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À 29 ans, la compositrice, écrivaine, chanteuse et rappeuse Emma Beko sort son premier projet solo. Après plus de dix ans en tandem avec son groupe Heartstreets, l’artiste fait le grand saut et offre avec beaucoup de pudeur ce premier essai très réussi. Sur fond de hip-hop expérimental, Emma se livre à travers des textes remplis de cynisme, de joie, d’anxiété et autres émotions contrastant avec l’espoir qu’incarne Blue, le titre de son album.
PAN M 360 : Pour ce premier album solo, quels sont les premiers échos ?
Emma Beko : “ À date, les échos que j’en ai sont pas mal de mon entourage immédiat (d’ailleurs son téléphone ne cesse de sonner, et s’excuse ne sachant plus comment le mettre en mode silencieux). Les compliments affluent, mais je dois dire que j’attends plus ceux de mon public et du monde de la musique. Tout le monde m’a connue il y a dix ans avec Heartstreets (son premier groupe), sauf que là c’est un projet solo dans lequel je me dévoile et je donne tout ce dont j’ai envie. Et surtout je suis abasourdie de voir à quel point on attendait ce premier projet, alors que ça ne fait qu’un an qu’il est en préparation. Il y a une grande attente et je suis super excitée à l’idée d’entendre tout ça, mais en même temps je suis hyper stressée, car je me dis que les attentes seront très élevées pour le prochain projet sur lequel je travaille.”
PAN M 360 : Ce premier album est teinté de plusieurs influences musicales oscillant autour du rap, alors vous considérez-vous comme une rappeuse ?
Emma Beko : “ Oui je me considère rappeuse, je suis rappeuse dans l’âme. C’est naturel pour moi. Souvent pendant des soirées, il m’arrive de prendre le micro et de chanter. Et oui, bien souvent le flow que j’ai s’apparente à du rap. Ça n’est pas du street-rap, mais je reste une chanteuse qui fait du rap, tout comme je suis la réalisatrice de mes clips (dit-elle en rigolant).”
PAN M 360 : Musicalement, comment décririez-vous Blue ?
Emma Beko : “ C’est difficile pour moi de catégoriser les choses et encore moins de coller des étiquettes. Quand tu fais une chanson, elle a un style propre, elle est unique. Oui, il y a beaucoup d’influences, et si je devais résumer ce projet, je dirais qu’il s’agit de « hip-hop alternatif ». Le hip-hop a beaucoup influencé ma carrière de chanteuse, toutes les chansons ont de près ou de loin des influences hip-hop, même le titre Alma (avec Karelle Tremblay) qui est plus une ballade. Je dirais même que c’est parfois expérimental, au sens où n’est pas ce qu’on connaît du hip-hop. Le hip-hop a évolué ces dernières années, et les branches de ce mouvement se sont multipliées, c’est pour ça que je qualifie cet album de « hip-hop expérimental ».”
PAN M 360 : Vos racines péruviennes et hongroises ont-elles influencé votre musique ?
Emma Beko : “ Inconsciemment, oui, sûrement. Ça n’a pas influencé la production, mais mes textes définitivement. En Hongrie, dans la famille, souvent les soirées finissaient en karaoké et j’avais une certaine aisance à me dévoiler et aborder certains sujets au micro. C’est en ça que ces origines ont influencé ma manière d’aborder des sujets sensibles comme les problèmes de santé mentale auxquels je fais face depuis quelques années.”
PAN M 360 : Peut-on considérer ce premier album comme une thérapie face à vos problèmes de santé mentale dont vous parlez ouvertement ? Aussi face à votre rapport avec l’amour ?
Emma Beko : “ Un grand oui! Quand je crée de la musique, c’est de la pure thérapie en effet. Ça me permet d’extérioriser tout ce que j’ai en moi, plutôt que d’exploser. Ça fait du bien, ça aide à mettre des mots sur mes sentiments et à comprendre un peu le parcours que j’effectue. La santé mentale est un sujet à aborder d’une manière sérieuse, ça peut nous affecter si ça n’est pas pris au sérieux. C’est un geste important aussi la campagne « BELL cause pour la cause », malgré ce qu’on peut entendre sur ces grosses compagnies, etc… Au moins elles font campagne et elles en parlent, là est toute l’importance. On est une société de plus en plus malade.”
PAN M 360 : La musique a-t-elle été une façon de vous échapper du monde dans lequel nous vivons ?
Emma Beko : “ Par rapport à mes craintes, oui c’est sûr. Blue était prêt au début de la pandémie l’an dernier, en février 2020. Le premier single Waves, ironiquement, parle de la fin du monde et c’est fou de voir à quel point il est en phase avec ce que nous vivons depuis un an. J’avais déjà cette peur de ce que nous vivons en ce moment. Donc quand la situation s’est empirée, j’avais déjà fait le deuil en quelque sorte. Ça n’a pas affecté plus que ça mon état d’anxiété. J’aurais voulu par contre profiter davantage de mes proches, qui sont très importants pour ma santé mentale, comme c’est le cas de plusieurs d’entre nous. Mais j’ai réussi à échapper à toute cette situation grâce à mon projet qui m’a pris beaucoup de temps.”
PAN M 360 : Comment s’est décidé ce grand plongeon dans cette carrière solo ?
Emma Beko : “ Ça mijotait dans ma tête depuis très longtemps. J’avais vraiment envie d’un projet dans lequel je serais 100% moi-même, sans compromis. Le band c’est différent, tu es deux, tu décides à deux, etc. Là je voulais être moi, toujours pleine d’idées, et j’avais envie de pouvoir les concrétiser. Faire ce que j’ai envie de faire, tout simplement. Je me suis découverte avec Heartstreets, j’ai grandi et je voulais voir de quoi Emma Beko était capable d’elle-même. J’étais confiante dans la démarche artistique, mais plus anxieuse quant aux shows sur scène, où je serai livrée à moi-même.”
PAN M 360 : Pouvez-vous nous parler de la pochette de l’album, que signifie-t-elle ?
Emma Beko : “ Ça semble être une image d’archive, mais c’était une mise en scène, une reconstitution. C’est mon amie photographe et directrice artistique, Carole Méthot, qui a eu l’idée. La pochette représente une jeune fille dans un party de sous-sol d’église. Je pose debout au milieu, mon regard sombre représente bien l’ambiance de l’album. Et Blue c’est aussi la couleur de l’espoir qui contraste avec le contexte, cette couleur représente beaucoup d’émotions que j’aime : la nostalgie, la pluie qui tombe, l’acceptation de mes sentiments, etc.”
PAN M 360 : En tant qu’artiste anglophone, comment avez-vous appréhendé la sortie de l’album au Québec, là où vous vivez ?
Emma Beko : “Oui, c’est un fait, et pour cause : avec mon groupe Heartsreets, nous n’avons jamais été acceptés comme tels pendant près de dix ans. Nous chantions en anglais et en plus dans un style hip-hop. Donc, vu cette expérience, j’ai appréhendé la sortie de cet album solo. Montréal est très diversifié et nous devrions en être fiers ! Malgré tout, les réactions sont extraordinaires et je remercie encore toute ma communauté qui me suit depuis quelques années.”
PAN M 360 : Sur les réseaux sociaux, vous avez parlé de jamais vu pour votre spectacle virtuel. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Emma Beko : “ The Blue Experience sera en live sur internet le 19 mars. C’est un show immersif virtuel malade, que nous allons tourner à L’Anti bar & spectacles à Québec, durant lequel je chanterai toutes les chansons de l’album, dans un univers artistique distinct. Également, j’ai tourné un show dans le dôme de la Société des arts et technologies (SAT) pour le festival Phoque OFF. Sinon je continue à tourner des clips. Il y aura un clip pour chaque titre, et c’est moi qui réalise.”