Festival Classica : 1ere édition post-pandémique et un NOM à retenir

Entrevue réalisée par Alexandre Villemaire
Genres et styles : classique

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Depuis une dizaine d’années, le Festival Classica est devenu un événement incontournable de la musique classique pour la grande région de Montréal.   Dans la foulée du début de sa programmation 2023, échelonnée du 25 mai au 17 juin, PAN M 360 s’est entretenu avec Marc Boucher, fondateur, directeur général et directeur artistique de festival, évidemment au sujet de cette édition qui s’amorce. Et surtout pour parler de l’ambitieux projet phare du Nouvel Opéra Métropolitain (NOM).

PAN M 360 : Comment vous sentez-vous alors que le Festival Classica est sur le point de prendre l’envol de sa treizième édition? 

MARC BOUCHER : On est tous très heureux. Il faut savoir que c’est notre première édition post-pandémique. Cette année, c’est vraiment notre retour, sans restrictions, avec des événements extérieurs et aussi avec le lancement de notre nouvelle division lyrique qui est le Nouvel Opéra métropolitain. Donc, très fébriles parce que tout ça nous fait vraiment plaisir, on est excité parce qu’on a toutes sortes de beaux concerts. Franchement, on est très content.

PAN M 360 : Quelles sont les lignes directrices qui ont guidé l’élaboration de cette programmation de cette année?

MARC BOUCHER : D’abord, c’est une édition française où la majorité des projets qu’on présente sont inspirés de musiciens français de toute époque.  Étonnamment d’ailleurs, en 2024, ce sera aussi une édition française parce qu’il y a trois anniversaires très importants à célébrer et une commémoration avec Hahn, Dubois et Fauré, dont c’est respectivement le 150ᵉ anniversaire de naissance et le centenaire de décès. C’est aussi une édition où on a beaucoup d’œuvres de compositrices et d’interprètes féminines, avec Élisabeth Pion, Mélisande McNabey, Marie-Nadeau Tremblay et l’ensemble Les Barrocudas. Ça, c’est la ligne directrice principale. Ensuite, on a notre grand concert extérieur pour toutes les générations qui vient célébrer le 50ème anniversaire de l’album The Dark Side of the Moon  avec des orchestrations symphoniques et qui est présenté en partenariat avec la ville de Longueuil. Finalement, il y le lancement du Nouvel Opéra Métropolitain avec la création d’un grand opéra créé à partir de zéro, c’est-à-dire le livret par Bertrand Laverdure basé sur L’homme qui rit de Victor Hugo avec une musique originale d’Aïrat Ichmouratov, qui représente un gros morceau, car, c’est un qui était en gestation depuis trois ou quatre ans et qui va avoir sa réalisation le 31 mai prochain.

PAN M 360 : Que pouvez-vous nous  dire sur les deux autres opéras qui seront présentés par le Nouvel Opéra Métropolitain? 

MARC BOUCHER:  Pour L’Adorable Belboul de Jules Massenet, il y a 4 ou 5 ans, alors que nous étions en plein travail sur les enregistrements de l’intégrale de ses mélodies [NDLR: publié chez ATMA en novembre 2022, il s’agit du plus important projet discographique au Canada], on découvre en 2017, qu’aux enchères chez Sotheby’s (Londres) qu’une opérette revoit le jour. L’Adorable Belboul, c’est une petite chose, mais tout Massenet y est déjà. Pendant 140 ans, cette opérette est tombée dans l’oubli total et là, nous en faisons la création complète avec l’orchestration originale de Massenet pour petit ensemble. Nous avons d’ailleurs eu le bonheur de travailler et d’accueillir dans ce projet Jean-Christophe Branger, grand spécialiste de l’œuvre de Massenet.

Le  troisième projet, Miguela, c’est le testament lyrique de Théodore Dubois; sa dernière œuvre. C’est à ce point, un testament que l’œuvre n’existait qu’en partition manuscrite à la Bibliothèque nationale de France (BNF). J’ai eu connaissance de l’œuvre lorsque j’étais à La Cosse, il y a six ou sept ans, où habite Francis Dubois, l’arrière-petit-fils de Théodore Dubois. Il me montrait les cahiers manuscrits de son père à lui. Donc, son père avait répertorié ce que le grand-père de Francis avait dû envoyer à la BNF, au dépôt légal des œuvres. Dans un livre, tout d’un coup, je vois une page  au crayon où il est écrit « Miguela ». Et je vois 850 pages, un acte, deux actes, trois actes. Je me dis « Mon Dieu, c’est quoi cette histoire? On ne connaît pas ça. » À l’époque, je travaillais beaucoup avec le musicologue Jean-Claude Magloire, on avait fait un autre opéra de Dubois, Aben-Ahmed, et tous les deux on s’est dit que le prochain projet à faire, serait Miguela. Le 14 juin donc, on assistera à la création mondiale, en version concert, de l’opéra Miguela sous la direction de Benjamin Levy, le chef de l’Orchestre national de Cannes, le tout en présence de Francis Dubois et de Renée Magloire, la veuve de Jean-Claude.

PAN M 360 : Pourquoi avoir créé ce nouvel ensemble qu’est le Nouvel Opéra Métropolitain dans le paysage musical montréalais? 

MARC BOUCHER : Tout d’abord, je dois dire que c’est un projet de développement avec la Faculté de musique de l’Université de Montréal qui me tient particulièrement à cœur. La Salle Claude-Champagne est une salle formidable, qui mérite d’être aimée plus qu’elle ne l’est en ce moment. On pense qu’il y a vraiment un beau développement à faire; c’est une salle avec une jauge idéale, une très bonne acoustique et qui favorise l’expérience de proximité avec le public  en plus d’avoir un dispositif qui permet de simuler une fosse d’orchestre. Ensuite,  je considère que nous avons la plus belle génération de chanteurs lyriques qu’on n’ait jamais eue. Le point de départ de tout ça, c’est vraiment le fait qu’ aujourd’hui, quelqu’un qui étudie en chant, on forme des chanteurs dans nos facultés de musique, conservatoires on parle de la crème de la crème de la crème, si on n’est pas capable de dire à ces gens-là qu’il y a suffisamment de travail pour pouvoir honorablement gagner leur vie; si on n’est pas capable de créer ces conditions économiques, il faut se poser la question « À quoi bon former des musiciens et des chanteurs  quand on forme des chômeurs? » C’est ce qui motive ce d’une part ce projet: cette nouvelle division lyrique a le devoir de créer du travail. D’autre part, le Nouvel Opéra Métropolitain, est aussi une sorte de laboratoire où on va commander des œuvres et où on va se permettre  choses qui dans le cadre de la gestion générale des compagnies d’opéra doivent subir une transformation importante.

On parle ici notamment de repenser le système staggione qui emploie les chanteurs en fonction des saisons d’opéra qui sont mises en place, et non plus en fonction du répertoire, de dématérialisation des décors, d’utilisations de textiles recyclés pour les costumes, tout ça en lien avec la carboneutralité et les changements climatiques qui vont naturellement amener les arts de la scène en général à se conformer à des règles et à des obligations au regard des exigences de ce qu’on doit faire pour essayer de corriger finalement les changements climatiques. Je pense,  personnellement, que dans un avenir assez rapproché, les vols, les artistes internationaux,  tout ce système qui fait que les gens prennent l’avion, comme on prend le taxi, je pense qu’on arrive au bout de cette logique. Donc on va se retrouver une certaine, j’apprends, je ferais ça d’une façon plus lente de venir travailler. On va considérer des séjours plus longs, on va considérer toutes sortes de choses et on va considérer engager moins d’artistes internationaux. Tout ce modèle va amener des économies d’échelle importantes alors que les maisons d’opéra aujourd’hui sont prises avec des dettes importantes (300 millions US pour le Metropolitan Opera).

Aussi, outre la qualité de la Salle Claude-Champagne, on espère sur le court terme voir un maillage avec les étudiants en chant de la faculté de musique et également d’utiliser et de développer l’espace autour de la salle pour des projets extérieurs. Donc beaucoup de choses stimulantes en perspective pour les prochaines années!


Le Festival Classica se tient du 25 mai au 17 juin 2023. Pour consulter la programmation, c’est ici

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