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Growl? Scream? Fry? Comment s’y retrouver dans toutes ces techniques vocales que l’on entend dans le punk, le métal et ses genres adjacents? L’écrivaine et animatrice radiophonique Jolène Ruest a recensé les femmes qui s’adonnent à ces techniques à travers le spectre de la musique underground et a créé la plateforme en ligne qui pourrait bien devenir l’outil de référence ultime pour les fans, les artistes et les équipes de programmation de spectacles : Gueuleuses.
Observatrice chevronnée des scènes musicales underground du Québec, Jolène a rencontré PAN M 360 pour répondre à quelques questions au sujet de cette plateforme qui sera officiellement lancée le vendredi 8 mars 2024.
PAN M 360 : Votre répertoire des gueuleuses va sortir ce vendredi. Ce projet s’inscrit-t-il naturellement en continuité votre ancienne émission de radio Jolène jase de gueuleuses à CISM? De quelle façon?
JOLÈNE RUEST : C’était juste une saison Jolène jase de gueuleuses, c’est drôle l’impact… C’est vraiment plus personnel. J’ai l’impression que Gueuleuses s’imbrique parfaitement dans mon parcours artistique et professionnel parce que c’est né de Spectacles Bonzaï qui est producteur du projet.
Après la saison de Jolène jase de gueuleuses, je continuais d’archiver plein de chanteuses qui scream et growl. Quand Colin a vu mon fichier Excel, il l’a envoyé au webmestre de Spectacles Bonzaï, puis il a dit « Moi j’aimerais ça, faire un site web avec ça ».
Et le webmestre, il était bien fan de Québec Punk Scene à son adolescence, donc il était comme « ouais, on fait un répertoire! ». Chez Spectacles Bonzaï on a aussi répertorié toutes les salles indépendantes du Québec. On aime ça lister des choses, visiblement! C’était le timing entre avoir travaillé pour Bonzaï et puis ce que je fais artistiquement.
Tu sais, dans tous mes livres, il y a comme des mentions de punk, de métal, de mosh pit. D’avancer cette réflexion-là, cette recherche-là, avec la job, on dirait qu’il y a un point qui se rencontre.
PAN M 360 : Comment l’idée du format d’un répertoire en ligne s’est-elle dessinée?
JOLÈNE RUEST : C’est vraiment parce que c’est notre troisième projet numérique chez Spectacles Bonzaï. Donc c’était déjà, en partant, dans la volonté que ce soit numérique.
Mais c’est drôle parce que Roxana de Your Last Wish, même si elle ne peut pas être au lancement, a tout de même voulu qu’on s’en jase et c’est exactement ça qu’elle m’a dit : « Mais là, ça va faire un livre ça? » Ah non, ça y est! Mais c’est une bonne idée. Mais je suis déjà sur d’autres projets d’écriture. J’avais déjà un projet d’écriture lié à la scène québécoise.
PAN M 360 : Est-ce qu’on parle d’un répertoire qui pourra être construit par la communauté internet, un peu à la Encyclopedia Metallum (metal-archives.com)? Y a-t-il un souci d’exhaustivité?
JOLÈNE RUEST : On ne peut pas être metal-archives à cause de la façon dont c’est informatisé. C’est vraiment compliqué de faire un Wikipédia ou faire un site où il peut y avoir plus qu’un gestionnaire de contenu. Ce que j’ai fait comme compromis… D’une part, je vais vers les gens. Je leur écris quand j’ai des doutes, pour diverses raisons. Avoir écrit à plusieurs gueuleuses, déjà je fais le pont pour avoir le contenu à la source, même si je ne l’ai pas nécessairement fait pour tout… Puis je vais le faire surtout après, parce que c’est plus simple à expliquer avec le site et du visuel.
Mais pour mieux répondre à la question, sur chaque fiche, on un bouton « suggérer une modification ». Pour moi, c’était vraiment très important, que ce soit ta chanteuse préférée ou que ce soit toi même, de pouvoir justement faire des modifications.
Mais c’est vraiment plus un point de vue informatique. On ne peut pas non plus s’embarquer dans un projet aussi complexe. Mais après, ça reste niché. Déjà juste la question : C’est quoi le gueulage? C’est très subjectif et ça va sûrement évoluer avec le temps.
PAN M 360 : Donc c’est vous la principale modératrice pour la recherche de nouvelles données?
JOLÈNE RUEST : Ouais. C’est clair qu’il va en manquer, au final.
Quand je parle de se questionner sur la notion de gueuler, le webmestre m’a dit : « Ah, la chanteuse de Against Me? » puis là j’étais comme « elle gueule tu, elle gueule pas? ». C’est sûr qu’elle chante fort là… et depuis je n’arrête pas d’y penser.
Mais tu vois, ça fait partie des conversations à l’interne. Sinon, Louise Girard, à l’époque, elle m’avait aidé. Et vu qu’elle va être présente au lancement, je lui ai repartagé la liste. Elle m’a renvoyé un band de l’Estrie qui n’a qu’un album sur YouTube. On est dans le pointu de la découverte.
J’espère que les gens seront au rendez-vous pour participer à la chose, parce qu’à chaque fois que j’ai eu des réponses de gueuleuses, c’était très positif et très très généreux. Mais sinon j’ai essayé quand même un peu de m’entourer. Il y a Christine Fortier aussi, qui m’a fait des suggestions.
Il y a tellement d’autres sites blogs qui l’ont fait par le passé, puis qui ont arrêté de faire des mises à jour, d’autres qui le font actuellement, d’autres qui le font seulement dans le punk, ceux qui le font dans le métal, etc. Ve serait vraiment pas humble de ma part de ne pas être reconnaissante de tout le travail de tous plein d’autres fans. Pour moi, c’est de mettre en valeur un effort collectif web et humain aussi sur le terrain là.
PAN M 360 : Quel rôle espères-tu que cette nouvelle plateforme puisse jouer au sein des scènes de musiques extrêmes?
JOLÈNE RUEST : La découverte, tout simplement. On vient de le dire, il ne manque pas de découvertes. C’est sûr qu’on touche à différents genres musicaux qui ne se rencontrent pas nécessairement, donc je pense que ça permet aussi d’aller chercher un large public.
C’est vrai que tu peux aimer le punk, mais ne t’aimes pas nécessairement quand ça gueule non plus. Il y a plein d’entrecroisements intéressants en termes de mélomanes puis de convergence vers un point en commun un peu inusité, le gueulage au féminin.
Mais sinon, d’avoir plus de représentation des femmes, des personnes de minorités de genre, c’est sûr que ça peut devenir un outil pour n’importe quel programmateur, radio ou festival. C’est une volonté d’avoir plus de femmes. Il y aura de moins en moins d’excuses pour dire qu’on ne les trouvait pas. En fait, tu es capable d’en trouver plein dans un milieu hyper niché, donc c’est cool.
PAN M 360 : À quoi peut-on s’atteindre lors de la soirée de lancement de vendredi au Quai des brumes?
JOLÈNE RUEST : À bien du fun!
J’ai l’impression que ça va être tous des amis, donc ceux qui ne le seront pas vont devenir mes amis. Il va y avoir des punks, des métalleux, des gueuleuses qui ne se connaissent pas du tout. J’ai invité toutes les gueuleuses du Québec pour qu’elles soient présentes! Après ça, c’est comme envoyer des lettres avec un pigeon : des fois ça se rend et des fois ça ne se rend pas!
Je pense qu’il va y avoir des rencontres inédites. Peut être que les chanteuses métal peuvent se connaître, mais tu sais, ils ne connaissent pas nécessairement les chanteuses punk. Je pense qu’il y a ce moment-là qui risque d’être très unique.
Sinon Kapitur, je sens que ça va être un bon spectacle. La rencontre avec Louise Girard aussi va être intéressante. Elle se prépare, elle est retournée dans ses recherches et on essaie de déterminer c’est qui les premières gueuleuses? On n’aura peut-être pas de réponse, mais c’est ça qui est le fun avec la soirée. C’est un moment où on construit l’histoire dans un angle féminin. Tu sais, elle n’est pas écrite! Il y a un petit peu de ça qui va se passer dans la soirée je pense.
PAN M 360 : Finalement, où est-ce qu’on peut entendre Jolène Ruest gueuler?
JOLÈNE RUEST : Sur la chanson « Pardon!? » de Ultra Vedge parue en 2021. Simon Gauthier, Il est gentil, il m’a invitée, mais moi je ne gueule pas très bien, donc je suis juste très reconnaissante. Mais j’attends les invitations!