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Nous nous sommes entretenu avec le sympathique maestro trifluvien afin de jaser, comme ça, du répertoire des deux prochains concerts (Prokofiev, Fauré, Saint-Saëns, Haydn, etc.), de conséquences post-pandémie et même de cuisine.
Pan M 360 : Bonjour Jacques. C’est un réel plaisir de vous retrouver à la barre de l’OSM, à Lanaudière ET devant un public en chair, en os et en ouïe!
Jacques Lacombe : Croyez-moi, le plaisir est partagé! Un bon concert, ce sont des bons musiciens ET un bon public dans la salle!
Pan M 360 : Qu’est-ce que ces retrouvailles représentent pour vous?
Jacques Lacombe : Pour moi, la symbolique est importante. Le Festival de Lanaudière a été l’une des premières organisations d’envergure à m’offrir la chance d’exercer mon métier au tout début de ma carrière. Les gens du festival ont cru en moi et pour cela, je leur en suis reconnaissant. Qui plus est, j’ai été absent de la programmation les 17 dernières saisons, pour des raisons d’horaires impossible à concilier. Vous pouvez imaginer à quel point dans ce contexte, en plus de celui de la (touchons du bois!) fin de la pandémie, c’est très émouvant pour moi.
Des bénévoles du Festival, qui faisait partie du Chœur du Festival que j’ai dirigé il y a bien longtemps, m’ont apporté des photos de cette belle époque. J’ai été profondément touché. Diriger ici, et l’OSM en plus, devant des auditeurs aussi fidèles, attentionnés et bienveillants, c’est presque des vacances!
Pan M 360 : Quels défis y a-t-il eus dans la conception des programmes?
Jacques Lacombe : Oh, c’est assez simple en fin de compte. On se parle quelques mois à l’avance, avec des noms de solistes invités et on concocte le tout en collégialité, moi avec les gens du Festival et de l’OSM. On en est arrivé à des programmations qui reflètent parfaitement l’esprit de cet événement : offrir de la musique de qualité, à la fois connue et moins connue, dans un contexte estival et champêtre. Voilà pourquoi le répertoire du concert du 30 (vendredi) a été conçu autour de la thématique de la période classique, car la claveciniste Mélisande McNabney sera la soliste. Le Concerto champêtre de Poulenc est une rare oeuvre pour cet instrument avec orchestre dans la musique du 20e siècle. Ce sera une belle découverte pour le public qui ne la connaît peut-être pas encore. Autour de cela, nous avons convenu d’offrir la très belle Symphonie classique de Prokofiev et une ‘’vraie’’ symphonie classique, la no 104 de Haydn. Il y a aussi l’avantage que ce répertoire est conçu pour un ensemble de 50-60 musiciens, le maximum que l’on peut se permettre,distanciation sur scène oblige. On ne pouvait pas envisager quelque chose de plus imposant en termes d’effectifs. Au final, ce sera parfaitement adapté à l’ambiance du lieu.
Pour le deuxième programme, celui du 31 (samedi), les forces sont assez semblables, mais au service de la thématique du romantisme français. Avec ce nombre qui, je crois, raviront les spectateurs, avec de la musique d’une grande beauté mélodique et orchestrale : la suite Pelléas et Mélisande de Fauré, la Symphonie de Bizet (une superbe œuvre de jeunesse, autrefois souvent jouée par l’OSM, mais échappée du répertoire régulier depuis quelques années) et une autre jolie découverte, le Concerto pour violoncelle no 2 de Saint-Saëns avec Bryan Cheng. C’est une pièce que je dirigerai pour la toute première fois.
Pan M 360 : Qu’avez -vous découvert de plus intéressant ou surprenant dans ces oeuvres que vous abordez pour la première fois?
Jacques Lacombe : Le Poulenc est très bien écrit. Vous savez, un clavecin ça ne projette pas aussi fort qu’un piano, loin de là! Il y a donc toujours ce danger que l’orchestre écrase le pauvre petit instrument. Mais Poulenc a su bien doser les interventions de l’un et l’autre et équilibrer de belle manière tout le discours. Qui plus est avec sa verve mélodique et ses fabuleux talents de coloriste orchestral, ça donne quelque chose de superbe.
Le Concerto de Saint-Saëns, lui, est d’un ordre un peu différent. C’est le genre d’œuvre, typique de certaines autres pièces de ce compositeur français, qui peut nous laisser sur notre faim si on ne fait que jouer les notes et les indications sur la page. Il faut mouiller sa chemise et s’investir davantage pour le faire rayonner à son plein potentiel. Il faut aussi faire preuve de créativité face à la partition. Cela dit, ce n’est pas un défaut en soi. Plusieurs œuvres grandement appréciées sont comme ça. Il suffit d’y ajouter un petit supplément d’âme pour être entièrement à la hauteur de son potentiel brut.
L’intérêt supplémentaire de cette présentation, c’est que Bryan jouera sur le violoncelle (un Stradivarius) qui a créé l’œuvre en 1902! Voici donc l’instrument qui a joué les notes que Saint-Saëns a entendues pour la première fois dans sa forme finale! C’est une belle affiche, quand même.
Pan M 360 : Parlons pandémie! Comment l’avez-vous vécue?
Jacques Lacombe : Je dois avouer que je m’en suis assez bien sorti. Je suis d’un naturel solitaire, ce qui dans les circonstances était un avantage. J’en ai profité pour me replonger dans certaines partitions. Une semaine, je me disais ‘’Tiens, je vais relire toutes les symphonies de Beethoven’’. Et puis ensuite, ce pouvait être des symphonies de Mozart, Schumann ou Brahms. Et puis à d’autres moments je me suis plongé dans des opéras que je n’avais jamais pris le temps d’apprendre in extenso. Fidelio de Beethoven, par exemple, puis Don Giovanni de Mozart. Au-delà de ça, j’ai beaucoup lu et j’ai développé mes talents de cuisinier!
Pan M 360 : Un talent assez agréable à partager, surtout pour les invités!
Jacques Lacombe : Oui, en effet! Ils sont gâtés en général, car j’aime m’occuper de tout. Le menu, les courses, la préparation. Je fais tout cela et je mets du jazz. La vie est belle.
Pan M 360 : Vous avez tout de même réussi à enregistrer en février dernier une version hautement applaudie du Mort à Venise de Britten, basé sur Thomas Mann bien entendu, avec l’Orchestre de Mulhouse. Comment tout cela s’est déroulé?
Jacques Lacombe : Très bien, dans les circonstances. Nous étions testés pour la COVID toutes les semaines! La mise en scène a dû être adaptée. Par exemple, les choristes ont dû porter des masques, même lors de l’enregistrement sur scène. Mais, l’ironie suprême, c’est que ça marchait parfaitement avec le scénario de l’œuvre! Mort à Venise, ça se passe pendant… une pandémie! On était ‘’dedans’’, mettons!
Pan M 360 : La pandémie a fait des ravages et laissera des cicatrices, entre autres en ce qui concerne le rythme de travail. Pensez-vous reprendre le genre d’allure professionnelle qui était la vôtre avant l’imposition d’une vie au ralenti par la COVID?
Jacques Lacombe : J’espère ne jamais reprendre ce rythme. On s’aperçoit qu’on peut être bien à ne rien faire!! Avant la pandémie, je pouvais faire au moins une vingtaine d’allers-retours Amérique-Europe, parfois deux fois par semaine. Un moment donné, j’ai mené de front deux productions d’opéras, une à Vancouver (Turandot), une autre en Europe (Carmen). Pendant deux semaines, j’ai voyagé Vancouver-Europe avec le décalage. Même si je dors bien en avion et que le décalage ne m’affecte pas tant que ça, la pause de la pandémie a donné l’occasion à mon corps de me dire ‘’Tu t’es démené? Là tu vas me rembourser!’’
C’est l’une des raisons qui m’a amené à ne pas renouveler mon engagement avec l’orchestre de Mulhouse.
Pan M 360 : Quels sont vos plans?
Jacques Lacombe : Oh, j’ai encore des engagements, comme un Werther à Nice, et d’autres au Deutsche Oper Berlin quand les programmations qui étaient prévues avant la pandémie reviendront à l’affiche. Aussi un Hamlet d’Ambroise Thomas à Saint-Étienne, des concerts avec l’OSQ et l’OSM, etc. Je poursuis également mon travail au Conservatoire de Montréal. Je serai occupé, mais plus sainement, disons.
Pan M 360 : Vous aurez donc plus de temps pour exercer vos talents de chef… cuisinier.
Jacques Lacombe : En effet! Il faut venir goûter mes pâtes aux champignons!