que je suis bien entouré pour étoffer cette facette.
PAN M 360 : Comment est née Matusalem, la collaboration avec Jay Scøtt?
Koriass : C’est né comme beaucoup de collaborations, par le fruit du hasard des rencontres et des réseaux sociaux. Jay Scøtt a une bonne ascension depuis sa chanson Copilote. Je savais déjà qui il était, car il publiait des vidéos de ses chansons sur Youtube et je le trouvais bon. Aussi, il avait déjà publié une chanson sur Bandcamp qui s’appelait Koriass. On s’est parlé sur Instagram et on s’est dit que ça serait bien que l’on collabore un jour.
Quand je créais l’album et que j’ai fait l’instrumentale de Matusalem, je me suis dit que je le verrais chanter dessus. Je lui ai envoyé la production et il m’a répondu qu’il l’adorait. Il a enregistré un couplet sans qu’on ait établi un concept. Jay me l’a envoyé et j’ai aimé. J’ai débuté l’écriture de mes couplets de mon bord et je me suis déplacé chez lui, pour qu’on soit en mesure de compléter l’écriture ensemble. On a enregistré l’introduction et le reste de la chanson chez lui, dans sa chambre. C’est une personne vraiment drôle et ce n’est vraiment pas compliqué de travailler avec lui. Ce que l’on voit de lui dans les entrevues et dans les spectacles, c’est vraiment lui. Comme on dit, « What you see, is what you get »! Je suis très fier de cette collaboration.
PAN M 360 : Quelle chanson du projet chérissez-vous le plus?
Koriass : C’est vraiment dur à dire, car j’aime l’entièreté de l’album. J’ai un faible pour Jamais Jamais, car le style ressemble à mes anciennes chansons. C’est un titre un peu plus ludique que les autres. De plus, je l’ai écrit d’une traite et c’est souvent les chansons que je rédige sans me casser la tête que j’aime le plus.
PAN M 360 : Pourquoi la présence de votre fille sur l’album était-elle importante?
Koriass : Ce n’était pas quelque chose de prévu. J’aime travailler avec des gens dont je suis proche. C’est vraiment une question de confiance envers les goûts musicaux des gens. Par exemple, Ruffsound et Philippe Brault avec qui je travaille depuis maintenant trois albums. Ainsi, la présence de ma fille sur l’album s’est faite naturellement. Ma fille suit des cours de chant et de piano depuis environ deux ans. Je n’ai pas poussé pour qu’elle fasse ça, c’est venu d’elle-même. Évidemment, je suis conscient que la pomme ne tombe jamais loin de l’arbre. Vu qu’elle chante bien et que je trouve sa voix très belle, je lui ai demandé si elle voulait essayer de chanter sur mes chansons. J’avais envie d’avoir des chœurs sur certains refrains, dans le but d’étoffer ma voix. On a tenté un enregistrement à la maison, avec mon microphone. Je ne l’ai pas amenée au studio, parce que ça peut paraître assez intimidant et que je ne suis pas certain qu’elle soit prête pour ça. Le résultat était bon, donc on l’a gardé sur les chansons. Ma fille était vraiment contente du résultat, c’est vraiment une fierté pour elle.
PAN M 360 : Quelle est l’histoire derrière l’extrait d’une musique française que l’on entend à plusieurs reprises dans l’album?
Koriass : Je vais laisser le mystère planer, je ne veux pas révéler mes secrets. Je l’ai ajouté à l’album parce que ça venait contredire l’ambiance de l’album et mes propos sombres. C’était ça mon intention. Aussi, ça amène des moments d’accalmie dans l’album, tout en restant dans le thème du chaos.
PAN M 360 : À la fin de l’album, vous répétez que « si c’était la fin du monde, ce serait pas la fin du monde ». Pourquoi?
Koriass : C’est une phrase que j’ai réellement dite au début de la pandémie. C’est une manière de dire que si c’était la fin de l’humanité, ça ne serait pas nécessairement la fin de la terre. En fait, notre fin n’est pas la fin de la planète. Sans nous, elle va bien aller après. La fin de l’humanité ne signifierait pas la fin du monde, juste la fin de notre ère. Peu importe ce qui nous arrive, la vie va continuer. C’est une prise de conscience ou bien un constat existentiel de notre petitesse en tant qu’humains et de l’humilité que l’on se doit d’avoir. Je pense que je n’apprends rien à personne avec ça.
Photo : Félix Renaud