Denise Rabe : jouer avec les frontières de la techno

Entrevue réalisée par Elsa Fortant
Genres et styles : électronique / techno

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Au contact des musiques électroniques (drum’n’bass, jungle, house) depuis son adolescence, Denise Rabe a suivi un chemin créatif jalonné d’étapes et de rencontres qui l’ont, en tant que DJ et productrice, graduellement menée vers l’univers techno, où elle a trouvé sa place. Depuis, l’Allemande a joué dans les clubs les plus réputés de son pays et a collaboré avec des figures de l’industriel atmosphérique et de l’abstract-techno comme le producteur Rrose et Shxcxchcxsh. L’unicité de l’œuvre de Denise Rabe s’illustre à travers le brouillage subtil des frontières entre l’expérimental et la techno purement orientée dancefloor, comme le prouve son dernier EP Blame Me, avec des remix de The Advent, TWR72 et Cri Du Cœur. 

DJ set hör

PAN M 360 : Pouvez-vous vous présenter à travers deux ou trois événements ou rencontres, au cours de votre carrière, qui ont fait de vous l’artiste que vous êtes aujourd’hui?

Denise Rabe : Les rencontres les plus importantes ont eu lieu lorsque j’avais 16 ans. Mon ami Exzeme m’a appris le turntablism. J’ai adoré et j’ai acheté ma première Technics. Ma première petite expérience sur scène m’a fait tellement peur que je n’ai plus jamais voulu le faire en public. 10 ans plus tard (2011) quand j’ai déménagé à Berlin (ce qui a tout un univers en soi, pourquoi et ainsi de suite, mais on veut faire court ici) j’ai changé d’avis et j’ai voulu me lancer et j’ai enregistré mon premier set Soundcloud. C’est là que j’ai rencontré les mecs de Legotek et que j’ai fait des concerts à About Blank, Sisyphos, GoldenGate, Tresor… 2014, j’ai rencontré Emmanuel d’ARTS lors d’un concert de Tresor, on a traîné ensemble après et je lui ai montré mes premières productions, il a aimé et c’est comme ça que mon premier EP avec l’incroyable Rrose Remix est né.

PAN M 360 : Que pouvez-vous me dire du processus créatif et de l’inspiration pour Blame Me?

Denise Rabe : C’est toujours la question la plus difficile à répondre pour moi. Cela commence par un enregistrement et m’emmène ensuite dans un endroit où je n’avais aucune idée de ce que je ferais. Mais je me souviens que je voulais travailler avec des sons acid. Il s’est avéré que le son ne ressemblait pas du tout aux morceaux habituels d’acid, je dirais même pas du tout. Mais c’est tout à fait normal dans mon processus : je commence par une inspiration et à la fin, même moi, je n’entends plus le lien. Mais j’aime que ce soit si surprenant et c’est important pour moi dans un processus créatif. Trouver sa voie et son son. Si je veux faire quelque chose de spécifique, je finis par être frustrée la plupart du temps. J’ai besoin de suivre le courant.

PAN M 360 : À propos de l’art du remix en général, est-ce quelque chose que vous aimez faire? Quelle est votre approche de cet exercice spécifique?

Denise Rabe : Cela dépend, si les sons sont intéressants, il est plus facile de travailler avec et c’est plus inspirant. C’est nettement plus difficile quand la piste a un hi-hat, un clap, un kick et un ou deux sons seulement. Le dernier cas est plus difficile, c’est certain, mais c’est aussi un bon défi et un bon entraînement pour travailler vos compétences. Faire un bon morceau avec peu d’éléments n’est pas si facile. Mais oui, la plupart du temps, je prends plaisir à le faire.

PAN M 360 : Quand j’écoute votre musique, je trouve qu’il y a un équilibre intéressant entre les éléments musicaux orientés vers le dancefloor et ceux plus contemplatifs ou expérimentaux, est-ce qu’un côté influence l’autre et si oui, comment?

Denise Rabe : J’ai toujours une part de moi qui veut faire des trucs pour le dancefloor et l’autre moitié est plus du côté artistique des choses. Je veux que ce soit dansant, car chaque producteur (Techno) veut entendre ses morceaux joués par d’autres. J’essaie de trouver l’équilibre entre le côté artistique et ce qui fonctionne pour les gens dans les clubs. La musique doit venir naturellement parce que c’est quelque chose de très personnel et je dirais que ma musique l’est, et surtout j’ai le meilleur flow sur les breakbeats, ça vient plus naturellement. Je ne sais pas pourquoi. Je dirais donc que la musique expérimentale influence la musique dancefloor.

PAN M 360 : Comment organisez-vous votre temps de travail entre la production et le DJing? Comment gérez-vous votre rythme (qui, je suppose, peut devenir rapidement fou à Berlin)?

Denise Rabe : En général, je fais mes trucs de DJ la semaine précédant l’événement, mais ensuite je ne peux pas faire grand-chose d’autre. Cela dépend aussi du nombre de concerts que j’ai et du temps qui s’écoule entre eux. Si je joue plus régulièrement, la préparation des performances est plus rapide. Quand il y a un grand écart, il faut plus de temps pour se souvenir de la musique et m’organiser. Je trouve ça utile de faire des balados pour avoir des choses à passer en revue également. Le numérique est à la fois une bénédiction et une malédiction. Vous n’avez plus besoin de transporter tous les disques, mais la quantité de musique à choisir est trop importante. C’est ce qui me dépasse parfois. Pour la production, je m’assois dans le studio quand je le sens bien. Ce n’est pas tous les jours qu’il faut être créative; j’ai récemment compris que je ne suis pas une machine, et je dois respecter cela. Plus je me mets la pression, moins la musique sort. « Pas de pression » est mon nouveau mantra.

Photo de Katja Ruge

PAN M 360 : Comment s’est passée la collaboration avec Arkham Audio? Avez-vous des liens avec la scène techno belge?

Denise Rabe : J’ai rencontré Jérôme (Cri Du Coeur) par l’intermédiaire de mon bon ami Sammy, un des gars de CYRK, qui vient de Belgique et gère le label.

PAN M 360 : Vous gérez également votre propre label, Rabe. D’après votre expérience, quels sont les plus grands défis de la distribution de musique, aujourd’hui?

Denise Rabe : En Allemagne, Deutsche Post est devenu le plus grand ennemi des ventes de Bandcamp, ils ont changé les tarifs et la politique d’emballage pour les envois dans le monde entier. D’un autre côté, Triple Vision fait le travail de distribution. Bien sûr, l’aspect environnemental, le temps que cela prend et les coûts vous font réfléchir à deux fois pour presser et quoi presser. C’est aussi la raison pour laquelle j’ai lancé la série Rabexxx, uniquement numérique.

PAN M 360 : Allez-vous présenter le travail d’autres artistes sur Rabe à l’avenir?

Denise Rabe : Pour l’instant, je me concentre sur le côté numérique du label pour travailler avec d’autres artistes dans le cadre de collaborations. La première était avec Ricardo Garduno. Je suis assurément d’accord avec l’ouverture du label dans le futur, mais pas encore. Nous verrons, je veux que cela se fasse naturellement.

Photo de l’en-tête : Meike Kenn

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