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Jérome Casabon est l’un de ces valeureux créateurs qui croient en leur art et en leur métier, s’abstenant de sauter les étapes, prenant le temps de perfectionner leurs techniques chansonnières. Son parcours en témoigne : finale du Festival international de la chanson de Granby en 2008, aventure collective avec le groupe Casabon – qui a fait paraître deux albums, Faites comme chez vous (2010) et Tornade (2012) –, album Pas pire content (2017), participation à l’émission La Voix en 2018, puis microalbums Toutes les fois (2019) et Le plus heureux des hommes (2020). Pour faire évoluer sa composition et son écriture, Jérome n’hésite pas à s’entourer de collègues talentueux comme Michel-Olivier Gasse (Saratoga), Pierre-Hervé Goulet et Nicolas Gémus. Il lance ces jours-ci son deuxième album complet, Le savoir aquatique, un recueil drôle, émouvant et chaleureux de onze pièces bien abouties. Pan M 360 a pu s’entretenir avec Jérome.
Pan M 360 : Tout d’abord, bravo pour Le savoir aquatique, une autre solide pierre à ton édifice chansonnier. Tu alternes plus que jamais les genres, sur ce nouvel album : du folk à l’électro-pop, de la pop de chambre à la power pop et ainsi de suite. Est-ce que tu choisis systématiquement le genre en fonction du texte, ou alors ça se passe plus aléatoirement?
Jérome Casabon : Bonjour, merci beaucoup pour votre appréciation de l’album, je suis vraiment content et soulagé par cette sortie et par l’accueil positif qui en découle. Un an et demi de travail sans trop de parenthèses, hormis quelques spectacles! Effectivement, je n’ai pas encore choisi mon camp quant au style musical, je joue dans plusieurs équipes, mais c’est comme ça. Les débuts de chansons viennent souvent avec un bout de paroles, une mélodie et quelques accords de guitare qui me donnent l’envie de m’atteler à la tâche et de finir le tout. Ça fait 18 ans que j’écris des chansons et je deviens pas mal plus méticuleux. Ça devient donc une extrême satisfaction de finir une toune, un genre de ruban d’arrivée après un 42 km de marathon. Je ne pose pas la question à savoir si la pièce est en accord avec l’album. C’est plus; « Wow j’ai fini une toune, on l’aime, on la met ». Le style choisi se définit également lors des répétitions avec les musiciennes et musiciens, ainsi que pendant l’enregistrement. Si des chansons comme La Patinoire 2 et Chaloupe sont pas mal comme ma version originale guitare-voix (accompagnées d’ornements), des chansons comme Fumer la clope, Océan et Drôle de rêve ont trouvé une nouvelle identité lors de ces répétitions. Je ne connais pas le terme « pop de chambre », mais j’imagine ce que c’est; est-ce pour la chanson Robe jaune?
Pan M 360 : Oui, mais je dirais surtout Le temps du festival. Ça renvoie à la musique classique pour petits ensembles, genre violon, violoncelle, basson, cor; quand la pop est légèrement étoffée d’instruments semblables, on peut appeler ça de la pop de chambre. Tu alternes les tons aussi. Les textes ne sont jamais lourds, mais certains sont plus sérieux ou nostalgiques, comme La patinoire 2 ou Le temps du festival. Te sens-tu aussi à l’aise dans l’écriture-composition de ces chansons?
Jérome Casabon : Oui j’en suis à l’aise en matière d’écriture. C’est sain pour moi d’essayer de faire un disque qui reflète un peu ma vie. Effectivement, j’aime rire, j’aime la compagnie, mais j’ai mes blues, mes angoisses et je veux aussi les mettre sur papier. Je crois que la difficulté vient du fait de les jouer en public. Comme le spectacle est plus axé sur mon côté jovial, et que le public et moi-même sommes en mode festif, c’est parfois difficile de faire passer deux ou trois ballades au milieu de tout ça.
Pan M 360 : Tu accordes manifestement beaucoup d’importance aux textes et à leur qualité, depuis pas mal toujours. Tu t’es d’ailleurs entouré de collaborateurs costauds à cet égard. D’où te vient ce souci?
Jérome Casabon : Bien merci pour la mention! Lorsque j’étais au sein de mon groupe Casabon (de 2006 à 2013), j’écrivais les paroles tout seul et il n’y avait personne qui les retouchait. Quand je suis tombé en solo, j’ai peut-être voulu garder un esprit collectif et j’ai commencé à collaborer, pour l’écriture, c’était plus le fun et ça me faisait évoluer. J’ai écrit l’album Pas pire content avec Mathieu Leclerc, j’ai fait mes EP avec plein d’amis et amies qui avaient de bonnes idées, puis j’ai coécrit le dernier disque avec Pierre-Goulet. La pandémie est arrivée, je venais de sortir un EP, j’avais 15 débuts de chansons. J’ai proposé à Pierre-Hervé qu’on les termine ensemble, il a embarqué comme si c’était son disque. Une chanson à la fois. Michel-Olivier Gasse était le coach plus expérimenté, qui nous relançait et qui nous le disait lorsqu’un couplet était écrit un peu lâchement. Pierre-Hervé et moi avons trouvé un équilibre par rapport à nos deux philosophies d’écriture : moi qui retravaille sans cesse et qui manque un peu de confiance, et lui qui écrit plein de tounes, comme des pulsions qu’il laisse vivre ensuite sans retouche. Même si nous coécrivons 50-50, la règle est que le concept de base vient de moi, ces collaborateurs et collaboratrices m’aident à faire aboutir le projet que j’ai en tête.
Rosemary Mc-Comeau, Nicolas Gémus, Mélodie Spear et Tire le Coyote (NDLR : Benoit Pinette) ont également participé et mis leurs petites touches.
Les gens qui m’interviewent me disent « Tu t’entoures bien pour l’écriture! »! Je leur dis « Tant mieux », mais ce sont avant tout des gens avec qui je m’entends super bien, il n’y a pas de collaborations forcées.
Pan M 360 : Quand tu fais allusion à une icône culturelle de jadis comme David Hasselhoff, tu ne crains pas de perdre dans la brume la portion juniore de tes admirateurs?
Jérome Casabon : Excellente observation, je crois que cette phrase fait exception au code de conduite que je me donne pour l’écriture. J’essaye généralement d’écrire des textes qui auraient pu vivre en 1960 comme ils pourraient vivre en 2060. Donc, d’éviter des références actuelles qui pourraient être appelées à disparaître. Exemple, je ne dirai jamais « Je t’ai envoyé un texto », peut-être qu’on va s’envoyer autre chose dans dix ans. Tout ça pour dire que cette référence fait exception et que je n’y avais pas pensé. En espérant que les jeunes fassent leurs recherches et se rendent compte que ce Hasselhoff était un pas pire beau bonhomme sauveteur! Ça me fait penser à un contrat chansonnier que j’avais fait à la P’tite Grenouille Lévis en 2018. J’avais joué La rue Principale (NDLR : Chanson des Colocs) devant des jeunes de 18 ans qui n’avaient pas l’air de connaître ça pantoute… D’habitude, c’est une chanson « coup sûr ». Les modes changent vite et le pont est quand même long entre quelqu’un qui a 20 et quelqu’un en a 30. À réfléchir. Ça me rassure que les Cowboys Fringants et Jean Leloup réussissent à rajeunir leur public.
Pan M 360 : Trouves-tu que Le savoir aquatique est ton album le plus abouti musicalement, en matière de composition, d’arrangements et d’ornements?
Jérome Casabon : C’est l’album dont je suis le plus fier, je n’hésite pas à dire aux gens qui m’abordent de prendre 30 minutes pour l’écouter au complet. En avril 2020, j’ai dit à mon réalisateur Ben Shampouing que je voulais qu’on passe plus de temps en studio, qu’on essaye des trucs. L’album est plus pop, moins garage mais c’est vraiment assumé. Cédric Martel et Shampouing ont été d’une grande générosité et ont vraiment bien peaufiné les titres de l’album. Moi, je suis un trouveur de thèmes et de mélodies et eux travaillent le reste des arrangements et la prise de son.
Pan M 360 : Les concerts et tournées reprennent, tout le monde est heureux. Est-ce qu’on pourra t’entendre et te voir sur scène dans les mois qui viennent?
Jérome Casabon : J’ai joué au cégep Limoilou, le 17 novembre, mon spectacle-lancement était le 19 à la Ninkasi, je joue au Quai des brumes à Montréal le 23 et à Ripon le 26. Sinon, ma coordonnatrice de concerts et moi sommes en train de planifier une tournée qui se déroulera entre avril et octobre 2022, en plus d’aller jouer à Bordeaux en France au mois de septembre, grâce à un concours que j’ai gagné à l’Ampli de Québec.
Pan M 360 : Bonne suite et merci, Jérome Casabon, pour cette entrevue!