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Ce lundi 15 mai au Club Soda, Héron, Jeanne Côté et Parazar se produisent à la grande finale des Francouvertes, c’est évidemment pourquoi PAN M 360 s’entretient avec les trois artistes sélectionnés au terme du processus.
Ayant grandi en Gaspésie et installée à Montréal depuis 2012, Jeanne Côté explore un univers folk alternatif centré sur la chanson et commandé par la voix. En 2019, après avoir joué dans un groupe et étudié la littérature, elle sort un premier EP réalisé par Louis-Jean Cormier, suivi en 2023 par son premier album Suite pour personne. Inspirée par son territoire natal, on retrouve dans ses textes des figures récurrentes telles que la mer, les bateaux, le vent, et l’espace.
Par son écriture, l’auteure-compositrice-interprète se projette à travers les torrents, les vents houleux, et les mers-miroirs des plus calmes et solitaires. À travers le prisme de cette solitude, elle cartographie les régions de l’être, en espérant peut-être pouvoir y bâtir quelques phares pour guider les prochains passants.
Maintenant rendue à l’étape finale du concours, on ne doute pas qu’elle sait faire briller sa lumière.
Créées en 1995, les Francouvertes ont pour but de faire briller les artistes issus de la francophonie canadienne et des communautés autochtones. Lors de chaque spectacle, sont évaluées par un jury ainsi que par le public. Au terme du concours, de nombreuses récompenses sont remises, dont une bourse de 15 000 $ attribuée au gagnant ou à la gagnante. Par le passé, de nombreux artistes et formations de renom tels que Loco Locass, Les Cowboys Fringants et Philippe Brach ont participé à cette aventure.
PAN M 360 : Vous avez grandi entourée par la musique à Petite-Vallée, en Gaspésie. Comment cette expérience se transpose dans ce que vous faites?
JEANNE CÔTÉ : Mon père dirige le festival de Petite-Vallée. Il fait des chansons lui aussi. Ma mère est prof de musique, elle a étudié en guitare et chant classique, et elle a enseigné toute sa vie le chant et la musique au primaire. Le côté pédagogique et le côté performance faisaient donc partie de la famille. Je pense que ce qui me suit, c’est cette chance que j’ai eue d’apprendre jeune, d’être entourée de tout ça rapidement, d’avoir des expériences de scène dès mes 11-12 ans. J’ai pu avoir l’opportunité de chanter sur une scène, ce qui n’est pas donné à tout le monde, ça je le prends vraiment comme un beau cadeau familial. Après, quand je me suis mis à écrire des chansons par moi-même, j’ai essayé de me détacher de tout ça en même temps. Je parle de Petite-Vallée, je parle de ma région beaucoup dans mes textes, on dirait que ça a infusé. Mais reste que je pense que j’ai toujours voulu faire mon propre chemin de mon bord.
PAN M 360 : Vous dites avoir joué sur scène à 11 ans. Dans quel contexte avaient lieu ces premières performances?
Ouais, on a fait une espèce de tournée familiale. Ma mère et moi, quand j’avais 11-12 ans, on était allés en Europe et tout, c’était super. On faisait des petits shows dans des appartements et d’autres trucs comme ça. Je faisais des accompagnements, je chantais des chansons. Ma sœur et moi avions chacune une chanson solo.
PAN M 360 : Pourriez-vous nous guider à travers votre parcours musical jusqu’à maintenant?
D’abord, j’ai toujours pris des cours de piano, parce que ma sœur en prenait. Ma sœur a 4 ans de plus que moi, et j’ai suivi ses traces dans les inscriptions que mes parents faisaient pour la famille. Ma sœur a pris des cours de piano toute petite, alors j’ai fait la même chose. Mais j’aimais moins ça qu’elle, je pense. Elle était très bonne, et elle faisait des concours et tout. Moi, j’étais moins studieuse. J’aimais ça quand même, mais c’était plus pour le plaisir. À un moment, elle est partie de la maison quand je suis entrée au secondaire. Donc moi, pendant tout mon secondaire, j’ai eu la maison à moi toute seule quand je revenais de l’école. Et là, tout d’un coup, j’ai développé un lien avec l’instrument parce que j’avais 2-3 heures à jouer toute seule. Je me suis mise à pratiquer plus, à m’améliorer, et j’aimais de plus en plus ça. À un moment, à force de pianoter, je me suis mise à composer des petites choses ici et là, mais ce n’était pas pour faire des chansons nécessairement.
Après ça, il y a eu le camp chansons à Petite Vallée. Il était déjà ouvert depuis quelques années, mais il n’y avait que des séjours d’interprétation. Mais cette année-là, ils ont décidé d’ouvrir un séjour pour les auteurs-compositeurs-interprètes de 15 à 17 ans. J’étais en secondaire 3, et c’était la première fois qu’ils le faisaient. Il y avait deux formateurs : Patrice Michaud et Nelson Minville. Ce n’était pas n’importe quoi! C’est là que j’ai eu la piqûre, je me suis mise à écrire des chansons, et ça n’a plus jamais été autre chose. À partir de là, j’ai fait secondaire en spectacle, je suis venue à Montréal pour faire un double DEC en piano et littérature au Cégep Saint-Laurent, j’ai fait Cégep en spectacle, bref, la tournée des concours. Ensuite, j’ai fait des études universitaires en littérature aussi, à travers tout ça.
PAN M 360 : Donc vous voilà maintenant opérant sous votre propre nom. Comment décririez-vous ce projet?
JEANNE CÔTÉ : J’essaie de faire quelque chose que j’aimerais écouter. J’écoute énormément de musique, des choses diverses, mais je suis quand même très sélective sur ce que j’aime. On dirait que j’essaie d’aller chercher les choses qui me plaisent le plus dans ce que j’aime pour le mettre dans mon projet. Autant en littérature qu’en musique, j’aime quand les chansons sont intimes, quand elles vont puiser dans la vie de la personne qui chante. J’aime avoir l’impression que c’est vrai, j’aime avoir l’impression que c’est quelque chose que la personne a vécu, que ce sont des émotions qui sont véhiculées, mais qui ont du vécu.
J’écoute beaucoup de folk, c’est drôle parce que je ne joue aucunement de la guitare (rires). Je décris quand même mon projet comme folk, parce que je m’inspire beaucoup des pickings de guitare pour mes accompagnements. Le côté acoustique est là, le côté enraciné, ça reste quand même folk. Mais dire que tu fais de la chanson, aujourd’hui, c’est quasiment péjoratif. Moi je dis que c’est ça que je fais, c’est ce qui me parle le plus, j’aime ça faire de la chanson. J’aime quand il y a un couplet et un refrain. Donc voilà, je fais de la chanson folk, et pop par endroits.
PAN M 360 : Et, la chanson, c’est propice à la littérature. Justement, il y a dans vos chansons plusieurs images récurrentes, dont celle de la fenêtre, qui m’intéresse beaucoup Pourriez-vous me dire d’où elle vient, et ce qu’elle signifie pour vous?
JEANNE CÔTÉ : Oui, les textes c’est très important pour moi, j’aime écrire, j’aime creuser avec les mots. La fenêtre, je ne sais pas d’où ça vient exactement, mais si je me rapporte en Gaspésie, à 8, 9, 10 ans, ça a été long avant d’avoir accès à la technologie. Les téléphones cellulaires ne captaient pas le réseau avant mon secondaire 5, et encore là c’était moyen. Cela fait que, toute mon enfance et mon adolescence, je n’ai pas eu accès à la technologie tant que ça. En plus, Petite-Vallée c’est un village de 150 habitants, donc on s’ennuie facilement.
Mais ça a été précieux, pour moi, cette capacité de m’ennuyer. J’ai pu développer mon imagination, parce que je m’étais habituée à m’inventer des histoires aussitôt que je regardais par la fenêtre. Je me rappelle regarder par la fenêtre chez moi, dans le bus scolaire, à l’école… bref, j’ai eu un lien particulier avec les fenêtres. Même aujourd’hui, je suis souvent sur mon téléphone, mais quand je veux écrire, je m’en vais dans un café, je me pose devant la fenêtre, et je regarde dehors. Et là, on peut regarder ce qui se passe vraiment, ou on peut être complètement perdu dans ses pensées. C’est un moteur pour moi, c’est comme une porte pour accéder à ma créativité.
PAN M 360 : Et quand vous y accédez, et que vous commencez à écrire, comment se passe le processus?
JEANNE CÔTÉ : Souvent, le moment où je me pose devant une fenêtre, c’est parce que j’ai eu une idée avant. En fait, quand je suis en transport ou quand je marche, il arrive souvent qu’une mélodie me vienne en tête. Parfois, des mots viennent avec, et là, c’est la magie, c’est l’idéal. Mais c’est souvent seulement une mélodie. Alors je l’enregistre dans mon téléphone, et quand j’arrive pour écrire, j’ai accès à plein d’idées dans lesquelles je peux piger selon ce qui me parle le plus. Parfois, c’est un casse-tête, parfois j’arrive à greffer des textes dessus, ça dépend.
PAN M 360 : Parlant Francouvertes, comment avez-vous vécu vos deux soirées à date? Y avait-il une différence entre les préliminaires et la demi-finale?
JEANNE CÔTÉ : C’est une bonne question. Déjà, c’est la septième fois que je m’inscris au Francouvertes. Donc je suis partie avec peu d’attente, mais quand-même un désir profond de peut-être me rendre en demi-finale. C’était ça mon souhait le plus cher : me rendre au moins à cette étape-là, en me disant que ça allait probablement avoir plus d’impact sur ma carrière si au moins je me rendais en demi. Donc aux préliminaires, j’étais stressée parce que les concours, c’est stressant. Mais je me sentais prête.
Ensuite, quand je me suis qualifiée pour les demi-finales, je me disais « Oh wow! OK, ça va bien mieux que je pensais. » Déjà là, j’avais une pression de moins, mais malgré tout, on dirait qu’il y avait un petit stress de plus. Et là, tout d’un coup, la finale, c’est venu à être un enjeu. On a ouvert une autre porte. Il y avait un petit stress de plus, je dirais.
Mais, encore une fois, j’ai eu beaucoup d’occasions de performer dans les derniers 12 mois. Je me sens vraiment chanceuse d’avoir pu faire ça, parce que ça m’a donné une espèce de stabilité que je n’avais pas avant. Maintenant, on voit moins que je suis en train de mourir par en-dedans sur scène! (rires) Non, mais je deviens aussi meilleure pour tout prendre, et simplement l’accepter, le faire, et me dire « Ça va être ça. Je suis un peu stressée, mais je vais offrir le meilleur que je peux, parce que les gens sont là, et ils méritent que je leur donne tout ce que j’ai ».
PAN M 360 : À quoi peut-on s’attendre de votre performance durant la finale?
JEANNE CÔTÉ : Je pense que je vais changer un peu l’ordre par rapport aux deux autres étapes. Je ne sais pas si ça équivaut à me tirer dans le pied, de changer quelque chose qui a fonctionné les deux premières fois, mais je pense que je vais l’essayer. Sinon, vous pouvez vous attendre aux chansons de l’album, qui est sorti en janvier. J’aime raconter des histoires aux gens, entre les chansons. Et j’ai une belle fusion dans le band, aussi. Je suis tellement contente de jouer avec ces gens-là, Zachary Boileau à la guitare, Arthur Bourdon-Durocher à la batterie. Donc c’est vraiment un bon plan de course, c’est cool.
PAN M 360 : Merci Jeanne!