Festival de Lanaudière 2024 | Hommage à Mémoire et Racines sur fond de retrouvailles trad/classique

Entrevue réalisée par Frédéric Cardin
Genres et styles : musique ancienne / trad québécois

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Deux festivals lanaudois qui se côtoient depuis une trentaine d’années vont se retrouver le 24 juillet alors que celui de Lanaudière (classique) rendra hommage à Mémoire et Racines (trad). C’est avec les retrouvailles toujours appréciées de l’ensemble La nef avec les Charbonniers (amputés du qualificatif ‘’de l’enfer’’ depuis le décès de Jean-Claude Mirandette en 2019) que s’exprimera ce lever de chapeau très apprécié de Michel Faubert, autre membre des Charbonniers, et icône de la musique trad au Québec. 

 ‘’C’est une belle avancée’’ clame le chanteur et raconteur hors pair. Nous on se bat pour abattre les cloisons entre les genres. On le sait depuis longtemps qu’il y a de fructueux échanges entre le classique et le trad, ou le folklore. Pensez à Bartok et Stravinsky! Pis ça montre bien que le Festival de Lanaudière n’est pas embarré dans une vision étroite. En même temps, je suis un défenseur de la nécessité d’avoir de bons événements de musique classique! Mais pouvoir se rencontrer, c’est tellement enrichissant.

On doit soutenir toutes les musiques différentes de la consommation de masse. Je suis pour le classique, pour le métal, le jazz, le trad! La musique pour les mélomanes. Je ne suis pas fervent de musique pour les gens qui n’aiment pas la musique…

  • Michel Faubert

Sean Dagher poursuit en disant que ça montre bien à quel point les musiciens classiques sont ouverts. Plusieurs pensent encore qu’ils sont enfermés dans leur pratique, mais en vérité ils écoutent la radio eux aussi, ils ne vivent pas sous une roche! Ils sont ouverts aux autres musiques’

La traverse miraculeuse, du Québec à la France

La soirée sera l’occasion de revisiter la Traverse miraculeuse, concert/album qui a d’abord vu le jour grâce à une idée de deux réalisateurs de Radio-Canada en 2006 (Ah, l’époque où le diffuseur public jouait encore son véritable rôle culturel…. Les Charbonniers et La Nef largueront à nouveau les amarres pour raconter cette histoire de traversée de l’île-aux-Coudres vers Québec, rescapée miraculeusement du désastre suite, dit-on, aux prières des membres de l’équipage. L’idée, d’abord initiée par et pour Radio-Canada, est devenue album en 2008, mais aussi un concert le temps d’une soirée à Montréal Baroque. Puis, il a fallu attendre une dizaine d’années avant que cette belle aventure ne se retrouve à nouveau sur scène et se mette à voyager un tant soit peu. Pourquoi tant de temps? Fouille-moi, dit Faubert. Je ne m’en souviens pas. Mais chaque fois qu’on la joue, on se dit que c’est peut-être la dernière fois. C’est ça qui est beau. Ça devient un peu magique. On se retrouve tout le temps avec beaucoup de plaisir. Et puis, y’a rien d’autre qui ressemble à ça!’’ Sean Dagher, de La Nef, se rappelle que ça n’avait jamais été prévu pour être un spectacle, mais que finalement, On s’est laissé emporter par la vague

C’est un concept qui s’est même exporté jusqu’en France, au Festival de Chant de Marin de Paimpol. Parmi les meilleurs moments de ma carrière, me dit Dagher. Dans la cafétéria des artistes, ça chantait tout le temps! Autant que sur scène! Une immersion totale. Et pour le spectacle, on jouait sur un bateau amarré, avec les spectateurs sur le quai.

Admiration mutuelle

Un ensemble classique et un ensemble trad, au départ, ça doit apprendre comment communiquer dans des langages techniques différents. Au final, on s’apprivoise mutuellement. J’imagine que ça développe des liens et une intimité particulière, au-delà des différences. Je demande à l’un et l’autre ce que chaque ensemble aime de l’autre. Dagher débute : Nous à la Nef, nous sommes particulièrement impressionnés par la communication qui se fait entre les Charbonniers, comment ils lancent les chants, comment ils dévient, ils décomptent, en parfaite synchronie et dans des harmonies riches et complexes. Tout cela de mémoire! Et puis, on leur montrait les arrangements, ils regardaient les partitions une fois, puis ils l’avaient mémorisée, intériorisée! C’est vraiment impressionnant.

Faubert : 

Nous, ce qu’on aime beaucoup de La Nef, c’est la capacité d’adaptation que ses membres ont démontrée. Et puis quelle assurance technique! Ils sont tellement pros, tellement s’a coche. Ils apportent des sonorités différentes et magnifiques à ce qu’on fait, Chalumeau, cistre, violoncelle. C’est très beau. 

L’importance de Mémoire et Racines

Cet hommage est possible, en quelque sorte, parce que le festival Mémoire et Racines a su affirmer sa présence dans le paysage musical québécois. Son importance a été de stimuler la création d’autres rencontres du genre par la suite, chacune avec sa personnalité. Il fut un temps, rappelle Michel Faubert, où il n’y avait rien de ce genre au Québec. Les artistes allaient aux États-Unis, au Canada anglais et en Europe, mais revenaient ici et constataient l’absence d’événements semblables consacrés au trad. C’est là que le festival est apparu et à donné de l’oxygène au milieu. 

J’en ai passé des beaux moments ici! Michel Faubert se rappelle des éditions où plusieurs familles de la région (Lanaudière fourmille de musiciens trad amateurs) chantaient spontanément sur le site. Les Cantin, les Riopelle…. Maintenant, l’offre s’est multipliée. Il y a les chants de marin (Saint-Jean-Port-Joli), les chants de vielles (Saint-Antoine-de-Richelieu), et bien d’autres. Mais Mémoire et Racines demeure le principal et celui qui ressemble le plus aux festivals de type étatsunien, avec un large éventail de styles.

L’avenir, entre optimisme et interrogations

Un état des lieux positif pour Sean Dagher qui est optimiste sur l’avenir de la pratique. Ma fille de 19 ans va à des sessions de jam trad plusieurs fois par semaine, et beaucoup de jeunes de son âge s’y retrouvent. Je suis peut-être naïf, mais je pense que le trad est dans une bonne position au Québec.

Et pour Les Charbonniers? Quid de l’avenir? Les braises du charbon sont plutôt tièdes, avoue Michel Faubert. Il n’y a pas de projets dans l’air et la question est ouverte à savoir si l’ensemble continuera à exister. Une réflexion s’impose et je ne peux pas répondre pour les autres membres. 

Voilà une raison puissante de ne pas rater le concert du 24 juillet prochain à Joliette. 

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