Firas Nassri : un pont entre l’électro et les musiques orientales

Entrevue réalisée par Elsa Fortant

Le producteur montréalais Firas Nassri vient de faire paraître La Levantine, un premier album solo sur lequel s’imbriquent électro et musiques traditionnelles arabes.

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Peut-être connaissez-vous Firas Nassri, moitié de Beige-À-Cœur, duo électro pop montréalais qui a remporté le GAMIQ du EP électro de l’année 2020 pour Moonshine. Signé chez Cosmovision, le jeune producteur sort La Levantine, un premier album solo, plus intime. Les huit compositions, qui mélangent habilement électro et musiques traditionnelles arabes, célèbrent son identité multidimensionnelle.

PAN M 360 : Quels sont tes instruments de prédilection ? 

Firas Nassri : J’ai commencé la guitare électrique assez jeune, vers 15/16 ans. À l’époque je jouais de la musique rock, de la basse dans des groupes. J’ai commencé la production il y a 5 ou 6 ans, et dans la dernière année, pendant le confinement, j’ai commencé à jouer du oud. Si cet été on peut organiser des événements musicaux je compte mettre de l’oud électrique dans mon live set. 

PAN M 360 : Tu es un grand voyageur. Parmi toutes les destinations que tu as visitées, certaines ont-elles été plus marquantes que d’autres ? 

Firas Nassri : J’ai passé pas mal de temps sur la côte pacifique du Mexique, dans le Sud où les styles de musique comme la cumbia, la salsa sont super présents dans la vie quotidienne des gens. Ce sont des musiques très percussives et je pense que oui, à un certain niveau, j’aime avoir beaucoup de percussions de différents styles comme les hand drums et le darbouka dans mes productions électroniques.

PAN M 360 : De quelle façon tes voyages ont-ils influencé tes goûts musicaux ? 

Firas Nassri : Ça fait deux ans que j’écoute vraiment plus de musique arabe des années 1960 et 1970, beaucoup de musique égyptienne, syrienne. J’écoute aussi beaucoup de musique classique arabe, qui correspondrait à la Renaissance en Europe. C’est de la musique qui met les percussions à l’avant-plan et tout ça joue beaucoup sur ce que j’écris en ce moment. 

PAN M 360 : Des artistes en particulier ? 

Firas Nassri : Un groupe berlinois qui s’appelle Shkoon, c’est assez génial. Les mecs reprennent de la musique folklorique arabe. Ce sont des syriens qui vivent en Allemagne. Beaucoup de leurs chansons, surtout les morceaux qui ont bien marché, sont des musiques folkloriques syriennes qui existent depuis toujours, de tradition orale, et dont on ne connait pas les auteurs. Derrière ils en font des productions très allemandes, très clean. Ils maitrisent l’art de prendre le traditionnel, le très très vieux, pour le transformer en productions électroniques assez poussées.

PAN M 360 : Est-ce que ça t’a guidé pour l’écriture de ton album ? 

Firas Nassri : Quand j’écrivais l’album, je me suis mis à écouter de plus en plus de musique traditionnelle arabe. Je ne veux pas réinventer de vieilles compositions; moi ce qui m’intéresse, c’est de prendre des gens qui ne connaissent pas du tout cet univers musical là et faire participer des chanteurs. J’ai envie de mélanger les différentes cultures présentes à Montréal. 

PAN M 360 : Presque toutes compositions sont des collaborations, que peux-tu nous dire à ce sujet ?

Firas Nassri : La plupart des personnes qui ont collaboré à cet album sont mes ami.e.s. Quand je me suis mis à partir dans cet univers de musique traditionnelle arabe, ce sont des gens que j’ai voulu amener avec moi dans ce voyage. Ce sont des gens qui viennent d’ailleurs, qui habitent à Montréal et qui viennent de partout dans le monde. Leur présence apporte une diversité linguistique, de background… Par exemple, on a d’un côté Anqi Sun qui a une formation en jazz, et de l’autre Falco Croatico qui n’avait presque jamais chanté.

PAN M 360 : Tes compositions puisent leur inspiration dans ton origine arabe, qu’est-ce que tes parents écoutaient, quels artistes es-tu allé chercher dans ton héritage culturel ? 

Firas Nassri : Ma mère écoutait énormément une chanteuse libanaise qui s’appelle Fairuz, devenue populaire dans les années 1970. Encore aujourd’hui, c’est la Céline Dion du monde arabe, ça passe partout, quand tu rentres dans un dépanneur, quand tu vas au restaurant, ces chansons sont omniprésentes. Ma mère l’écoutait quand j’étais petit, moi en grandissant pas du tout, jusqu’à tout récemment où je l’ai redécouverte. Fairuz c’est de la musique très pop, occidentale mais avec des influences arabes. J’ai aussi utilisé des échantillons de cette chanteuse là. 

PAN M 360 : Sais-tu ce qui t’as poussé à te réapproprier cet héritage après toutes ces années ?

Firas Nassri : Je ne suis pas trop sûr de savoir exactement mais je pense que c’est en lien avec ce qui se passe à Montréal en ce moment, toute sorte de mouvement comme Black Lives Matter. Peut-être aussi avec le fait que plus jeune je voulais me fondre avec les gens autour de moi qui ne sont pas d’origine immigrante, et tout à coup à Montréal il se passe un truc où tout le monde est fier de ses origines, tout le monde veut parler d’où il vient, ça m’a définitivement aidé. Dans le même ordre d’idée, j’ai rencontré Naïade Aoun il y a deux ans en voyageant au Mexique, ça fait un moment qu’elle vit à Montréal mais elle n’a pas grandi ici, sa famille est arrivée quand elle était adolescente. Sa perspective est complètement différente de la mienne puisque ma famille est venue ici quand j’avais cinq ans. Elle a grandi dans le monde arabe, elle sait parfaitement lire et parler l’arabe, ce que moi je ne sais pas faire. Elle n’a pas vécu les mêmes problèmes identitaires que j’ai pu avoir quand j’étais petit, à essayer de comprendre qui je suis, pourquoi mes parents sont différents des autres gens. Pour Naïade, c’est beaucoup plus simple. Elle est à l’aise dans son identité de libanaise qui vit à Montréal. La rencontrer, faire de la musique avec elle, ça a rendu certaines choses plus simples à comprendre. Je me suis senti plus à l’aise avec mon identité et mes origines. Ce n’est pas toujours facile à Montréal, on a beau dire que la scène est très ouverte, elle ne l’est pas tant que ça dépendant du point de vue où on se place. 

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