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Félix-Antoine Morin explore la facture poétique. De manière générale, son esthétique consiste à modifier le réel en lui conférant des éléments de fiction ou d’abstraction, au terme d’un processus rigoureux de conception sonore ou visuelle. Son travail implique la composition électroacoustique, l’art vidéo, le dessin de partitions graphiques, la photographie, la conception d’installations immersives et les nouveaux médias.
Félix-Antoine Morin a étudié les arts visuels à l’UQAM et la composition électroacoustique au Conservatoire de Montréal. Il a remporté un prix du concours Jeu de temps/Times Play (JTTP) en 2008 et le prix Joseph S. Stauffer du Conseil des arts du Canada en 2012. Ses œuvres ont été présentées au pays et à l’étranger. Qui plus est, il est parmi les fondateurs de l’étiquette Kohlenstoff Records.
Dans le contexte d’Akousma, Félix-Antoine Morin présente l’œuvre Spéléogenèse, spatialisée par Guillaume Cliche.
PAN M 360 : D’où vient cet intérêt pour les sons des cavernes? Pour la spéléologie? Pur hasard touristique?
Félix-Antoine Morin : Je m’étais rendu initialement au Vietnam pour présenter une exposition à Hanoi, Invisible fragments, une installation audio-visuelle multi-écrans. En faisant quelques recherches sur ce pays, j’ai découvert que celui-ci est réputé pour son grand nombre de grottes, dont celle de Hang Son Ðoòng, considérée comme la plus vaste galerie souterraine au monde. J’ai toujours été fasciné par les espaces avec des acoustiques particulières. Ma démarche de recherche in situ était hybride : en plus d’enregistrer des éléments sonores se produisant naturellement à l’intérieur des grottes, j’ai aussi organisé plusieurs sessions d’enregistrements en y improvisant de la musique.
PAN M 360 : En quoi vos musiques improvisées complètent-t-elles le paysage sonore? Quelles en sont les caractéristiques propres avant leur « dialogue » avec les sons de la caverne?
Félix-Antoine Morin : Lors de ses sessions d’improvisations musicales, j’ai surtout essayé de me laisser inspirer par cet environnement à l’intérieur des grottes. J’ai préparé mes sessions d’improvisations en anticipant ces décors et ce contexte. Immergé dans ces ambiances mystérieuses, mon processus d’enregistrement d’improvisations sonores se déroulait un peu comme une cérémonie sacrée. Plusieurs éléments sonores de la pièce Spéléogenèse ont été ajoutés ensuite lors de l’écriture de l’œuvre, toujours en m’inspirant des enregistrements mais surtout de l’impression que ces environnements ont laissé en moi.
À l’intérieur des grottes dans lesquelles j’ai passé beaucoup de temps, on se sent un peu comme à l’intérieur d’une cathédrale. Immergé dans ces ambiances mystérieuses, mon processus d’enregistrement d’improvisations sonores se déroulait un peu comme une cérémonie sacrée. Celui-ci débutait par la naissance très subtile d’un son, pour se développer en une nappe sonore plus complexe et finir par s’éteindre naturellement dans ces cavités réverbérantes.
PAN M 360 : Quels sont les traits caractéristiques des sons captés dans les grottes?
Félix-Antoine Morin: C’est surtout l’aspect psychoacoustique, le rapport entre les sons et la perception auditive qui caractérisent ces lieux qui m’intéressaient. Mais les éléments sonores se produisant à l’intérieur des grottes sont assez « silencieux ». Les plus bruyants sont les chauves-souris, les cours d’eau et des gouttes d’eau qui tombent un peu partout (celles qui forment les stalagmites) et que j’ai repris ensuite par mimétisme musical avec des synthétiseurs analogiques.
L’idée était de créer une œuvre qui mélange à la fois les sons naturels qui se produisent dans les grottes et les improvisations sonores que j’ai faites à l’intérieur de celles-ci. D’écrire une œuvre sonore qui mettrait de l’avant ces espaces, mais aussi mon rapport poétique à ceux-ci en tant qu’artiste sonore.
PAN M 360 : En quoi la circulation du son est-elle un facteur intéressant dans le résultat final?
Félix-Antoine Morin : Je diffusais mes sessions d’improvisation sur de petits haut-parleurs portables à bas volume pour permettre aux sons naturels se produisant à l’intérieur des grottes de se mélanger à mes évolutions sonores dans un même environnement acoustique. De cette manière, au lieu d’imposer ma musique au lieu, j’essayais avec celle-ci de me fondre dans cet environnement. Dans l’œuvre finale que je présente à Akousma, j’utilise ses improvisations sonores enregistrées à l’intérieur des grottes, mais il y a aussi des improvisations sonores qui n’ont pas nécessairement étés réinjectées dans ces espaces, mais dont je m’inspire directement.
PAN M 360 : Qu’avez-vous spécifiquement accompli à travers le projet Spéléogénèse, qui signifie à la base l’étude des processus de formation des cavités souterraines?
Félix-Antoine Morin : J’ai imaginé l’écriture de cette pièce avec l’idée de la formation d’une cavité qui se creuse tranquillement un passage à force de pressions et de procédés chimiques. Dans cette pièce, j’utilise des sons parfois granuleux et très angulaires qui semblent se frayer un passage à l’intérieur d’une trame sonore dense, mais dont celle-ci est érodée par une action lente et progressive. Finalement, cette œuvre est surtout le résultat d’une expérience personnelle et intime dans ces lieux souterrains.
Crédit photo : Carl Lessard