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Pianiste, compositeur, improvisateur, incontournable du jazz contemporain au Québec comme dans le reste du Canada, François Bourassa compte une dizaine d’albums en tant que leader. Et l’on ne compte ses collaborations à de multiples enregistrements et projets de concerts ou tournées. Il compte relancer éventuellement son excellent quartette et aussi un trio pour deux pianos et percussions qu’il forme avec Yves Léveillé et Marie-Josée Simard. Or, cette fois, il défend seul sa musique, en témoigne L’impact du silence qui vient d’être rendu public sous étiquette Effendi.
PAN M 360 : En pleine pandémie, tu as conçu et enregistré cet album en France. Pourquoi?
FRANÇOIS BOURASSA : Pour mener sa carrière de chanteuse qui va bien là-bas, ma conjointe ( Jeanne) vit à Paris avec Gaspard, mon p’tit dernier. Je fais pas mal d’aller-retours, et ce n’est pas évident de voyager actuellement. Je m’y suis rendu en janvier dernier et suis revenu à Montréal il y a quelques semaines pour jouer au festival Jazz en rafale. Je retourne en France cette semaine et serai de retour au Québec en juin, avec ma petite famille. De mon côté, j’ai pris ma retraite de l’enseignement et me consacre entièrement à ma carrière de musicien.
PAN M 360 : Un album solo était attendu de ta part. Depuis longtemps?
FRANÇOIS BOURASSA : J’y pensais, j’en parlais… mais je ne le faisais pas. Je l’ai finalement enregistré au studio La Buissonne, à Pernes-les-Fontaines, soit à une quarantaine de kilomètres d’Avignon. Alain Bédard (propriétaire de l’étiquette Effendi) m’en avait fait la suggestion. Plusieurs artistes des labels ECM et Act y enregistrent. Gérard de Haro, qui gère ce studio, c’est de l’or. J’ai adoré travailler avec lui! L’équipement, le piano, l’espace… super expérience. Ça s’est fait les 28 et 29 septembre dernier.
PAN M 360 : Les pièces de ce nouvel album ont-elle été enregistrées récemment?
FRANÇOIS BOURASSA : J’ai commencé à en composer la très grande majorité pendant le confinement. J’en avais déjà deux au départ. D’abord, Épilogue 1983 est une vieille composition de… 1983. Une courte pièce avec laquelle je conclus cet album. J’avais écrit Musique pour film il y a plus d’une dizaine d’années, soit pour un concept de piano et cinéma muet à la Cinémathèque québécoise. Toutes les autres pièces ont été composées très récemment, au maximum 18 mois.
PAN M 360 : Les références mises en relief dans cet album vont bien au-delà du jazz. Un aperçu?
FRANÇOIS BOURASSA : J’écoute plus de jazz que tout autre genre musical mais j’écoute aussi beaucoup de musique contemporaine. Morton Feldman, Anton Webern, Stockhausen. J’écoute aussi énormément de musique classique. Scriabine, Debussy, Ravel… j’ai toujours adoré ça. Plus jeune, j’étais surtout du côté romantique et impressionniste alors que maintenant j’aime aussi les dissonances. Dans le même esprit, j’aime le jazz moderne « traditionnel » mais aussi le jazz exploratoire. C’est toujours un mélange des deux.
PAN M 360 : Quelle est la part d’écriture et quelle est la part d’improvisation dans cet album?
FRANÇOIS BOURASSA : Il y a trois possibilités : écriture, improvisation et structures, improvisation libre. L’improvisation est totalement libre dans les pièces Arch 65 et La Buissonnne. Cette dernière provient d’une proposition de Gérard de Haro en fait. Il m’a dit : « Pourquoi ne fais-tu pas une impro complètement libre, inspirée des lieux, où tu te trouves en ce moment? » Il m’a ensuite recommandé de penser à l’espace ambiant. J’ai vraiment exploité les lieux, j’ai écouté les harmoniques du piano.
Blues masqué et les trois Interludes (X, Y, Z) sont totalement écrites, je me permets quand même de petites variations en temps réel, mais c’est comme de la musique classique. Les autres pièces incluant l’improvisation se trouvent plus dans les structures. Small Head, par exemple, comporte un thème joué sur différents tempos, ça dépend du mood. L’impro y est libre. Triadique est fondée sur des triades mineures (groupes de trois notes, accords à trois sons en mode mineur). La forme est standard, il y a une progression harmonique. Andante, c’est plus romantique, un peu dans le style de Scriabine. Gaspard a été composée pour mon fils pendant le confinement, je voulais une espèce de chanson, une mélodie plus accessible.
PAN M 360 : L’impact du silence est le titre de cet album solo. Où se trouve selon toi la réelle puissance du silence dans ce projet?
FRANÇOIS BOURASSA : L’impact du silence, ce sont les pauses conscientes pendant l’exécution. C’est la contemplation des harmoniques, l’introspection, l’intention de ne pas précipiter les choses. C’est la respiration entre les idées. C’est aussi la liberté : je suis seul, je suis libre de prendre mon temps, j’ai plus de marge de manœuvre que si je travaille en groupe, c’est plus rubato. Je voulais quand même des contrastes, que ce ne soit pas trop planant. Il fallait plus de dynamique qu’un album absolument calme, il fallait des surprises rythmiques, de la spontanéité. D’une exécution à l’autre, les impros sont différentes; ce que j’ai fait à Jazz en rafale était assez différent de l’album.
PAN M 360 : D’où l’intérêt d’écouter l’album et de visionner le concert! Le concert présenté en temps réel, soit le 10 avril dernier, est rediffusé dès le 16 avril. Nous ajouterons le lien de l’accès à la webdiffusion aussitôt l’offre mise en ligne. L’impact du silence est officiellement lancé ce vendredi, sous étiquette Effendi.