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Bien en selle en tant que directeur artistique, Jean-François Rivest clôt la saison 2022-2023 de l’Orchestre de chambre I Musici de Montréal par un concert bénéfice avec son ami et collègue de longue date Louis Lortie.
Le pianiste profite ici de l’occasion pour interpréter deux concertos de Mozart qui avaient jadis lancé sa carrière discographique chez Chandos, label internationalement renommé qui avait découvert le virtuose québécois dans un contexte très spécial, soit à l’époque où I Musici était dirigé par son regretté fondateur, le grand violoncelliste et directeur artistique Yuli Turovsky.
PAN M 360 a réuni Louis Lortie et Jean-François Rivest pour qu’ils évoquent quelques souvenirs communs ayant mené beaucoup plus tard à ce programme très spécial pour eux, car le maestro et le soliste se rencontrent une toute première fois sur scène dans leurs rôles respectifs.
PAN M 360 : Commençons par un peu de « human interest ». On dit que vous vous connaissez depuis longtemps. C’est bien ça?
LOUIS LORTIE : Devinez jusqu’à quand ça remonte?
PAN M 360 : École secondaire?
LOUIS LORTIE : Avant!
PAN M 360 : La maternelle?!
LOUIS LORTIE : Quand même pas mais le premier disque qu’on a fait, nous étions de très jeunes musiciens.
JEAN-FRANÇOIS RIVEST : Toi tu es de 1959 et moi de 1958.
LOUIS LORTIE : Ce disque a été fait en 70, on avait 11 et 12 ans.
JEAN-FRANÇOIS RIVEST : Nous avions tous deux gagné un concours nommé les Lions de Laval nous ayant menés à ce disque.
LOUIS LORTIE : Moi j’ai encore ma copie. L’as-tu toujours Jean-François? Il y a une photo de groupe sur la pochette.
JEAN-FRANÇOIS RIVEST : Je l’ai perdue…
LOUIS LORTIE : Oh oh…
JEAN-FRANÇOIS : Il est peut-être dans mes boîtes… J’avais joué un Impromptu de Schubert… On était des petits kids. Des années plus tard, nous nous étions retrouvés dans Charlevoix à faire du canoë et de l’escalade.
LOUIS LORTIE : Aussi par hasard, on avait un ami en commun que Jean-François avait connu au secondaire et moi au cégep.
PAN M 360 : Venez-vous du même quartier?
LOUIS LORTIE : Pas du tout, nous venons de deux quartiers différents de Laval. Mais plus tard, j’ai habité à Montréal sur Hôtel-de-Ville près de Rachel et Jean-François n’était pas loin, il a même habité dans ma maison pendant un an. Mais la connexion la plus hallucinante entre nous a eu lieu pendant la COVID. J’étais bloqué au Québec au début de la COVID, il fallait vider l’appartement de ma mère décédée à Chicoutimi. Je faisais ça avec ma sœur qui habite à Jonquière et qui m’avait suggéré de venir puisque je ne pouvais plus voyager. Alors je me suis dit oui, c’était la meilleure chose à faire. Alors je m’en vais au Saguenay, je loue une maison pour une semaine au départ, puis plus longtemps. Et je ne sais pas trop pourquoi, j’ai pensé à Jean-François qui m’avait déjà dit avoir habité un certain temps dans ce coin. Je me suis dit « C’est le genre de maison où Jean François habiterait. Et quand je suis revenu à Montréal après, il faut que je l’appelle, il faut que je lui parle. Il faut que je lui parle de ça ? Oui, c’est ça. Et la blonde de Jean François éclate en pleurs parce qu’elle n’en revenait pas que je me sois retrouvé dans la maison dans laquelle vous aviez eu deux enfants.
JEAN-FRANÇOIS : Oui, j’ai habité six ans dans cette maison là, puis ça a fini avec deux enfants. C’est quand même fort ça, non?! Quand il m’a montré une photo de la vue du balcon sur le Saguenay, je savais que c’était chez nous, je connaissais la vue par cœur. Les connexions sont fortes. On a déjà fait des folies comme passer la nuit à écouter toutes les versions de la dernière sonate de Schubert… une sorte de folie. Mais… c’est vraiment la première fois qu’on joue ensemble chef et soliste. Faque c’est le fun.
PAN M 360 : Vous-êtes vous perdus de vue par bouts?
JEAN-FRANÇOIS: Oui oui, tout à fait.
LOUIS LORTIE : Après l’histoire de la maison, on ne s’était pas vu pendant un bout de temps jusqu’à ce qu’on se voit à Montréal et que Jean-François m’apprenne qu’il était devenu le chef permanent de l’Orchestre de chambre I Musici de Montréal. Et je lui ai dit là, ce serait vraiment le moment de jouer ensemble… si on ne le fait pas maintenant, on ne va jamais le faire.
JEAN-FRANÇOIS : Là il y a vraiment une belle histoire à raconter, Louis va me corriger si je me trompe. Yuli (Turovski) avait engagé un pianiste, je pense le petit fils de Chostakovitch, pour enregistrer. Et Louis était venu le remplacer au pied levé, problème d’avion ou quelque chose comme ça. Les ingénieurs du son de l’étiquette Chandos étaient sur le cul, ils avaient demandé à Louis « T’as tu un contrat de disque ? » Il avait dit non. C’est ainsi qu’il avait obtenu son premier contrat de disques chez Chandos.
LOUIS LORTIE : Ce fut mon premier album avec orchestre.
JEAN-FRANÇOIS : Et depuis il a fait une cinquantaine d’albums chez Chandos.
LOUIS LORTIE : Et j’ai dit à Jean-François pourquoi ne pas faire un remake de programme avec I Musici? Après tout à cette époque, il n’y avait pas tant d’artistes québécois sur des étiquettes internationales. C’était un moment assez spécial, c’était pour moi immense ce premier enregistrement.
JEAN-FRANÇOIS : Alors on vit cette expérience et on a beaucoup de plaisir.
PAN M 360 : C’était donc relativement difficile de vous croiser pour un tel projet, car vos horaires, on l’imagine, sont très chargés.
JEAN-FRANÇOIS : Oui mais en vieillissant, on s’assagit quand même un peu. J’ai passé ma vie à me dire mon Dieu que je suis occupé. Je ne le dis plus. Et Louis, qui court toujours d’une ville à l’autre, n’a pas perdu son sens de l’humour.
LOUIS LORTIE : Mais je dirais qu’il y a certaines blagues qu’on n’a plus le droit de faire (rires)
PAN M 360 : Alors revenons à la musique. Ce concert bénéfice de l’orchestre de chambre s’inscrit-il dans une phase de reconstruction?
JEAN-FRANÇOIS RIVEST : Ben… faut faire attention parce qu’il ne faut pas jeter à l’eau ce que Jean-Marie (Zeitouni) a fait pendant 10 ans. Il a fait des choses très différentes. Il a amené I Musici en dehors de sa nature première, l’orchestre à cordes. Ils ont fait beaucoup d’orchestres avec beaucoup de vents ajoutés, des choses comme ça, qui ont coûté de la base. Moi, je me suis fait un devoir de ramener le cadre vers l’ADN de I Musici qui est vraiment la musique pour cordes. Je ne me gêne donc pas de transcrire des quatuor à cordes, des symphonies et autres choses comme ça. Je ne me gêne pas, mais c’est vraiment les cordes qui sont à l’honneur. Ce n’est pas tant une reconstruction qu’un recentrage. Nous développons ainsi quelque chose ensemble.
PAN M 360 : Parlons du programme de ce concert bénéfice , vous avez choisi de jouer du Mozart.
JEAN-FRANÇOIS RIVEST : Ce sont deux concertos dont la partie des vents est importante, pas super importante. Ce sont deux concertos qui, je dirais, ont une grâce extraordinaire. Les idées ne sont pas la révélation du siècle, les idées sont simples, mais c’est ce qu’il fait avec qui nous jette à terre. C’est extrêmement subtil, il faut marcher sur des œufs lorsqu’on joue cette musique. Et en même temps, c’est le souffle au sein de cette musique qui compte. Je suis épaté par ce long discours, ces messages qui s’accrochent les uns après les autres… début, fin, question, réponse, insistance, parenthèse, etc. Le discours est extrêmement riche et pourtant c’était fondé sur des idées simples.
PAN M 360 : Et donc il s’agit d’un programme « remake ».
JEAN-FRANÇOIS RIVEST : Ce sont effectivement les mêmes pièces que Louis avait jouées avec I Musici au début de sa carrière, enregistrées chez Chandos. Aussi, nous jouons un Divertimento pour ouvrir la soirée. Encore une fois, tout simple et full parfait.
LOUIS LORTIE : Évidemment, c’est les concertos que j’ai joués parce que c’est vraiment ça qui est le plus marquant. C’est toujours un défi pour moi, Mozart. Je me rappelle, c’est la première fois que j’ai joué Mozart, c’était vraiment extrêmement nerveux. C’est peut être le compositeur… si on s’accroche, parce qu’on sait bien qu’il y a une erreur, ce n’est pas l’importance de l’interprétation, ce n’est pas de faire autre chose. Mais quand on joue Mozart, on a l’impression que si on n’est pas parfait du début à la fin, il y a quelque chose qui vient d’être dit. Tout était tellement parfait chez Mozart, vraiment, ça nous dépasse. Et donc, comme ça m’était particulièrement contraignant, j’ai décidé d’apprendre tous les concertos de Mozart, je les ai tous joués et les ai repris régulièrement et ils vont chacun dans des mondes complètement différents. Vraiment d’une richesse inouïe.
CRÉDIT PHOTO : I MUSICI
PROGRAMME
Mozart
Divertimento K. 138 en fa majeur
Durée: approx. 13 minutes
Mozart
Concerto pour piano K. 414
Durée: approx. 23 minutes
Mozart
Concerto pour piano K. 449
Durée: approx. 23 minutes
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