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La jeune guitariste prodige et innovante américaine Yasmin Williams se produit au Festival International de Jazz de Montréal (FIJM) pour la première fois, sur la scène Rogers, ce vendredi 27 juin. Michel Labrecque s’est entretenu avec Yasmin Williams pour discuter de sa vision de la musique et de la situation politique dans son pays.
Yasmin Williams joue de la guitare comme peu de gens. Il lui arrive de mettre sa guitare à l’horizontale sur ses cuisses et de frapper les cordes de façon percussive; de frotter un archet sur ses cordes; de relier un instrument de percussion africaine, le kalimba, à sa guitare. Elle fait des percussions avec ses pieds. La jeune Afro-Américaine originaire de la région de Washington DC a bouleversé l’univers de la guitare en mélangeant les genres et les façons de jouer.
« Tout cela a commencé avec le jeu Guitar Hero », dit-elle en rigolant. « Mon père l’avait acheté pour mes frères, mais je m’en suis emparé et l’ai gardé dans ma chambre et j’ai fini par battre le jeu».
Yasmin avait douze ans et n’avait jamais joué de guitare. Elle a imploré ses parents d’en obtenir une. Peu de temps après, elle était propriétaire d’une guitare électrique et elle a commencé à la jouer de façon percussive. Aujourd’hui, Yasmin Williams est surtout reconnue pour son jeu fingerstyle innovant de guitare acoustique.
« Un jour, j’ai entendu Blackbird des Beatles et ça a transformé ma vie » , raconte-t-elle. Elle a alors rangé sa six cordes électrique dans son étui pour un bon moment. Entretemps, elle a fait des études en composition musicale à la New York University. Sa palette de connaissances s’est agrandie et elle a commencé à rêver à une carrière musicale.
« Je fais de la guitare folk, mais avec beaucoup d’autres influences; on pourrait appeler ça du « folk plus »,dit-elle.
En 2018, paraît Unwind, son premier album de guitare instrumentale. « J’étais très puriste, je rejetais l’idée de doubler des pistes sonores, je voulais un album sans artifices, strictement acoustique », dit Yasmin. Cette première offrande nous présente une guitariste dans le prolongement des guitaristes virtuoses des années 70 comme Stephen Grossman, John Renbourn ou Leo Kottke. Mais Yasmin nous fait aussi découvrir ses nouvelles facettes du jeu de guitare, réinventant la façon de toucher des cordes.
« Je ne connais personne qui joue de façon percussive comme moi, à part un guitariste québécois qui s’appelle Erik Mongrain, que j’ai découvert des années plus tard », raconte Yasmin. Vérification faite, c’est bien le cas. Erik Mongrain a joué à quelques reprises avec une guitare horizontale.
En 2021, arrive Urban Driftwood, un disque où elle se permet des doublages et des musiciens accompagnateurs. « Je me suis donnée plus de liberté, avec un batteur, une violoncelliste et de la kora. Bien qu’instrumental, l’album reflète une année 2020 très troublée dans son pays, avec la pandémie, la mort de George Floyd et le mouvement Black Lives Matter, comme le précise Yasmin Williams sur la pochette.
« Oui, je suis politisée, dans l’époque que nous traversons ce n’est pas vraiment un choix. J’essaie de concevoir des projets pour promouvoir certaines causes. Je n’aime pas du tout ce qui se passe en ce moment ».
Il est prévu qu’elle se produise en septembre prochain au Kennedy Arts Center de Washington, dont Donald Trump a pris le contrôle récemment. « Beaucoup d’artiste, boycottent, moi j’ai choisi de donner mon concert, par solidarité avec les gens qui y travaillent; mais je vais dire des choses sur scène, qui ne plairont pas à tout le monde. »
En 2025, Yasmin devient plus ambitieuse avec Acadia, un album où elle multiplie les collaborations et les sonorités. On entend de multiples sons de nombreuses guitares, tant électriques qu’acoustiques. C’est un album où les influences jazz transparaissent davantage en plus du folk. « J’ai vraiment travaillé très très fort sur ces musiques et elle reflète davantage ma personnalité de compositrice ». Elle joue entre autres une guitare électrique à double manche, dont elle tire des sons innovants.
À 19 heures, ce soir, sur la Scène Rogers, nous aurons droit à un mélange de ces trois albums. « Ce sera seulement moi, ma guitare et vous, le public, en espérant que le temps soit clément. Je ne fais jamais de liste de chansons à l’avance, donc on verra ».
Les principales influences de Yasmin? « Jimi Hendrix, c’est sûr mais avant tout Elizabeth Cotten, une chanteuse folk afro-américaine née à la fin du 19e siècle, très inventive à sa façon. »
La guitariste virtuose a aussi fait des musiques pour des documentaires, dont une au piano. Elle a aussi un projet de groupe plutôt rock et progressif. C’est aussi une fan de musique Gogo, un style funk inventé dans la région de Washington ou elle vit. Et de hip-hop.
On en entendra sans doute parler encore longtemps. Et pas forcément uniquement avec des guitares.
Souhaitons une météo clémente pour ce soir. Ce n’est pas forcément assuré.